Boston ? Hardcore ? DEATH METAL???? J’arrive toutes affaires cessantes. Lorsque l’appel de Boston résonne dans l’air pollué, je ne peux m’empêcher d’abandonner toute tâche entamée pour courir comme un dératé déballer ce cadeau inestimable que la production actuelle me fait. Et une fois encore, le nom légendaire de cette ville du Massachusetts n’a pas été usurpé ni évoqué en vain, puisque le second longue-durée des résidents de VAULTED est un petit bijou de noirceur et de violence urbaine.
VAULTED est d’ailleurs plus qu’un groupe, c’est une vision, un mode de vie moderne, et une brutalité compacte qui fait mal à l’âme, mais qui ouvre les yeux. Seconde tentative discographique de ces musiciens au long-cours, Left in Despair vous laisse effectivement à terre, comme un cadavre en sursis dans la grisaille des mégapoles, et frappe pile là où ça fait très mal. En choisissant dès le départ de confronter les philosophies Hardcore et Death, ce quintet a pris des risques énormes, même si l’approche street métallique est prépondérante sur la plupart des chansons. Le parfum Death est plutôt à renifler du côté de l’instrumentation, dense, soutenue par une basse vicieuse n’ayant que peu de points communs avec son homologue new-yorkaise, et diffusé par un chant constamment à la limite de la rupture, et assez proche des intonations du Lars Goran Petrov de la seconde transition vers un Death n’Roll moins caricatural.
Fondé à une date inconnue, VAULTED, farouchement indépendant, à cette fois-ci fait appel au label national War Fever Recordings pour une magnifique édition tape limitée, histoire de faire écho à Distate, son premier effort accusant aujourd’hui plus de trois ans d’âge. L’optique du groupe n’a toutefois pas changé durant ce laps de temps. Un crossover global, mixant des influences Core vraiment teigneuses et une profondeur de gravité typiquement Metal extrême, pour proposer le breuvage le plus corsé de 2021.
Nick Wolf (basse), Matt McSweeney (batterie), Christian Henderson & Dan Leahy (guitares) et Cody Rico (chant), foncent donc dans le tas en alternant les séquences de bestialité froide, et dressent un portrait peu flatteur de leur époque. On y découvre un Boston différent, moins souple, plus lucide, et si les titres présentent de sérieuses similitudes dans la construction et le ton, le groupe parvient toujours à trouver un arrangement inédit pour les différencier. A l’image de ce final au lick de guitare exsangue sur « Left in Despair », ou de cette intro aux frontières de l’Indus sur la suite « Reincarnate Eternal », qui sont autant d’exemples pour justifier de l’importance d’un album de colère, de ressentiment et de haine viscérale pour une époque gangrénée par le désespoir, les inégalités, et l’absence totale d’avenir convenable.
La haine est donc le moteur de cet album, qui risque fort de réconcilier tous les amateurs de brutalité sourde et franche. Que vous soyez fan d’un Hardcore moderne et sourd, d’un Death radicalisé pour abandonner ses frusques morbides bon marché, ou plus simplement, d’une musique honnête sortant des tripes, Left in Despair a quelque chose à vous offrir, sans paquet cadeau, mais avec sincérité.
Produit par Shane Frisby et le groupe lui-même, enregistré et mixé par le même Shane Frisby au studio The BrickHitHouse, masterisé par Alan Douches au West West Side Music, Left in Despair dispose d’un son gigantesque, que même des écouteurs bon marché ne peuvent altérer. On y sent cette rage qui transpire des riffs graves, on y sent l’envie d’en découdre d’un chant parfois épaulé par un écho digne du CELTIC FROST des jeunes années, et les réminiscences de la scène Crust/Anarcho-Punk anglaise des années 80. La froideur du Post-Punk au service d’un Hardcore vraiment épais et dégluti avec hargne (« Horizon of Thorns »), et un compromis parfait trouvé entre l’approche de biais des ENFORCED et le radicalisme du NAPALM DEATH des années pré-Scum. Soit une bestialité rigide, un désespoir latent, et aucune illusion à se faire sur l’issue d’une problématique séculaire : la maltraitance d’une société par ses dirigeants, et la mort certaine qui nous attend au tournant…très bientôt.
Jouant parfois avec les limites séparant le Core du Death et le Death du Crust sur le lapidaire « Supreme Beings », VAULTED fait montre d’une cruauté sans égale, et d’une férocité exemplaire. Pas d’accalmie, encore moins de concessions, ce second LP est un modèle du genre, et le cri d’une génération qui se désespère de voir ses contemporains se résigner face à l’adversité.
De là, l’enracinement dans un style s’avère impossible, et les querelles de clocher vaines. Ce deuxième album est à prendre au pied de la lettre, et comme la formalisation d’une colère que tout le monde ressent au plus profond de lui-même. Et par le biais de quelques accélérations fulgurantes comme sur ce monstrueux « Endless », ou d’accélérations encore plus fulgurantes sur l’explosif « Lacerated », VAULTED dépeint un tableau aux contrastes noir et blanc très prononcés, et laisse la couleur mourir de sa laide mort dans le caniveau de la palette de sons.
Au moins aussi intense que le NAPALM DEATH le moins englué dans ses obsessions Grind, Left in Despair est un disque épuisant, qui réclame une énergie folle pour être encaissé. D’une lucidité tétanisante, il est le miroir d’une histoire qui menace de nous enterrer vivant en cas de non-action, et une énorme claque dans la tronche des attentistes qui considèrent que leur inaction n’est guère pénalisante pour le plus grand dénominateur commun.
Pensez toutefois à bien prendre votre souffle avant de vous y plonger. L’apnée est longue, et la pression terrible.
Titres de l’album:
01. Forged in Darkness
02. Mote It Be
03. No Place to Mourn
04. Left in Despair
05. Reincarnate Eternal
06. Horizon of Thorns
07. Supreme Beings
08. Endless
09. Lacerated
10. Mortal Sands of Time
11. Shallow Vacancy
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