Et un jeu de mot foireux pour introduire ce projet sans lubrifiant, laissez-moi vous présenter les aventures de Kyrie Minogre. Oui je sais, j’en suis conscient, j’aurais tout à fait eu ma place dans les plumes célestes et finaudes du Bebette Show, mais que voulez-vous, un bon calembour sur fond de Proto-Grind électronique n’a jamais fait de mal à personne. Je parlais en préambule de projet, et non de groupe, puisque SATAN’S GRIND est un concept né du cerveau fertile et un peu branque d’Antonio Rubino, multi-instrumentiste légèrement barge sur les bords, qui en 2021 nous présente la suite de ses aventures subtilement bruitistes.

L’homme est originaire de Bari, compose, écrit, enregistre, joue de la basse, programme la rythmique, riffe velu et hurle distordu, et Kyrie est donc la seconde occasion de se plonger dans ses traumas musicaux les moins traitables par la science. L’italien décrit même ses exactions comme étant du Digital Grindcore, ce qui en dit plus long qu’il n’y parait sur ses affiliations. Mais loin du 8-bit et du Nintendo-Core, Antonio jouerait plutôt une forme très étrange de Grind électronique, sombre, glauque, mais rythmiquement ludique et bruyamment atypique. Plutôt que nous briser les tympans avec des blasts midi, le musicien a choisi une autre voie, moins facile, à tel point que son œuvre pourrait être comparée à du TERRA TENEBROSA plongé dans les limbes de la technologie moderne.

L’atmosphère de cet album, plutôt bon enfant, a quelque chose de malsain dans la démarche. Et pourtant, Antonio décoche les riffs les plus capables et probants du Crust et du Grind, histoire de prouver qu’il ne se contente pas de jouer du Crust et du Grind. Alors on craque pour ce truc bricolé avec amour et soutenu par quelques invités de marque ou pas (Antonio Romito, chant sur « I, The Condemner », Michele Sallustio, chant sur « Pece », guitare sur « Martyr », Ebow sur « Through Your Lies »), qui cautionnent donc cette philosophie qui n’est pas non plus sans évoquer la clique des BILE et autres représentants EBM tourné cauchemardesque.

Avec un beat le plus souvent martial en fills incontrôlables, un chant traité d’outre-tombe, des effets explosifs et des reprises rythmiques à la Tchernobyl, Kyrie est une surprise sympathique dans le paysage familier du Grind moderne…qui n’en est pas vraiment. Le tout à de faux-airs de musique Industrielle plus Metal que robotique, mais le mécanisme, sans grain de sable, finit par avoir raison de nos doutes et de nos questions sur une quelconque appartenance. Pas vraiment expérimental, encore moins avant-gardiste, ce second album de SATAN’S GRIND n’en est pas, mais suggère bien une fête louche en enfer, avec un Satan couvert de latex, fouettant quelques créatures au sexe indéterminé.

Rapide, mais pas hystérique, confus mais pas fouillis, Kyrie égrène ses litanies avec une belle assurance, nous proposant parfois un trip sous acides bien corsés (« Pece ») ; Définitivement plus Crust/Indus que réellement Grind, SATAN’S GRIND est en revanche une limpide collection de riffs tous plus noirs les uns que les autres, et si vous parvenez à passer outre cette voix immonde qui en appelle au pire du Black Indus, alors vous avez de grandes chances d’apprécier ce manège à sensations qui laisse quand même de méchants haut-le-cœur.

Morceaux lapidaires et instinctifs, interludes charmants, production propre mais programmation en coup de canon, mid tempo martelé comme des chaines d’esclaves dans l’industrie de la peur (« The Unveiling »), multiplicité des BPM, attaques frontales immondes (« My Right »), tout est là pour vous mettre mal à l’aise dans votre corps et vos baskets. Avec quelques éclairs de romantisme morbide et d’intentions charnelles (« Martyr »), ce second longue-durée ou presque de SATAN’S GRIND s’apprécie comme une œuvre à part, qui rejette les facilités, et qui contourne le problème de la linéarité avec un certain panache.

Du coup, Kyrie Minogre est contente, et se trémousse velu sur son tube « I Should be So Grindy ».               

Titres de l’album:

01. Through Your Lies (feat. Michele Sallustio)

02. Vivo

03. Screaming

04. For Nothing

05. I, The Condemner (feat. Antonio Romito)

06. Time

07. Burning Inside

08. Crumbling

09. Pece (feat. Michele Sallustio)

10. The Unveiling

11. My Right

12. Scream Out Loud

13. Soul Feeder (Interlude)

14. Martyr (Urla/Dolore/Lotta) (feat. Michele Sallustio)

15. Kyrie (Outro)

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