L’amour, thème universel s’il en est, qui continue d’alimenter le bestiaire de nos rockeurs préférés. Quelle que soit la sauce à laquelle le sentiment est accommodé, le résultat est toujours le même. Plaisir et souffrance, désir et absence, le cœur de nos artistes est fragile, et l’amour n’a de cesse de le briser en mille morceaux. Et puis, à notre époque, quel autre concept est susceptible de réunir les âmes ? La technologie ? Dévorante. Le repli sur soi ? Trop évident. La guerre ? Insistant et fatiguant. Alors l’amour, toujours, ou juste un peu, au détour d’un rayon, d’un bureau, dans la rue ou dans les tripots, dans les boites et sous le manteau…On l’accepte, on le subit, on le recherche ou on le fuit, mais il est là.
Toujours.
Pas étonnant donc que les SEEDS OF MARY en fassent un album. Ces bordelais productifs qui ont tourné sans relâche pour promouvoir leur précédent long Serendipity devaient prendre rendez-vous en studio pour satisfaire leur public, qui connaît déjà leur répertoire par cœur. De nouveaux titres étaient donc indispensables, et avant toute chose, un single annonciateur de la tendance suivie. « Amor Fati » a donc été lancé en éclaireur, et le groupe semble avoir beaucoup de choses à dire à son propos.
« Amor Fati » est la chanson d'ouverture du nouvel album. Nous l’avons choisi comme premier single car il peut être vu comme un condensé de ce qui se trouve dans le reste du disque : riffs lourds, mélodies entêtantes et ambiances éthérées. Niveau texte, il a une approche assez philosophique en s’appuyant sur le concept d’Amor Fati cher aux stoïciens et à Nietzsche : « aime ce qui advient ».
Si le discours est très classique, le rendu est lui efficace. Pas le temps de traîner sur la route des doutes, le quintet (Jérémy Dourneau - chant, Julien Jolivet & Tom - guitares, Clément - basse et Aaron Silvestre - batterie) envoie les watts sans perdre une seconde, et propulse ce nouveau simple dans la galaxie des nouveautés fulgurantes. Si « Amor Fati » est effectivement un condensé fiable de ce qu’il précède, il n’en incarne pas pour autant chaque détail. Pris d’un élan de motivation, le quintet s’est senti pousser des ailes, et a décidé de tester la résistance de ses amplis en livrant le panel le plus agressif de sa carrière. Avec en soutien indéfectible Klonosphere et Season of Mist, SEEDS OF MARY est en plein confiance, mais fait part de ses fêlures. Des craquements mélodiques, qui s’interrogent sur la place laissée disponible aux sentiments les plus élémentaires par un monde de plus en plus autocentré.
Une chanson illustre particulièrement cette dualité de ressenti, entre violence ouverte et fragilité difficilement assumée. « Spiral Me Down » joue le contraste très appuyé, et se permet quelques allusions au Metal des années 90, MANSON en tête de liste, mais aussi la vague Seattle, et le Stoner des KYUSS modernisé et dépoussiéré. Cette myriade d’influences permet à ce quatrième long de sonner frais, original, personnel, avec son mélange de sonorités synthétiques et d’emballement analogique. Les guitares sont upfront, et fières de l’être, la rythmique se montre sous son jour le plus solide, et le chant de Jérémy Dourneau a ceci de précieux qu’il sait s’ajuster à l’ambiance de chaque titre. Alors, Love, d’accord, mais quel genre ?
Chaque chanson de l’album LOVE traite d’une facette de l’amour. Ici, il s’agit peut-être de son expression la plus intime qui soit. Et le fait que ce morceau ait été écrit durant la période de COVID n’y est peut-être pas pour rien. Nous nous sommes inévitablement beaucoup retrouvés face à nous-mêmes durant cette période marquante.
Il est évident que le confinement nous a obligés à repenser notre mode de vie, et à accorder plus de place à l’essentiel : les relations humaines. Certains s’en sont mieux sortis que d’autres, quelques-uns ont vu leur misanthropie et leur égocentrisme renforcés, et beaucoup ont souffert de l’incapacité chronique à communiquer lorsque les circonstances réduisaient les échanges au maximum. On retrouve tout cet éventail de sentiments sur ce quatrième long, qui multiplie les décors, entre intimisme ouvert et sincérité criante de vérité. La colère se veut nouvelle, comme le souligne le très énervé « New Anger », le sommeil vient à manquer sur « Insomnia » et son onirisme de court-métrage, mais le feu sacré couve toujours sous les cendres des illusions, et revient à la vie dans une magnifique gerbe enflammée sur « Fire is Bright, Fire is Clean ».
Toujours sur le fil entre Metal et Rock plus généraliste, SEEDS OF MARY n’a pas remisé ses ambitions. Les quatre ans séparant Serendipity de LOVE ont été exploités avec brio, pour renforcer cette frontière entre la tradition et la modernité. Mais loin des modes qui passent quand l’intérêt trépasse, LOVE est fait pour durer, pour battre en vous la chamade à chaque riff amplifié et vous faire trembler lorsque les mélodies pleurent à en crever.
Le binaire est à l’honneur, l’aspect immédiat passe sans heurts, et le groupe se permet des choses un peu plus faciles, comme ce « Nothing's Sacred » qui résonne d’un écho ALICE IN CHAINS perdu dans un rêve Classic Rock.
Faite pour danser, faite pour hurler, faite pour aimer. Cette musique reprend toutes les nuances de ce sentiment si important, entre jalousie et confiance aveugle, pour nous faire comprendre toute l’urgence de son universalité. « The Narcissist » se souvient de ceux bloqués sur le miroir de leur propre suffisance, quelque part dans ces tours d’ivoire, « Begin the End » montre une éventuelle porte de sortie pas rassurante, et c’est bien sûr « LOVE » qui termine le discours, avec une belle assurance électronique.
Soyons heureux de constater que SEEDS OF MARY a muri, mais pas changé pour autant. En se donnant plus d’amplitude, le quintet bordelais signe une suite tout à fait logique au désormais classique Serendipity, et sans vraiment le vouloir, rejoint les hordes d’artistes dont la carrière a été dominée par l’amour. Et comme le disait le regretté John Lennon avec une proactivité incroyable, « LOVE is all you need ».
Titres de l’album :
01. Amor Fati
02. New Anger
03. Parasite Paradise
04. Spiral Me Down
05. Insomnia
06. Fire is Bright, Fire is Clean
07. Nothing's Sacred
08. The Narcissist
09. Begin the End
10. LOVE
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09/12/2024, 12:15
Grotesque décision. La réaction du fest est saine et équilibrée, et remet les choses à leur juste place. Provoquer n'est pas prôner, et la provocation a souvent pour but de faire réagir, ce que les bien-pensants ne comprennent pas et ne compren(...)
09/12/2024, 10:26
Si j'ai bien compris il sera encore à pied d'oeuvre en studio.Et c'est le batteur de British Lion qui prend sa place en Live. C'est pas foufou comme annonce.
08/12/2024, 16:04
Il reste officiellement membre du groupe pour les albums etc ou c'est un départ officiel et définitif ?
08/12/2024, 15:12
À plus de 70 balais c’est compréhensible. C’est déjà incroyable cette longévité et ils peuvent arrêter maintenant ça ne choquera personne. Merci et bon vent
07/12/2024, 20:27
La vache ! Très curieux de savoir qui prendra son tabouret. En tout cas, pour avoir rencontr&eac(...)
07/12/2024, 17:46
Hey !! Mais merci pour cette super chronique !!On aurait pas fait mieux !!!
07/12/2024, 16:52
Couillu de sortir ça en France, je compte les jours avant un strike d'une assoc' ou d'un justicier des RS pour "isme", "apologie de", ou tout autre joyeuseté de la sorte.
05/12/2024, 08:36
ça m'a rappelé un film qui aurait apparaitre ici : get him to the greek ;)
04/12/2024, 09:46
Tourista, bien vu :-) Moi je dirais que c'est une décision avisée cela dit, d'autant plus que musicalement, et ça me coûte de le dire, étant un ENORME fan de Venom, mais du Vrai Venom ( Cronos, Mantas, Abaddon), Venom Inc ne propose pas grand chose d&ap(...)
03/12/2024, 13:55
Bravo pour remettre en lumière un groupe à part et spécialement la partie la plus ancienne de l'histoire de Stille Volk, largement méconnue (j'ai appris des choses). C'est en partie à cause du faible nombre d'interviews qu'ils ont pu fai(...)
02/12/2024, 20:13