Sur le papier, et avec la mémoire underground un peu embrumée, toute cette affaire sonne comme un coup fourré de nos cousins canadiens, jamais les derniers à organiser une opération Raw Black méchamment troussée. Sauf que pour qui connaît un peu les rouages des bas-fonds musicaux nationaux, SORDIDE est tout sauf une méchanceté de plus à nous envahir de Montréal. Non, SORDIDE, c’est du malfaisant made in France, de Normandie, Rouen plus exactement, et leurs premiers débordements ne datent pas d’hier. Leur introduction remonte en fait à 2014, via un long sorti de nulle part, La France à Peur, au titre sniffant bien la une d’un journal télévisé après les méfaits d’un criminel en cavale ou d’une vague d’attentats. Mais comme beaucoup de leurs collègues, ces mecs-là sont apolitiques, et refusent les drapeaux et étiquettes, même musicales. Pourtant, impossible de nier leur allégeance au BM fondamental de la fin des nineties, celui venu du froid du Canada, mais aussi le frenchie des légions noires, le savoir-faire en plus et les ambitions moins minimalistes. Deux ans plus tard, c’est Fuir la Lumière, au titre en forme d’aveu qui nous surprenait de son évolution plus mesurée. Et en ce début d’année, c’est au tour de Hier Déjà Mort de nous prévenir d’un futur en fin de non-recevoir, un avenir qui pèse de tout son poids sur nos épaules et qui souille un peu plus le peu d’illusions qui nous reste. Mais malgré des qualités de grandiloquence évidentes, malgré des prétentions presque progressives, les normands ne méritent pas une chronique emphatique avec ce virage crucial du troisième album, qui comme dans toute pièce signifie une fin, qui peut aussi être un nouveau départ. Non, ils méritent une prose à la hauteur de leur saloperie, de leur décadence, et de leur dégoût des normes et des flatteries mélodiques.
Pour être franc, et aussi objectif puisse être cette chronique, autant l’avouer, SORDIDE n’a jamais autant mérité son nom de baptême. Hier Déjà Mort est un constat de décès, une abomination mise en forme, une méchanceté sublime qui renvoie la concurrence dans les limbes de la joie indécente. Rarement un groupe n’aura autant formalisé le dégoût du BM le plus essentiel avec autant de pertinence, tout en jouant en permanence avec ses codes. Car si l’inspiration globale se réclame de la mouvance moderne de la fin du siècle dernier, les attitudes en détail montrent que le trio (Nemri - chant/batterie, Nehluj - guitare/chant et Nebhen - basse, depuis 2015) élargit de plus en plus ses horizons, admettant le Crust comme composante de colère et le dramatisme Heavy comme manifestation de sadisme extrême. Extrême, voilà un terme qui convient parfaitement à l’optique du combo qui finalement, s’en satisfait très bien. En déviant légèrement de leur trajectoire depuis Fuir la Lumière, les trois instrumentistes se tapissent de plus en plus dans l’ombre de l’humanité pour en dénoncer tous les travers hédonistes et égoïstes. Et sur les sept véritables morceaux de ce troisième chapitre, aucun ne nous épargne l’agression d’un collectif qui sait très bien ce qu’il fait en ne supportant que les thématiques artistiques les plus nihilistes, sous couvert d’un son de plus en plus professionnel. On trouve dans leur philosophie contemporaine des éléments de Blackened Hardcore allemand, mais aussi des aspirations littéraires classiques, avec ce chant en français qui permet d’apprécier tous les mots pourvu qu’on les comprenne. Et croyez-moi, si vous tendez l’oreille, ça n’est pas joli-joli.
« C’est la peur du noir, leur adrénaline, à tous ces crevards qui crient famine »
« La Peur du Noir », justement, le premier couperet à nous tomber sur la nuque. Cinq minutes de BM à la norvégienne adaptées aux exigences françaises, mais la même froideur, le même mépris des concessions, et un parfum du MAYHEM historique en forme de caution, bien qu’ils n’en aient pas besoin. La voix, loin dans le mix nous menace de ses harangues soudain braillées comme un leitmotiv terminal, pour un constat qui se passe de commentaires. La puissance est assourdissante, les incisions Crust et D-beat bien palpables, mais le tout incarne une forme nostalgique de BM traduit dans un langage plus contemporain, et toujours aussi noir. Noir comme la poix, noir comme le jais, noir comme l’ébène, mais surtout noir comme une nuit sans lune. Et si le titre éponyme « Hier déjà Mort » continue sur cette lancée de cruauté en rapidité, alternant toujours les blasts et les up-tempi maléfiques, « Le Cadavre ou l'offrande » casse le schéma et tombe dans le nauséabond lourd et poisseux. On se prend de passion pour cette soudaine crise d’oppression, qui rappelle le meilleur du MARDUK post Legion, bien que les dissonances utilisées par SORDIDE sont encore plus prononcées. Rythmique qui n’hésite pas à appuyer avant de fracasser, chant qui se pare de gravité glauque, déroulé d’immondices harmoniques en complet désaccord, pour une plongée dans les abysses de l’infamie instrumentale la plus insondable. C’est éminemment laid, grimace de Metal extrême face au miroir de la normalité, mais c’est surtout très intelligent, avec cette basse proéminente qui multiplie les boucles lentes comme un serpent qui se tortille près du visage. Sûrs de leur fait, les trois compères nous brossent un tableau maladif, aussi rattaché au BM lo-fi qu’il n’en est éloigné de ses moyens, mais concret, tangible dans l’horreur, pour une fois encore coucher sur papier des textes effrayants de lucidité.
En mode variable, le groupe est intouchable. Cette manière de combiner les thèmes et les approches est unique, et « La Chute » de prouver que même en plus de cinq minutes, le groupe reste concis et concentré. La linéarité des attaques les plus forcées à ce quelque chose d’hypnotique qui le confine à un mantra psychotique, et on subit cette violence de plein fouet sans chercher à s’en protéger. D’autant que « Carapace » reprend le modus operandi de la lenteur comme torture auditive, avec toujours ces riffs en barbelés qui écorchent l’âme comme des remords. Sans verser dans l’expérimental, Hier Déjà Mort tente des choses, dévie, salit, et maintient la pression de bout en bout pour ne pas nous lâcher. Difficile de ne pas se montrer admiratif d’un groupe qui depuis ses débuts fuit la facilité comme la peste, et se renouvelle sans cesse, sans trahir ses convictions originelles. Et même l’épilogue « Postlude » aux notes plus apaisées ne veut pas nous extirper de ce cauchemar, comme si l’immersion ne pouvait supporter quelques secondes d’échappatoire. SORDIDE évite encore une fois tous les clichés, les débordements inutiles, recentre son propos, et s’en tire avec des honneurs/horreurs bien mérités, en acceptant la charge inhérente à son propre nom. Un album dur, sombre, glauque, mais séduisant dans le repoussement, et beau dans la laideur. Un constat d’amertume pour un achèvement artistique absolu.
Titres de l'album :
1.Prelude
2.La Peur du Noir
3.Hier déjà Mort
4.Le Cadavre ou l'offrande
5.La Chute
6.Carapace
7.La Saveur de la Fièvre
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