Ghastly Waves & Battered Graves

Vulture

07/06/2019

Metal Blade

« Les eighties ne seront jamais terminées tant que des musiciens comme ceux de VULTURE ne l’auront pas décidé »

 

C’est ainsi que je terminais il y a deux ans ma chronique du premier LP des germains de VULTURE, qui m’avait méchamment secoué de son Speed/Thrash possédé et dopé aux amphétamines de haine. Pourtant déjà submergé par les flots du raz de marée nostalgique déclenché une décennie auparavant, j’avais cru déceler en ce groupe des qualités qui manquaient à bon nombre de leurs contemporains, à commencer par cette rage presque surnaturelle qui permettait à leurs morceaux d’exploser en gerbes d’étincelles de folie. Il faut dire que The Guillotine n’était pas avare en attaques sadiques et en riffs atomiques, et c’est non sans une certaine impatience que j’attendais de pouvoir me faire la plume sur une éventuelle suite. Et passant des estimables High Roller au référentiel Metal Blade, nos cousins allemands n’ont rien perdu de leur sauvagerie qui prend aujourd’hui des atours plus professionnels, sans renoncer à cette démence instrumentale qui les caractérise si bien. D’ailleurs, totalement conscients que ce changement de label et cette soudaine notoriété risquaient d’attirer l’attention sur eux, les originaires de North Rhine n’ont pas hésité à mettre l’emphase sur l’euphorie et l’exubérance, déclarant même que ce second longue durée avait été baptisé ainsi « because it's catchy, cold and Metal as fuck ». Et pour en rester sur cette assertion tonitruante, autant dire qu’en effet, Ghastly Waves & Battered Graves est terriblement accrocheur, aussi Metal qu’une pose de Joey DeMaio, mais qu’il n’est par contre pas vraiment froid, et plutôt chaud comme les braises de l’enfer germanique. Et si The Guillotine se contentait plus ou moins de reproduire les formules de leur premier EP/démo Victim to the Blade (ce que le groupe admet lui-même), Ghastly Waves & Battered Graves va encore plus loin tout en conservant la même optique, se posant comme postulat définitif d’un mouvement old-school qui risque d’en prendre de la graine.

Depuis 2017, le groupe a légèrement changé de formation, accueillant Gereon Deceiver au poste de batteur, remplaçant donc le vaillant S. Genözider depuis intronisé second guitariste. Mais on retrouve aux autres fonctions les mêmes combattants qu’autrefois, soit A. Axetinctör à la basse, M. Outlaw à la guitare et surtout, L. Steeler au chant, meneur de revue de l’extrême qui n’a toujours pas découvert les vertus du sirop pour la toux. Le quintette est donc affuté, préparé à affronter les meilleurs dans leur catégorie, et pressé d’en découdre, certain d’avoir trouvé le meilleur plan de bataille possible pour terrasser la morosité ambiante et la linéarité d’une optique passéiste qui se contente souvent de reproduire des clichés sans chercher à les transcender. Et que les amateurs se rassurent, le quintet n’a rien perdu de son acuité à singer les ambiances en vogue en Allemagne il y a plus de trente ans, et se montre même encore plus démonstratif dans la brutalité, gardant sous le coude cette inspiration mélodique qui empêche de faire glisser leur bestialité dans les affres du bruit désorganisé. Les qualités remarquées en 2017 sont toujours aussi présentes, cette soif de riffs épais et légèrement viciés, ces chœurs qui renforcent des parties de chant pourtant bien allumées, et cette capacité presque surnaturelle à puiser dans le répertoire national de quoi abreuver des foules assoiffées de rythmiques pilonnées, de guitares laminées et de paroles hurlées et ponctuées de cris suraigus à rendre fous les Paul Baloff et Dan Beehler de la création. Je citais plus en amont du calendrier quelques noms qui permettaient de situer les allemands sur une carte de la violence, et mettais en avant évidemment l’exemple d’EXODUS, celui des premières années, celles de Bonded By Blood, qui semble toujours occuper une place de choix sur la cheminée. Cette approche en mid tempo boosté trouve encore sa chaire aujourd’hui à la table des négociations, et lorsque vos oreilles malmenées par un Thrash possédé tomberont sur le brûlot « Dewer's Hollow », vous comprendrez à quel point les VULTURE se sont goinfrés de cette pitance pour nous pondre des titres de la trempe de « And Then There Were None » ou « Exodus ». Même attaque toute en démesure, même envie de ne pas noyer la cadence dans une cacophonie imbuvable, même instinct naturel pour l’intégration d’harmonies qui allègent sans faire fondre le gras des guitares, et surtout, même énergie juvénile qui nous ramène à la genèse d’un genre qui depuis a pratiquement tout dit, mais qui le répète avec un bonheur presque inédit.

Mais après tout, un groupe qui démarre la bagarre avec une beigne de la force de « Fed to Sharks » est obligatoirement un adversaire à craindre. Rythmique impulsive à la LIVING DEATH, coups de reins à la EXCITER, laminage en règle hérité de la scène canadienne des RAZOR (noms que j’avais aussi employés pour parler de The Guillotine), et une franchise à faire se pâmer les adorateurs de la sidérurgie germaine de la période 84/86. Impossible non plus de ne pas pointer du doigt à nouveau les exactions morbides de POSSESSED, en les mâtinant d’une joie adolescente à la RUNING WILD/CROSSFIRE lorsque retentit le hit de l’impossible qu’est « The Garotte », qui lâche les riffs les plus redondants depuis le premier MORTAL SIN, et au fur et à mesure que les morceaux s’enchainent sans faiblir, l’heure est à la constatation en forme de règle immuable : les VULTURE ont brillamment transformé l’essai avec Ghastly Waves & Battered Graves, qui n’est qu’une séance de headbanging ininterrompue, une concrétisation musicale d’un pit noyé dans sa propre sueur, et surtout, une célébration du Metal le moins dilué et le plus concentré. En se servant de toutes les armes à leur disposition, les allemands nous servent une œuvre bouillante, qui fait siffler la cocotte avant de l’exploser sur la cuisinière, une plongée en apnée dans les profondeurs de la révolte pubère, qui fait de la testostérone et des clous les armoiries les plus caractéristiques d’une génération qui n’a pas oublié ses propres fondations. « Tyrantula », en tant que tel, se pose en « Strike of the Beast » de cette nouvelle engeance, cavalant d’un tempo très marqué pour mieux  insérer au chausse-pied des chœurs toujours aussi racoleurs, baignant le tout dans une euphorie auditive que peu de manipulateurs du passé peuvent se targuer d’égaler. Parfaitement conscients de ne pas avoir inventé la poudre mais de savoir se servir du canon, les cinq instrumentistes jouent comme si demain n’existait pas et que seul comptait le moment, tout en composant des morceaux sonnant comme des classiques intemporels instantanés.

Et en enjolivant le tableau de quelques arrangements épars (claviers, intro venteuses), VULTURE se permet parfois quelques ambitions plus grandiloquentes, montrant qu’ils sont aussi à l’aise en terrain lourd qu’en champ de bataille encore fumant (« Stainless Glare »). Notons pour la fine bouche une cover de THIN LIZZY en bonus, qui prouve que les gus ont quand même une culture inoxydable (« Killer On The Loose »), et acceptons finalement Ghastly Waves & Battered Graves pour ce qu’il est. Un putain d’album, catchy, hot and Metal as fuck.        


Titres de l’album :

                         1.Fed to Sharks

                         2.The Garotte

                         3.B.T.B. (Beyond the Blade)

                         4.Ghastly Waves & Battered Graves

                         5.Dewer's Hollow

                         6.Tyrantula

                         7.Stainless Glare

                         8.Murderous Militia

                         9.Killer on the Loose

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par mortne2001 le 01/07/2019 à 17:31
88 %    874

Commentaires (2) | Ajouter un commentaire


Jus de cadavre
membre enregistré
01/07/2019, 18:04:49
Nan mais... Excellent ce truc ! Ça me rappelle les compatriotes de Hexecutor un peu ! Et j'adore quand ça joue la carte cliché à 100%. Quand c'est assumé, tu peux pas test mec !
Terrible !

Humungus
membre enregistré
01/07/2019, 18:42:18
Moins bon qu'avant je trouve (vieux con speaking).
Par contre, la pochette est une pure merveille (giallo à mort).
Quand tu vois les bouses visuelles que certains "grands" groupes osent proposer et que des formations undergrounds comme ça se font chier à nous mettre en cover des tueries (matez les leurs en l'occurence), y'a quand même des questions à se poser non ?

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