Puisqu’on célèbre toujours le Black norvégien, puisant dans ses propres légendes venteuses de quoi alimenter ses fantasmes neigeux, autant observer les conteurs qui travaillent sous notre nez, et qui mettent en avant un pan entier de notre patrimoine national. La France est aussi une terre d’histoires, de mystique, et pas seulement du côté de Brocéliande ou de la Bretagne…Le sud de notre beau pays a en effet beaucoup de chapitres à offrir, et c’est avec un plaisir non feint que nous retrouvons les troubadours d’AORLHAC, qui sont sans doute les meilleurs défenseurs de la culture occitane, celle qui s’étendait du sud de la France au nord de l’Italie et de l’Espagne. Sauf que ces bardes-là, pour ceux ne les connaissant pas, ne s’adonnent pas aux joies d’un Folk fleuri ou d’un Traditionnel barbu, mais donnent corps à l’une des formes les plus riches et trapues du Black Metal originel…Et originaux, ceux-là le sont, depuis une bonne dizaine d’années maintenant. On les pensait à la retraite, ou abandonnés pour le compte, puisque leurs dernières aventures dataient de 2010 (si l’on excepte un split en compagnie d’OSSUAIRE, YSENGRIN et DARKENHÖLD l’année suivante), mais c’était sans compter sur leur foi en leurs racines et leur passion en leur musique, que les esthètes précieux des Acteurs de L’Ombre ne pouvaient occulter. C’est donc la suite de la trilogie entamée par A La Croisée des Vents (2008) et poursuivie sur La Cité des Vents (2010) que nous pouvons découvrir aujourd’hui, via l’heure consacrée à ce pavé qu’est L'Esprit des Vents, encore une fois emballé dans un packaging soigné par le label si pointilleux sur le moindre détail. Et comment ne pas remercier une nouvelle fois Les Acteurs de L’Ombre de nous offrir dans un si bel écrin un album d’une telle richesse et d’une intensité aussi frappante, puisque loin de se contenter de nous resservir à quelques années d’intervalle les mêmes rimes, les originaires d’Aurillac poussent encore les choses plus loin, et nous démontrent qu’un art aussi ciselé que le leur peut encore être porté aux nues, non par des effets faciles ou une redite habile, mais par une intelligence de composition qui se met à la hauteur de paroles fascinantes.
De fait - et sans excès de chauvinisme qui n’a pas lieu d’être - nous pourrions bien affirmer après écoute de ce troisième LP avoir trouvé nos DISSECTION à nous, tant L'Esprit des Vents évoque avec beaucoup de pertinence des œuvres majeures comme The Somberlain ou Storm Of The Light’s Bane…Il est certes d’usage de ne pas se laisser porter par une euphorie post-retrouvailles, mais c’est bien l’objectivité qui me pousse à ce constat, tant les dix pistes de ce nouveau recueil de nouvelles locales se hisse sans peine à la hauteur des pierres angulaires citées, auxquelles ils se permet d ‘ajouter un cachet personnel, qu’on se plait à croire coulé dans la cire pour cacheter une missive envoyée du fin fond des temps. Doté d’une production redoutable signée NKS, l’un des maîtres à penser d’AORLHAC, cet opus redonne ses lettres de noblesse au Black épique, qui en s’appuyant simplement sur l’ossature classique guitare/basse/batterie/chant parvient à suggérer une symphonie de l’extrême. Aux côté de NKS, nous retrouvons ainsi Spellbound (chants, textes), Lonn (guitare), et Ardraos (batterie), qui donnent corps et âme à cette musique d’une violence équivalente à sa densité harmonique, et qui s’articule autour de plans simples, enchaînés avec une logique imparable, et qui une fois assemblés, forment une nouvelle chanson de geste nous entraînant sur les routes du sud de la France, à la découverte de légendes aussi passionnantes que cette musique n’est stimulante. Si les musiciens sont une fois encore au-dessus de tout soupçon, c’est évidemment cette section rythmique tentaculaire qui marque les esprits, et qui nous rappelle les tentatives les plus culottées et mystiques du MAYHEM de légende, tant le jeu et la frappe d’Ardraos rappellent les numéros d’équilibriste/maréchal-ferrant d’Hellhammer. Cette allusion n’est évidemment pas gratuite, puisque les nuances et l’ambiance générale de L'Esprit des Vents partagent quelques conceptions avec le grandiloquent et macabre De Mysteriis Dom Sathanas, même si les parties de guitare de NKS sont beaucoup trop mélodiques et osons le terme, « folkloriques » pour chatouiller l’esprit de feu Euronymous. C’est donc plus à un immense délire Folk Black auquel nous avons parfois droit, sans les tics agaçant et ruraux habituels des digressions du patrimoine, ce qu’un titre aussi massif et imposant que « Ode à la Croix Cléchée » prouve en quatre minutes d’un riff circulaire et joyeux, qui amplifie la brutalité d’une batterie époumonée. Et si les morceaux visent le plus souvent les six ou sept minutes, ça ne les empêche nullement d’être truffés d’idées toutes plus pertinentes les unes que les autres, et « Infame Saurimonde » de se poser en trace épique d’une recherche héroïque, évoquant même thématiquement le SABBAT de Dreamweaver, sans se départir de ses opinions purement BM, mais sans non plus tomber dans l’exégèse.
Car inévitablement, AORLHAC nous en revient sur des chemins aussi Black que ceux qu’il arpentait durant les années 2000, et les points communs reliant La Cité des Vents à L'Esprit des Vents prennent l’apparence d’une carte du tendre guidant le groupe sur les routes de leur propre histoire, littéraire et musicale. Il est en effet impossible de dissocier les textes de la musique, puisque la combinaison des deux forme un tout, et surtout, incarne l’identité même d’un groupe unique, et bien décidé à le rester. Et on pourrait presque dans un accès de folie totale, considérer les résidents d’Aurillac comme la version maléfique d’un ANGE qui se repaissait aussi de contes du terroir, mais qui à l’instar de NKS et sa bande, abordait la musique sous un angle Progressif, sans pour autant sombrer dans la redondance ni dans l’exagération. On pourrait d’ailleurs très bien visualiser Christian Descamps reprendre à son compte, et dans une version assez édulcorée un morceau de la trempe de « 1802-1869, Les Méfaits de Morn », tant la mélodie, le traitement, et le cheminement par paliers croise la trajectoire de son groupe en plus d’une occurrence. Pour la plupart d’entre vous, le parallèle semblera grotesque et déplacé, et il convient évidemment de le replacer dans son contexte, mais il n’est pas si incongru que ça de penser que « Mandrin L’Enfant Perdu », malgré sa brutalité outrancière aurait pu se voir incarner il y a quarante ans entre les mains d’autres…Et si ce titre présente la facette la plus violente du groupe, il transpose aussi ses idées les plus séduisantes et accrocheuses, grâce à cette cassure soudaine qui ramène les musiciens vers les rivages d’un Metal beaucoup plus abordable et méchamment catchy. Mais c’est là aussi toute la pertinence de ce troisième longue-durée qui ose la carte de la variété, et qui oppose des facettes complémentaires et des visages différents pour ne pas tourner en rond, à l’image sonore de la voix de Spellbound, qui donne corps aux personnages qu’il incarne.
Les minutes passent, les histoires égrènent leurs souvenirs du passé, mais l’intérêt est sans cesse stimulé, et « Une Vie de Reclus » de continuer à pousser dans le sens des vents, pour se rapprocher des courants BM nordiques des années 90, avant que « L’Ora es Venguda » ne nous achève d’un ultime coup de boutoir porté de toutes forces, nous ramenant une fois encore sur les traces de DISSECTION, et entérine ainsi le parallèle dressé en début de chronique. Mais ne vous laissez pas abuser par cette flatterie somme toute très objective, puisque AORLHAC démontre avec L'Esprit des Vents qu’il n’a rien perdu de son talent, et qu’il reste le meilleur ambassadeur de la culture occitane, ainsi qu’un de nos groupes de BM les plus talentueux. On aurait pu croire que le temps passé dans l’ombre les aurait réduit au silence en tarissant leur inspiration, mais en négociant avec panache le virage si serré du troisième album, les Aurillacois reviennent sous le feu de l’actualité, en brulant quelques buchers de joie de leur violence matinée de mélodies, et de leurs harmonies durcies de véhémence. Plus qu’un album, c’est une démonstration, et la confirmation d’un talent de saison. Ou comment exporter ses légendes locales pour les raconter au plus grand nombre. D’une voix effrayante certes, mais d’un verbe saisissant.
Titres de l'album:
La dernière du Madman ! Déjà vu en live debout et il chantait moins bien que la !
07/07/2025, 18:34
@LeMoustre :Effectivement... Point de vue totalement respectable que celui de ne pas vouloir payer un prix de dingue pour mirer un show proche du pathétique.Mais perso, face à des légendes comme celles-ci, je mets mon impartialité de côté et (...)
07/07/2025, 17:42
Ozzy sur sa chaise hé ben.Bon l'âge nous aura tous mais bon quand même c'est pas cool de voir ça.Moi ça m'aurait emmerdé.Autant un Anthrax, un Maiden ont toujours la peche après tant d'années (quitte &a(...)
07/07/2025, 13:18
j'ai eu l'occasion de les voir en première partie de Seum mi Juin. vraiment bien prenant !
07/07/2025, 12:48
Je m'attendais vraiment pas à ce qu'Ozzy tiennent 30 min sur chacun de ses shows...Bon, on peut pas dire que c'était "beau" à voir mais si j'avais eu la chance de gauler une place, j'aurai tout de même été bien con(...)
07/07/2025, 07:36
Putain je suis fan de Slayer mais c'était bien dégueulasse. Ça devient une parodie. Et oui merci pour tout Ozzy et tommy.
06/07/2025, 21:25
Oui c'est bien beau mais étaient ces gars durant l'ère Obama ou il a absolument tout trahis ? Trump on connait son histoire personnelle et ses financements. c'est sans surprise..
06/07/2025, 14:20
Pardon pour les fautes, mais quitte à écouter ce genre de trucs, Anna von Hausswolff le faisait beaucoup mieux il y a 10 ans. C'est ce qu'on appelle l'avant-garde je suppose.
05/07/2025, 06:51
Le problème de de Kayo Dot c'est qu'il dépend de l'envie du moment de Toby Driver et de qui l'entoure, tu peux avoir un album de drone/post-rock suivit d'un album de death metal, il n'y a pas de groupe et aucune identité. C'est dommage parce(...)
05/07/2025, 06:47
Merci à Clawfinger pour ce grand moment de transgression validée par l’ordre moral dominant. C’est rassurant de voir que la “rébellion” moderne consiste à tirer sur une cible usée jusqu’à la corde, avec des punchlines dignes (...)
04/07/2025, 07:16
Il tourne pas mal chez moi ce disque, et c'était un vrai plaisir de revoir le groupe live récemment après les avoir un peu mis de côté. Un autre concert en tête d'affiche ne serait pas de refus !
03/07/2025, 16:57
Morceau décevant et sans surprise. La présence de Chris Kontos dans le groupe y fait pour beaucoup dans mon intérêt pour ce retour, mais pour le moment bof.
03/07/2025, 16:47
Je n'ai jamais aimé ce groupe, mais j'étais passé devant durant un Hellfest et en effet c'était juste insupportable toutes ces harangues (littéralement toutes les 10 secondes). Moi je m'en beurre la raie, mais pour les fans ça doit &ec(...)
03/07/2025, 12:55
Vu à Toulouse et je n'ai pas du tout accroché, pourtant vu 2 ou 3 fois depuis 2005. Et j'avais bien aimé. Rien ne surnage, ça bastonne mais pour moi aucuns titres ne sort du lot.Par contre j'ai adoré Slapshot
02/07/2025, 16:01