Un réel talent vient d’émerger à Figueres, qui risque de se faire un gros trou sur la scène Thrash Européenne, à la force du poignet et des riffs soignés.
C’est ainsi (ou presque) que je terminais ma chronique de Conflict, le premier LP des espagnols de VIOLBLAST il y a cinq ans. Et si j’ai fait l’impasse sur Theater of Despair (tout du moins sur papier, puisque j’en ai dévoré la moindre piste), en 2019, c’est pour mieux retrouver le groupe au tournant de son troisième album, le plus crucial de la carrière d’un groupe, spécialement lorsqu’il évolue dans le créneau d’un Thrash old-school. Le fameux troisième album, souvenons-nous un peu, Reign in Blood, Fabulous Disaster, Among the Living, Master of Puppets, de quoi établir des comparaisons souvent défavorables avec les maniaques de la nouvelle génération qui ne parviennent pas à tenir la distance dans la course les opposant à leurs modèles et influences. Souvent essoufflés avant même d’entamer leur premier sprint, les groupes se contentent de reproduire une formule ayant fonctionné sans chercher à la faire évoluer comme pouvaient le faire leurs idoles d’antan, et nous nous retrouvons face à des sous-produits toujours plus insipides et calqués sur des œuvres bien plus estimables. Mais pour avoir affronté les espagnols de face, je n’avais aucun doute quant à leur capacité de passer à la vitesse supérieure pour nous étouffer de leurs qualités. Et c’est donc en toute sérénité que j’ai glissé Lazarus Abandoned dans mes oreilles pour obtenir cette certitude absolue : VIOLBLAST est décidément l’une des têtes de file les plus importantes de la mouvance vintage de violence.
A l’occasion de ma première rencontre avec le quatuor (Andrés Perez (chant/basse), Santi Turk (guitare rythmique), Sebas Silvera (guitare solo) et Sergio Ruiz (batterie)), j’usais déjà de parallèles flatteurs, n’hésitant pas à citer SLAYER, GRIP INC, TESTAMENT, en superposant ces allusions aux influences avouées du combo (METALLICA, EXODUS, ANTHRAX, MEGADETH, MUNICIPAL WASTE, HAVOK, CRISIX, MISFITS). Et les images sonores évoquées sont toujours d’actualité aujourd’hui, même si ce troisième chapitre de la saga reste en autoproduction. Le son est rond, touffus, le propos viril, la construction solide, et les arrangements travaillés pour parfois rapprocher la philosophie d’un techno-Thrash allusif, mais pas complètement assumé.
Plus violent qu’autrefois, le quatuor de Figueres a donc mis l’emphase sur la puissance et le professionnalisme pur se démarquer de ses homologues souvent patauds et empruntés, et propose avec ces onze nouvelles chansons de quoi faire tourner la manivelle et décoller le cuir chevelu. Et c’est après une courte intro que « Miserere » nous cueille à froid de son entame véloce et féroce, les riffs semblant se démultiplier en arrière-plan pour instaurer une ambiance dramatique à la SLAYER des années 90/2000. Mais bien supérieurs à leur modèle, les espagnols proposent un Thrash moins générique et laissent tomber le pilotage automatique pour un vol en piqué qui laisse les G vous déformer la tronche au passage. Une fois encore, le travail abattu par le frappeur Sergio Ruiz est phénoménal, lui qui parvient souvent à combiner la fluidité d’un Lombardo, la précision d’un McClain, et la furie d’un Kontos. Mais il faut dire que le percussionniste est bien aidé en sa tâche par une paire de guitaristes qui lui permettent de se reposer sur des riffs solides et vraiment agressifs, qu’il n’a donc aucun mal à mettre en relief. On reprochera évidemment le son un peu compressé de la double grosse caisse, mais les blasts dont nous gratifie Sergio permettent à l’ensemble de décoller vers les plus hauts sommets de l’ultraviolence, avec toujours en exergue ce chant râpeux à l’allemande de Perez.
La cohésion impressionnante dont faisait preuve le groupe à ses débuts n’a pas dévié, et c’est aujourd’hui à un mastodonte du Thrash quel nous devons faire face, sûr de son fait et de ses idées. Et il y a de quoi, car malgré le classicisme de l’aventure (inutile de cacher que les thèmes employées sont d’usage), la puissance affolante de l’édifice a de quoi faire de l’ombre à bien des snipers. Savourez par exemple le tempo lourd et les chœurs en grognements de « The Last Adam's Son », le proto-tube Thrash que SLAYER n’a plus jamais réussi à composer après Divine Intervention. Il y a quelque chose de malsain dans cette densité, et le travail vocal exemplaire permet de doubler la couche de riffs qui agissent déjà comme une brosse à chiendent assez pointue. Conscients que le moindre faux pas pouvait les faire tomber du piédestal où la presse spécialisée les a placés, les VIOLBLAST ont joué la sécurité d’un album formel de grande classe, renforçant l’impact de leurs deux premières œuvres. Ainsi, même les titres les plus traditionnels résonnent d’un écho conjoint entre la violence allemande et la précision américaine, ce que prouve le très malin et éprouvant « That Which you Kill ».
On pourra certes reprocher quelques petites choses à cet album qui appuie constamment là où ça fait mal. Des plans parfois un peu faciles, des arrangements sonnant cliché, mais la qualité du travail de composition permet d’oublier ces quelques approximations. En version rapide, le groupe est millimétré, et en version lourde, il pulvérise tout obstacle pour oser des choses proches d’un Death vraiment poisseux, mais mélodique (« Behold a Pale Horse »).
Lazarus Abandoned a donc cette atmosphère apocalyptique sur l’on peut retrouver chez St Jean dans la bible. Une sorte de fin du monde annoncée par quatre cavaliers de l’apocalypse, incarnés par ces musiciens au potentiel incroyable. Le souffle est renversant, la chaleur infernale, et parfois, le combo se plaît à des interventions néfastes et brèves pour accélérer les choses (« Cursed Through the Archaic Gates », sorte de « Necrophobic » revu et rallongé). J’attends évidemment les critiques de ceux qui argueront que le parrainage de SLAYER est encore trop encombrant pur considérer les espagnols comme des têtes pensantes, mais quel groupe se revendiquant d’un Thrash violent et pertinent peut aujourd’hui s’écarter de cette tutelle ? D’ailleurs VIOLBLAST n’hésite pas à s’en détourner parfois (« Await the Choir »), pour imposer des mélodies hypnotiques, avant de terminer sa course par un déluge de plomb en fusion (« Lazarus Abandoned », Schmier peut aller se rhabiller).
Alors, comment achever cette chronique tenant plus du dithyrambe qu’autre chose ? Simple, une seule phrase me suffira.
Un réel talent de Figueres vient de se confirmer, qui perce la couche d’ozone sur la scène Thrash Européenne, à la force du poignet et des riffs soignés.
Titres de l’album:
01. Ognömyos
02. Miserere
03. Spasm
04. The Last Adam's Son
05. That Which you Kill
06. Behold a Pale Horse
07. Dead Embrace
08. Hidden Dawn
09. Cursed Through the Archaic Gates
10. Await the Choir
11. Lazarus Abandoned
Merci pour ce papier. En effet, c'est du bon thrash. Achat bien possible
Ils ont encore progressés avec cet album. C'est curieux qu'ils n'aient pas encore de label, mais peut-être qu'ils s'en accommodent. C'est un Thrash classique mais sérieux, à rebrousse-poil de la tendance fun caractéristique du revival ou d'Anthrax.
Avec la proximité géographique ils venaient de temps en temps jouer en France (Figueras est la première ville après la frontière, à environ 20 km, connue par le musée Dali).
Cet album me procure le même effet que le précédent album sorti en 2020 : une pure tuerie !
04/06/2025, 21:00
Merci pour cette belle chronique.Voici notre site.https://burningdead-official.com/fr/categories/
04/06/2025, 14:18
Ah pis j'avais même pas vu (encore entendu) qu'il y avait une reprise de GOATLORD !!!Ceci confirmant donc cela.
04/06/2025, 07:35
Tout ce que j'aime !!! !!! !!!En même temps, venant d'un groupe dont le batteur porte un t-shirt TRISTITIA, ce ne peut-être que bonnard...
04/06/2025, 07:34
Je n’ai jamais entendu parler de ce split vous savez ou l’écouter ou ce le procurer
03/06/2025, 13:35
Effectivement difficile de rester insensible à ce type de festival, à taille humaine, avec une ambiance conviviale sans tomber dans la cour des miracles et surtout avec une bell prog’. Très content d’avoir découvert Gravekvlt et pris la mandale attendue de (...)
02/06/2025, 23:00
Excellent report ! J'y étais. C'était purement génial. Dans le même style, tout aussi excellent, le Courts Of Chaos fut aussi un fantastique moment.
01/06/2025, 19:36
Incroyable un groupe qui s'attaque à faire une reprise de Dead Congrégation !!! Je me languis d'écouter ça . Faut pas se louper la ahah.
31/05/2025, 21:53
Ah ah ce message d'au revoir est magnifique"Je dois y aller maintenant… chercher un boulot et jouer à Roblox avec mon fils…"
31/05/2025, 09:12
@Gargan exact, oubli impardonnable...Mais que veux-tu, je suis une vieille baderne qui pense que DEEP PURPLE est de la musique de jeunes et que tout est pourri depuis la mort de Roy Orbison. Mais totalement d'accord pour "Whiter Shade of Pale", quel feeling....
30/05/2025, 09:39
Bah tu as oublié la reprise finale de dragon ball par Lisa, question de génération hehe. Je ne connaissais pas tant que ça Paul Gilbert (un peu Mr Big et Racer X, mais pas plus), super bonhomme et musicien incroyable. Enorme panard sur la reprise de Procol Harum.
29/05/2025, 22:28
J'avoue avoir délibérément censuré cette information de premier choix... ... ...
26/05/2025, 07:32