Le look ne fait pas tout, c’est une certitude. Combien de groupes ont débarqué avec des costumes improbables, attirant l’attention par leur exubérance vestimentaire, avant de se dégonfler comme un soufflé ou un ballon de baudruche une fois l’aiguille posée sur le vinyle. Parce que le look, c’est bien, c’est même essentiel parfois, mais au final, seule la musique décide de la qualité d’une œuvre et d’un groupe, plus que du nombre de décorations que les musiciens arborent. Mais le petit monde très fermé de l’Industriel possède ses codes, ses traditions, et héberge depuis longtemps une faune interlope accro aux masques à gaz, fanfreluches latex et vinyle, et autres digressions baroques sur un même thème steampunk ou post-ap. Et les suisses de VERSATILE ne font pas exception à la règle. Mieux, ils l’incarnent à eux seuls.
Fondé en 2019, ce collectif pour le moins brillant a dû patienter six années pour se lancer dans la cour des grands. Les Litanies du Vide est donc son premier long, et il convenait d’en proposer une version inattaquable, et irrésistible. En choisissant le concept du Black Indus, la bande ne s’est pas facilité la tâche, le créneau étant d’une exigence rare. Car s’il est facile de hurler distordu sur un capharnaüm métronomique et apocalyptique, il est plus difficile d’en proposer une musique construite, violente, froide, robotique et d’anticipation. Des temps cruels qui nous attendent.
Morphée (batterie), Cinis (guitare), Famine (guitare) et Hatred Salander (chant) lâchent donc les chiens de l’enfer, et nous entraînent dans un monde capable de faire blêmir les Philip K Dick et autres George Orwell. Et même de faire trembler les Clive Barker et Jeff Koons. En gros, un univers onirique cauchemardesque, avec électricité omniprésente, dangers bien concrets, air vicié, vie extra muros impossible et amours décadentes. Un monde que l’on connaît bien, mais qui gagne en pénombre à mesure que le temps passe. En se reposant sur un principe de baroque excessif et de démonstration permanente, le quatuor joue évidemment la carte de l’excès en occupant tout le spectre sonore, mais en laissant aussi quelques espaces négatifs inquiétants et maculés de sons étranges et de déviances sadiques.
Rien de neuf, mais du solide. On s’imagine sans peine ce monde des profondeurs, régi par des règles implicites, et mis au pas par une milice elle aussi overlookée, et maniant de la badine avec un flair imparable. Loin des mélodies, loin de l’accessibilité d’un Black Metal autopiloté, VERSATILE ne mérite pas toujours son nom, mais tente le tout pour le tout, et montre que la cité du futur est bien délimitée par d’énormes remparts au barbelé électrifié. Et pas qu’à moitié.
ARCHON SATANI, IN SLAUGHTER NATIVES, LAIBACH, THE CNK, ZYKLON, SATYRICON, la liste des influences possibles est longue comme le bras scarifié, mais l’importance de la tutelle n’est pas primordiale. Il convient de se concentrer sur des morceaux concis au son gigantesque, qui laminent le libre-arbitre comme une drogue de l’esprit qui ronge les synapses. VERSATILE frappe, frappe encore, cogne, dévisse, prône le vice, ouvre ses plaies et laisse la purulence nous exciter, comme un bubon qui éclate à la face du bon goût et de la bienséance.
De deux choses l’une. Ou la claustrophobie fait partie de vos peurs les plus intimes, ou vous l’appréciez comme un plaisir pervers qui griffe vos instincts. Dans le premier cas, il est évident que Les Litanies du Vide va vous terroriser au point de vous faire adopter la position du fœtus. Le cas échéant, vous allez suer de plaisir entre ces quatre murs qui semblent se rapprocher à vitesse constante. Le sadisme extrême des suisses est de vous souffler un vent léger aux naseaux, vous laissant croire à une arrivée d’air. Or, d’arrivée, il n’y a point. De sortie non plus d’ailleurs. Alors ne vous laissez pas abuser par ces courts moments de fausse quiétude qui sont en fait autant d‘indices d’inquiétudes.
« Graisse » vous le démontre d’ailleurs avec un beau sens de l’emphase. Rythmique robotique en réflexe conditionné, chant qui s’enfonce dans le gras de l’inhumanité, guitare obsédante qui tourne et virevolte comme un corbeau, le tableau est sombre, prophétique, et surtout, anxiogène au dernier degré.
Les nombreuses cassures qui s’enchaînent de façon erratique contribuent à ce sentiment d’oppression permanente, à la manière d’une catastrophe naturelle attendue qui tarde à venir. On se laisse donc entre temps balayer par des forces à la limite du surnaturel (« Enfant Zéro », le début d’une nouvelle humanité déshumanisée), écraser par un ciel lourd et chargé de ressentiment (« La Régente Blême »), stresser par une atmosphère déliquescente et martiale qui en appelle aux Dieux anciens (« Ieshara »), avant que la tornade ne s’abatte enfin.
VERSATILE se définit d’ailleurs lui-même avec une belle lucidité sur le bien-nommé « Monstre ». Un monstre gigantesque, qui piétine ce qui reste de civilisation pour reconstruire sur des ruines et des ossements. La pression effectuée par ce morceau cataclysmique est au moins égale à ce que THE BERZERKER était capable de produire lorsqu’il partait en goguette avec MORBID ANGEL, bien que quelques notes plus calmes indiquent une volonté de rester dans son champ d‘action BM.
Mais entre cette voix noyée d’effets, ces guitares qui se plaignent, qui hurlent, qui déchirent, et cette batterie qui pulse comme une centrale nucléaire à la limite de la rupture, VERSATILE nous relocalise dans une friche radioactive, à la recherche d’un futur encore plus désolé que notre présent.
Apogée du crossover entre Black Metal et Indus, sans perdre l’une des deux composantes au passage, Les Litanies du Vide est relativement laid, déformé, et aux intentions peu louables. Des intentions tout sauf VERSATILE, directes, sans ambages et sans espoir. Les femmes et les enfants d’abord. Ou pas.
Titres de l’album:
01. Géhenne
02. Enfant Zéro
03. La Régente Blême
04. Ieshara
05. Cave Canem
06. Morphée
07. Graisse
08. Monstre
09. Alter Ego
10. Le Mal Nécessaire
Avec Massacra legacy, ça commence nettement à avoir plus de gueule ! Reste à voir la suite des annonces. Mais je crois que je vais plus préférer le Westill le mois suivant au même endroit cette année, déjà Elder et Wytch Hazel de confi(...)
13/05/2025, 07:48
Mea culpa....J'avais pas vu la news en première page - j'ai été directement te répondre.
12/05/2025, 14:33
S'il est du même acabit que le The Cthulhian Pulse: Call From The Dead City sorti en 2020, Mountains of Madness risque d'être un allday listening pour moi.J'ai hâte, bordel !
12/05/2025, 13:44
J'étais passé totalement à côté de cette petite pépite de Death Suédois!Vieux moutard que jamais!Puteraeon glisse de belles ambiances lovecraftiennes sur cet album et les arrangements apportent un plus à l'ensemble.
12/05/2025, 13:42
Necro est sympa, avec de bons passages groovy et d'autres où le groupe envoie du bois.Pas sûr de l'écouter durablement, d'autant plus que le prochain Puteraeon sort le 30 avril prochain.
12/05/2025, 13:40
Sentiment mitigé pour ma part Le chant de Johan Lindqvist n'atteint pas un pouïème de ce qu(...)
12/05/2025, 13:38
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29
Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...
06/05/2025, 17:11
Ils sont juste trop faux-cul pour assumer le statut de tribute band, voilà tout.
06/05/2025, 16:15