Un beau jour de juin dernier, attablé à mon bureau pour ma pause déjeuner, apparaît sur l'écran allumé de mon ordinateur la notification d'un nouveau message sur Messenger®. Agréablement surpris en en découvrant l'auteur, je le fus encore plus en en lisant la teneur puisqu'il m'invitait «à écouter en avant avant première le nouvel album de BARABBAS ».
Pour quelqu'un qui adore Messe Pour Un Chien, premier album des Seine-et-Marnais sorti en 2014, avec lequel j'ai quasiment découvert le Doom, et qui attendait avec une impatience confinant à l'obsession cette nouvelle offrande, vous pouvez peut-être imaginer les sentiments qui me traversèrent alors. L'honneur, d'abord, de recevoir cette marque de confiance, la joie (extrême, comme si la Noyel était avancée en juin), la sidération et l'extase en lançant et écoutant enfin les premières notes de La Mort Appelle Tous Les Vivants.
Car n'y allons pas par quatre chemins, ce 2e album est bel et bien un chef-d’œuvre, catégorie orfèvrerie option riffing avec bonus rythmiques et mélodies.
Je n'exagère pas.
Commençons par l'écriture. Dès les deux premiers titres, (« Je Suis Mort Depuis Bien Longtemps», « Le Saint-Riff Rédempteur »), BARABBAS nous scotche par la qualité de leurs compos. Le riffing de Saint Stéphane et Saint Thomas sur ces deux titres est particulièrement recherché et efficace, que ce soit en rythmique ou en solo. Et que dire de ce break casse-nuque absolument incroyable et inattendu vers la moitié du second nommé ! Alors que d'aucuns auraient sans doute conclu leur compos sur cette première moitié, déjà d'un niveau à vous faire dresser les poils, et ben eux, non. Ils nous en remettent une couche en mode plus doomy que le doom. IN-CROY-ABLE. Et on pourrait citer comme ça à peu près tous les titres («Le Cimetière Des Rêves Brisés», «La Valse Funèbre» par exemple) où le groupe ne se contente pas du service minimum mais va bien au bout du bout de leurs idées et du concept de chaque titre ; le tout en mettant le Riff au centre de tout, et en nous abreuvant de solos tellement bien sentis et chaque fois à-propos qu'on est désormais prêt pour le prochain Championnat du Monde de Air Guitar (NdJTDP : dont le tenant du titre est français d'ailleurs...).
Mais si l'on parle de guitare, il faut aussi parler de la batterie, tant St Jean-Christophe fait des merveilles en nous sortant des pattern simples d'apparences mais d'une efficacité diabolique («Le Cimetière Des Rêves Brisés» encore), soutenant sans coup férir la structure d'ensemble de chaque titre, tranquillement, sans s'énerver mais en sachant parfaitement accélérer ou ralentir le tempo quand il le faut, et gérer les changements de rythmes brutaux comme si tout cela n'était qu'évidence. Le tout aidé dans ces basses-oeuvres et sans ciller par le nouveau venu, Saint Alexandre, dont la basse, un peu plus en retrait que les autres instruments dans le mix, n'en contribue pas moins à apporter le volume et la rondeur sonore idoine aux compositions du groupe.
L'autre performance de choix dont il nous faut parler, est celle de St Rodolphe au chant. On avait découvert le coffre du gaillard sur le premier album puis, qu'en plus de ça, il était doté d'un charisme scénique rarement vu, permettant d'incarner la musique du groupe à lui tout seul sur les planches. La performance qu'il livre ici, dépasse de la tête, des épaules du torse et de la taille tout ce que l'on avait entendu de lui depuis le début. Passant allègrement de son chant rocailleux si caractéristique à des modulations beaucoup plus mélodieuses ou, au contraire plus agressives. Dans tous les cas, sa voix et sa prestation, totalement incarnée, transcende clairement et le son et les paroles du groupe, affirmant au passage encore un peu plus que oui, chant en français et gros son peuvent se marier à la perfection. Alors oui, ça passe clairement mieux lorsque la langue est travaillée mais, comme toujours avec nos Apôtres, elle l'est et magnifiquement. L'exemple le plus probant étant sans doute "Le Saint Riff Rédempteur", ou comment répondre en un hymne - un chef d'oeuvre dans le chef d'oeuvre pour ainsi dire - à cette fameuse question à laquelle on a toutes et tous été confrontés un jour : "Mais pourquoi tu aimes écouter du Metal ?"
L'autre pan qui fait de cette Mort appel[ant] tous les vivants une réussite en tout point incontestable, sont les arrangements, somme toutes discrets mais soigneux apportant une ambiance à la fois gothique, cynique et désespérée (« De la viande » et son tic-tac impitoyable) qui sied parfaitement à l'univers des franciliens.
Dès l'intro et cet appel féminin, on se sent happé dans une ambiance bien gothique donc, mais qui me rappelle aussi fortement les...Monty Python et leur « Bring Back Your Dead ! » (Monty Python and the HolyGrail, 1975). Pour un rendu plus cynique cette voix off venue d'ailleurs sur «Né Sous Le Signe Du Néant» est inattendue mais parfaitement à sa place, apportant une variété bien vue et bienvenue. Ou encore, au chapitre des apports musicaux, ce son d'orgue Hammond amenant sa chaleur sonore si caractéristique sur «Je Suis Mort Depuis Bien Longtemps» pour, là aussi, diversifier un titre déjà ô combien ravageur.
Enfin, au rayon production, BARABBAS s'est cette fois attaché les services d'un très bon connaisseur du style en la personne d'Andrew Guillotin des Hybreed Studios (MAUVAISE FOI, MONOLITHE, CLEGANE, INBORN SUFFERING entre autres), lequel a parfaitement su donner l'écrin que mérite le son du groupe, avec un juste équilibre dans le mix. Et même si cela signifie revenir à un rendu (un tout petit peu) plus sec et mettre la basse en sous-couche ronronnante, force est de constater qu'il a su donner à l'ensemble l'amplitude sonore et la puissance idéale pour propulser le son du groupe au niveau supérieur.
Pour conclure, un ami musicien me disait un jour qu'il aimait particulièrement les albums où le travail fourni par les artistes s'entendait, où l'on sentait que le groupe avait charbonné dur pour nous offrir le résultat voulu. C'est exactement cette sensation qui me traverse à l'écoute de cet album. On sent que chaque titre a été travaillé, dans le moindre détail, que rien, absolument rien n'a été laissé au hasard pour nous délivrer 7 morceaux cohérents, ayant leur ambiance et leur vécu propre mais s'imbriquant parfaitement les uns aux autres pour nous offrir presque une heure de Heavy/Doom genre Masterclass.
Et cela nous donne donc un chef d’œuvre. Ni plus, ni moins. Le chef-d’œuvre d'un groupe de musiciens habités, inspirés, touchés par la grâce de ce Saint Riff Rédempteur dont personne ne peut se prétendre mieux qu'eux les Premiers Prêcheurs.
Je l'ai mis dans mon top 2022, très clairement l'album de l'année pour moi !
Un magnifique album. Tout à fait d'accord avec la critique. Un joyau. Parfait.
Ne l'ayant écouté que début janvier, je confirme sa place dans mon top 2023 !
Seul petit bémol à cette merveille d'album : Je trouve que la voix (superbe) de Rodolphe n'est pas assez mise en avant dans le mixage final. Dommage...
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