Homo Erectus

Prognathe

06/04/2020

Peccata Mundi Records

Trois ans après leur dernier long, We’re Sane qui de sa musique contredisait le postulat de son titre, les assommés de PROGNATHE reviennent avec dans leur besace un nouvel album, beaucoup plus concis et concentré que le précédent. Pour ceux n’ayant pas lu ma prose de 2017, je rappelle à toutes fins utiles que le prognathisme est la saillie en avant de la mâchoire inférieure ou supérieure. La minute souvenirs/culture étant écoulée, nous pouvons passer au sujet du jour. Rappelons pour la bonne bouche que le groupe est formé de deux fondus de chaos et de bruit (Lundi Galilao  - guitare, programmation, chant et Victor Bestiole - basse, chant), que le duo est en déjà à son quatrième longue durée depuis 2012 (Prognathe) et 2014 (Revelation Flesh), que 2017 avait marqué un réel désir de pousser les expérimentations au maximum avec cinquante minutes de barouf, et que les deux toulousains ont donc recentré leurs obsessions pour nous lâcher à peine vingt-cinq minutes de Noise cette fois-ci. On ne saurait s’en plaindre, le précédent LP accusant des baisses de régime assez flagrantes, ce qui n’est pas le cas d’Homo Erectus qui sous les vingt-cinq minutes, reste très raisonnable dans son attaque. En termes de qualité et de bordel ambiant, les choses n’ont pas vraiment changé par contre. Le groupe se montre toujours aussi à l’aise dans un style qui n’est pourtant pas le plus facile à dominer, et continue ses explorations de Tech Grind-Death de première bourre, avec plans qui se télescopent à la vitesse de la lumière, cris incessants, rythmique à l’abattage impressionnant, et riffs qui tronçonnent sans discontinuer. L’humour est bien évidemment toujours aussi usité, avec ces intitulés en clins-d’œil que les fans savourent à chaque livraison. En parlant de livraison, comment juger cette dernière qui poursuit la thématique entreprise sur l’EP précédent (Homo Protognathus l’année dernière), et qui trouve ici un écho non négligeable ?

D’abord, en mettant les choses au point. Si visiblement, les sites de références se plaisent à classer Homo Erectus dans la catégorie des LPs, il s’assimile plus facilement comme un EP, au regard de sa durée, et du concept de produits courts lancé par le groupe. Comme le soulignaient les spécialistes, les toulousains ont depuis l’année dernière adapté leur musique à leur projet, abandonnant de fait les aspects les plus Sludge et Death de leur musique, pour s’abandonner corps et âme au Grind le plus échevelé. Ainsi, il n’est pas difficile de les comparer aujourd’hui aux GRIDLINK et autres CEPHALIC CARNAGE, sans que ce virage extrême ne les rende plus anonymes. Non, nos deux olibrius sont toujours les tarés que l’on a connus, mis à part que leur art aujourd’hui accepte d’aller jusqu’au bout d’une recette de violence intelligente. Rassurez-vous cependant, ce nouvel épisode de leurs aventures n’est pas qu’une accumulation de blasts bête et méchante, juste un excès de violence qui permet quand même quelques allusions plus joyeuses. Ainsi, la sarabande « Homo Rroïdus » est presque dansante dans les faits, et ressemble à une adaptation pour enfants des contes de BRUTAL TRUTH. Mais on retrouve dans la musique des toulousains les fondations du Grind moderne, celui qui perfectionnait l’outrance de ses aînés pour la transcender de prouesses techniques assez peu coutumières. En gros, une dualité qui ose des titres en calembours (« Eye of the Rhino », « Like a Mammoth to a Flame », « Furuncle Fucker », « Oraal Proghnath », « My Name is Thud », « Kommando Piste Noire »), pour une théorie de l’évolution immédiate, un peu comme si les premiers néanderthaliens avaient découvert les joies de la bestialité rythmique des siècles avant l’évolution normale, ou au contraire, comme si des musiciens contemporains s’en revenaient à l’âge de pierre de la technique. Intéressant, mais surtout, convaincant dans les faits.

Il n’y a pas matière à gloser pendant des heures lorsqu’on fait face à un EP de cette trempe. Il faut juste accepter de s’en prendre une, de ramasser ses dents à la petite cuillère, et de tenter de reprendre une vie normale. Car l’intensité imposée par les premiers titres ne se dément pas pendant vingt-cinq minutes, bien au contraire, donnant à ce nouveau chapitre des airs de cocotte-minute prête à exploser. Mais le feu ardent n’empêche pas une cuisson à point, et des astuces de préparation assez finaudes. Ainsi, le duo n’hésite pas à insuffler du groove à sa vélocité, reprenant à son compte les options BRUTAL TRUTH (« Like a Mammoth to a Flame »), pour distiller des passages accrocheurs en diable. Avec une guitare qui mouline en haut régime, et une superposition vocale complètement démente, PROGNATHE confère à sa musique une dose d’intensité incroyable, en sus d’une approche technique imparable, ce qui donne lieu à un festival d’outrance euphorique levant les derniers doutes quant à la pertinence de l’excès (« Flying Fetus »). Un album de Grind pur donc, débarrassé de toute autre prétention, mais un album de Grind intelligent, qui use de musicalité dans la démesure pour ne pas lasser. Les plans se succèdent donc dans un ballet ininterrompu, ou à peine, par quelques astuces rythmiques compressées (l’intro de « Neanderthalian Stew » est un modèle de rouleau-compresseur), ou des licks de guitare plus Heavy et mélodiques que la moyenne. Certes, j’en conviens, le débit de chant est impressionnant, mais le plaisir ressenti à l’écoute d’Homo Erectus relève plus ou moins d’une forme de masochisme, et d’un orgasme stangulatoire si prisé des fans de sac en plastique sur la tête.

On étouffe un peu sous la masse d’informations livrée, mais avec un batteur qui transforme les fills en crises de colère épileptiques (« Denisovian Ribs »), et une propension à assimiler le Grind à une forme de Jazz complètement schizophrénique (« Frogs of War »), le résultat est sidérant de brutalité effective, et laisse les muscles bandés à mort et prêts à soulever des tonnes de fonte. PROGNATHE continue donc son entreprise de déévolution (merci DEVO), et nous rassure quant aux capacités d’un style que l’on pensait stagnant depuis des années.      

                                                                                                    

Titres de l’album :

                        01.Eye of the Rhino

                        02.Cured with a Flint Axe

                        03.Like a Mammoth to a Flame

                        04.Flying Fetus

                        05.Neanderthalian Stew

                        06.Don't you Eat that Fellow's son

                        07.Furuncle Fucker

                        08.Eyehategorod

                        09.Denisovian Ribs

                        10.Brutal Tooth

                        11.Oraal Proghnath

                        12.Frogs of War

                        13.My Name is Thud

                        14.Kommando Piste Noire

                        15.Hurtwork

                        16.Homo Rroïdus

                        17.Primate Non Nocere

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par mortne2001 le 09/05/2021 à 17:24
80 %    851

Commentaires (1) | Ajouter un commentaire


Jus de cadavre
membre enregistré
10/05/2021, 21:14:16

Sans doute une des meilleures sortie Grindcore de chez nous l'année dernière. Terrible.

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