Magna Mater

Mother Of Millions

04/10/2024

Vicisolum Productions

La musique est un art évidemment, mais c’est surtout un voyage. Un voyage intérieur, que l’on peut partager, mais qui finalement s’entreprend seul dans le secret d’une chambre à coucher, d’un salon, ou d’une déambulation nocturne dans les rues d’une ville anonyme. Ce qu’on attend d’un disque, c’est qu’il vous transporte, qu’il change votre réalité, qu’il vous ouvre des perspectives nouvelles, et qu’il vous expose à d’autres mondes, imaginaires, existant, ou à deviner les yeux fermés dans la pénombre. Dès lors, peu importe le style, seules les sensations comptent. Et comme les mathématiques, la musique est un langage universel. Que vous soyez français, anglais, péruvien ou polonais, vous comprenez cet idiome parce qu’il s’adresse à tous sans distinction. Et tout ceci est magnifique, bien que passé dans la conscience collective au même titre que les règles physiques de base.

Pourtant, cette magie est toujours aussi mystérieuse et mystique. Personne n’est capable d’expliquer pourquoi tel album l’a touché plus que d’autres, et cette absence de raison en fait la beauté. Tout le monde porte un regard différent sur les grandes œuvres picturales. Nul ne voit La Joconde de la même façon. Personne ne ressent la même chose en admirant le plafond de la chapelle Sixtine. Les œuvres de Botero. Un Monet. Mais aussi une structure architecturale, un paysage, une vieille photo exhumée d’un coffre en bois, le souvenir d’un premier amour.

J’aime cette sensation. C’est d’ailleurs pour ça que je m’empare de mon clavier deux fois par jour depuis des années pour tenter de vous faire partager ces émotions. Et ce matin, en écoutant le nouvel album des grecs de MOTHER OF MILLIONS, j’ai évidemment ressenti le besoin de me confier à vous et de vous aiguiller vers eux. Car ce groupe, responsable de quatre albums à ce jour, est d’une catégorie rare d’artistes qui transcendent les clichés et les querelles de clocher pour offrir à son public un itinéraire fantastique, entre onirisme, poésie, beauté crue et ténèbres environnantes.

MOTHER OF MILLIONS est rangé dans la petite catégorie élitiste du Metal progressif. C’est une possibilité que je ne nie pas, mais je préfère les envisager comme des musiciens libres, jouant un Rock très puissant, qu’ils agrémentent d’une bonne dose de nostalgie et de mélancolie en mélodies mineures. Avec quelques années de métier, le quatuor a su développer des arguments personnels, quelque part entre le Metal moderne, le Post Rock emblématique, et plus simplement, la musique électronique mise au service d’émotions humaines. Sans tergiverser ou se donner des airs, le groupe définit son nouvel album en ces termes, bien choisis :

Magna Mater est sans aucun doute notre album le plus lourd et le plus intense à ce jour, tant sur le plan conceptuel que musical. Un disque dans lequel toutes les émotions se transforment en terres inexplorées, en rituels avant que nous ne les acceptions comme étant les nôtres. Magna Mater est un album sur la perte, mais il s’agit en fin de compte de la vie en tant que telle. C’est une grande partie de ce que nous sommes et nous espérons que vous apprécierez le voyage. 

La perte, l’inconnu, le voyage, la perdition, et enfin, l’acceptation de soi. C’est une aventure connue, vécue par des millions d’individus, mais qui nous appartient en propre. Chacun traduira donc ces chansons dans son propre vocabulaire, en insistant sur les harmonies passées, ou sur les riffs lourds et empesés. MOTHER OF MILLIONS n’est pas un groupe de Metal progressif tel qu’on le conçoit normalement. Pas de longue envolée, pas de lyrisme excessif, pas de citations classiques per se, pas de démonstration en esbroufe majeure, et aucun titre qui dépasse un timing raisonnable. Tout est concis, et tourne autour d’une idée principale que les musiciens développent à l’envi.

« Inside », « Feral », « Magna Mater », triptyque d’ouverture est un ouvrage d’une beauté et d’une précision rares. En un peu plus d’un quart d’heure, ce quatrième longue-durée dessine les contours d’une cathédrale sonore, dont les portes s’ouvrent pour les croyants, les païens, les crédules et les sceptiques. Les pécheurs et les saints, tout le monde se sent vibrer sur ce riff redondant à l’extrême qui s’appuie sur une logique DEFTONES pour mieux nous emporter d’une ambiance à la PORCUPINE TREE.

On pourrait vulgairement parler de Néo-Progressif humble, mais autant se contenter d’écouter, sans chercher à disséquer les plans pour y trouver des pirouettes techniques magiques. Le principal n’est pas là, il se cache sous les pierres de la simplicité, puisque chaque titre navigue calmement le long d’une rivière de pureté, qui se jette dans l’estuaire d’une production immaculée aux graves arrondis et aux aigus polis.

Comme si MUSE abandonnait ses tics insupportables et son maniérisme rebutant, MOTHER OF MILLIONS évolue dans son époque en utilisant ses possibilités, mais joue une musique intemporelle. L’affrontement des claviers et de la guitare, ce chant versatile et apaisant, cette façon de glisser quelques nuages noirs dans un ciel bleu azur sont autant de marques de fabrique qui distinguent les grecs de la masse.

Je n’ai pas de titre préféré. J’aime ce disque dans sa globalité, car il incarne un dépaysement qui ne fonctionne qu’en tant que tout. Impossible de découper en chapitres, impossible d’extraire une chanson, elles se suivent et se complètent comme une logique implacable. Tout au plus puis-je pointer du doigt la beauté gracile de « Irae » qui m’a rappelé le meilleur TEARS FOR FEARS, ou la puissance incroyable de « The Line » qui s’écrase sur des volutes de synthé.

MOTHER OF MILLIONS a de quoi charmer des millions de personnes. Sans expliquer pourquoi. En jouant, sans se poser de question, et en faisant naître en nous des sentiments contraires. A ce moment-là, nous ne faisons plus qu’un. C’est aussi ça, le pouvoir immense de la musique. Unir les âmes dans un même élan d’espoir.    

      

Titres de l’album:

01. Inside

02. Feral

03. Magna Mater

04. Celestial

05. Liminal

06. The Line

07. Halo

08. Irae

09. Space


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par mortne2001 le 16/12/2024 à 17:33
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