Déjà, la pochette en dit beaucoup plus long qu’on n’aurait pu le croire. Ces couleurs aux teintes orangées et violettes, cette petite fille au regard fixe et presque inquiétant qui tient un crâne à bout de bras, en valent plus que bien des longs discours, et pas seulement parce que leur iconographie est révélatrice. On pourrait, dans une analogie un peu capillotractée y voir un parallèle dramatique à la Shakespeare, en cumulant les thématiques d’Hamlet et du Roi Lear. Pourquoi ? Parce que finalement, être ou ne pas être n’est pas vraiment la question, mais être et avoir été peut se guider elle-même en tant que conclusion. Et puis ajoutez à ceci ces deux ou trois citations sibyllines qui finalement, dessinent bien les contours du projet :
Sans le savoir, ces trois extractions hors contexte balisent parfaitement le cheminement qui a abouti au retour de Pepper Keenan dans le giron de son groupe légendaire, CORROSION OF CONFORMITY. Et évaluez l’évènement à la hauteur de sa portée, puisque plus qu’une étape de plus sur un parcours chaotique, No Cross No Crown est une sorte de révélation sur le chemin de Damas. Premier album avec Pepper depuis In the Arms of God il y a treize ans, premier LP regroupant le légendaire line-up des grandes années Deliverance/Wiseblood, ce dixième témoignage longue-durée est presque historique dans les faits, découlant pourtant très logiquement d’une conjoncture favorable, et d’une envie d’aller de l’avant, une fois de plus. Le barnum étant planté, il restait à craindre l’effet pétard mouillé, les gars se connaissant sur le bout des doigts, mais ayant méchamment vieilli entre-temps. On pouvait anticiper une trop grande digression sur une thématique DOWN, Pepper ayant activement participé au projet supergroupe depuis si longtemps, et pourtant, je vous l’assure, vous pouvez être vraiment rassurés, il n’en est rien. Car No Cross No Crown est un véritable disque de CORROSION OF CONFORMITY, que les années confirmeront ou non à la hauteur de la légende passée. Mais aujourd’hui, c’est la légende présente qui s’écrit, et l’aventure est belle, mais puissante. Comment, pourquoi ? Allons-y.
Une tournée de quelques dates prévues pour se chauffer, une signature avec le géant Nuclear Blast, et le chemin prit une année entière à trouver son terme. Dès lors, il fallait enregistrer, coûte que coûte. Mais le groupe n’a pas précipité les choses, histoire de ne pas bâcler le chapitre et refermer l’histoire sur un épilogue douteux ou critique. Le succès critique lui, sera au rendez-vous de ces quatorze morceaux enregistrés comme une démo dixit Pepper lui-même, puisque la magnificence de ce nouveau-né est manifeste dès ses premières notes évaporées. On parlait de cette pochette suggérant quelques accointances avec un Southern Doom dont il est décidément difficile de s’éloigner, et « The Luddite » et ses accents graves NOLA prononcés semblait nous aiguiller sur la piste d’un Rock bourbeux et Sabbatien prononcé. Guitares graves comme une émotion palpable, rythmique plombée mais heurtée, et chant en arrière-plan célébrant le sabbat à la bougie, pour une litanie qui n’aurait pas fait tâche sur la série d’EPs proposés par DOWN, ou même sur un album de CROWBAR plus émincé que la moyenne. Mais comme pour nous ramener vers les certitudes du passé, le single avant-coureur nous permet de retrouver notre groupe animé des bonnes intentions, et « Cast the First Stone » de s’emballer d’un up tempo rageur et de riffs faisant la jonction entre le COC d’avant, et celui de maintenant. Et c’est diablement convaincant, malgré ce feedback un peu envahissant qui nous empêche parfois de nous délecter de ce groove unique. La patte des grands, uniquement, comme cet album qui célèbre le retour des héros qui n’en furent jamais vraiment. Alors, finalement, Wiseblood, Deliverance, Blind, les trois ? Inévitablement, puisque le patrimoine génétique de Pepper Keenan, Mike Read, Reed Mullin et Woody Weatherman transpire de la moindre inflexion s’échappant de sillons chauffés à blanc, et qui surdosent l’intensité sans risquer le blackout. Pepper chante comme jamais, et ses cinquante ans ne pèsent pas lourd dans la balance, excepté en termes d’expérience. Et celle acquise auprès de ses projets les moins annexes transpirent à chaque cri, à chaque souffle, sans que l’homme n’ait oublié comment faire avancer la machine. Alors, pour nous permettre de respirer, les quatre hommes ont disséminé de çà et là quelques interludes mélodiques, non pour accentuer le côté concept que No Cross No Crown n’est définitivement pas (le nom vient d’un vitrail d’ancienne chapelle, et Pepper a bien précisé que les thèmes de société avaient été éludés au profit d’une problématique plus humaine et centrée), mais plutôt pour aérer un album d’une rare pression gardée sous le coude. Et ils en ont encore, malgré les cheveux tombés et les rides creusées…
« Wolf Named Crow », est d’ailleurs très léger niveau texte. Une rencontre inopinée entre un chien aux yeux bleus et un gamin très curieux, et la messe est dite, l’anecdote sera reine puisque la profondeur de la musique se suffit à elle-même. Guitares qui hurlent et hululent, chant qui s’impose sans écraser les pieds, et la magie de cette rythmique retrouvée, Dean/Mullin, qui n’ont certainement pas oublié l’art séculaire du chaloupé/pilonné qui confère à n’importe quel riff un peu téléphoné un groove vraiment endiablé. Le groupe au complet n’a pas non plus remisé son désir de se replonger dans ses racines sudistes, que l’on retrouve solidement implantées dans la terre de « Little Man », petit plaisir coupable qui se pare d’atours ralentis de « Clean My Wounds », alors même que le quatuor ne cherche aucune rédemption, et continue de nous assommer de son Rock énervé via un « Forgive Me » qu’on ne nous espère pas dédié. Vous pardonner quoi les gars, de nous avoir donné autant de plaisir par le passé, et de continuer ? Soyez sérieux, nous sommes juste heureux de vous retrouver en si bonne forme, et bien accompagnés et épaulés par le fidèle John Custer qui offre à la bande le son parfaitement idoine dont ils avaient besoin, cette patine un peu crade qui empêche les fréquences d’être trop polies pour être honnêtes, mais pas assez rouillés pour nous monter à la tête. Celle des musiciens va bien, puisqu’ils abordent cette nouvelle étape comme le cadeau qu’elle est.
« Nous devons redevenir des humains, et prendre soin des uns des autres. C’est aussi simple que ça ».
Redevenir des humains, et accepter ses passions, comme celle qui fixe un « Planet Caravan » et un « N.I.B » dans le rétroviseur embué de « Nothing Left To Say », lourd comme un DOWN qui ne tente même pas de s’extirper de ses obsessions en bourrier. Comme tolérer que parfois, c’est la main divine de Iommi qui guide l’écriture d’un « Old Disaster » qu’Ozzy aurait pu couiner de sa voix de chauve-souris enrhumée. De friser l’euphorie la plus totale sur « E.L.M » qui donne des pulsations inédites à un électro-encéphalogramme plat depuis le manque constaté. Et de laisser l’orage des arrangements gothiques transpirer d’un lyrique « No Cross No Crown », sombre comme une nuit aux étoiles fanées. Mais je vous le disais, cette pochette sublime laissait traîner plus d’indices de son graphisme savamment étudié que bien des sentences promotionnelles balancées à la volée. La conformité n’a jamais été l’apanage des créateurs les plus farouchement sauvages, et ce dixième album d’un groupe enfin réuni dans sa configuration bénie prouve que le hasard du destin est décidément plus malin que tous les plans marketing élaborés au petit matin. Ceux que vous allez connaitre après avoir écouté No Cross No Crown seront aussi ensoleillés qu’ombragés, mais ils vous donneront l’énergie suffisante pour affronter bien d’autres journées. La couronne que vient de retrouver sur son front CORROSION OF CONFORMITY ne risque pas de tomber. Mais ils n’auront pas eu besoin d’arpenter de chemin de croix pour en être ceints. Juste de rester eux-mêmes, sans penser au lendemain.
Titres de l'album:
Je m'attendais vraiment pas à ce qu'Ozzy tiennent 30 min sur chacun de ses shows...Bon, on peut pas dire que c'était "beau" à voir mais si j'avais eu la chance de gauler une place, j'aurai tout de même été bien con(...)
07/07/2025, 07:36
Putain je suis fan de Slayer mais c'était bien dégueulasse. Ça devient une parodie. Et oui merci pour tout Ozzy et tommy.
06/07/2025, 21:25
Oui c'est bien beau mais étaient ces gars durant l'ère Obama ou il a absolument tout trahis ? Trump on connait son histoire personnelle et ses financements. c'est sans surprise..
06/07/2025, 14:20
Pardon pour les fautes, mais quitte à écouter ce genre de trucs, Anna von Hausswolff le faisait beaucoup mieux il y a 10 ans. C'est ce qu'on appelle l'avant-garde je suppose.
05/07/2025, 06:51
Le problème de de Kayo Dot c'est qu'il dépend de l'envie du moment de Toby Driver et de qui l'entoure, tu peux avoir un album de drone/post-rock suivit d'un album de death metal, il n'y a pas de groupe et aucune identité. C'est dommage parce(...)
05/07/2025, 06:47
Merci à Clawfinger pour ce grand moment de transgression validée par l’ordre moral dominant. C’est rassurant de voir que la “rébellion” moderne consiste à tirer sur une cible usée jusqu’à la corde, avec des punchlines dignes (...)
04/07/2025, 07:16
Il tourne pas mal chez moi ce disque, et c'était un vrai plaisir de revoir le groupe live récemment après les avoir un peu mis de côté. Un autre concert en tête d'affiche ne serait pas de refus !
03/07/2025, 16:57
Morceau décevant et sans surprise. La présence de Chris Kontos dans le groupe y fait pour beaucoup dans mon intérêt pour ce retour, mais pour le moment bof.
03/07/2025, 16:47
Je n'ai jamais aimé ce groupe, mais j'étais passé devant durant un Hellfest et en effet c'était juste insupportable toutes ces harangues (littéralement toutes les 10 secondes). Moi je m'en beurre la raie, mais pour les fans ça doit &ec(...)
03/07/2025, 12:55
Vu à Toulouse et je n'ai pas du tout accroché, pourtant vu 2 ou 3 fois depuis 2005. Et j'avais bien aimé. Rien ne surnage, ça bastonne mais pour moi aucuns titres ne sort du lot.Par contre j'ai adoré Slapshot
02/07/2025, 16:01
Votre article sur le kintsugi est un véritable hommage à l’art de reconnaître la beauté dans la fragilité et les cicatrices : mentionner son origine au XVe siècle et sa philosophie wabi‑sabi renforce(...)
02/07/2025, 15:38
@Abrioche91 : la canicule t'a trop tapé sur la tête, mon pauvre vieux. Parce que se faire à répondre aux trolls, je n'avais plus vu ça depuis VS.
02/07/2025, 12:25
@Ultra Pute, t'es bien limité comme garçon. Et tu dois sacrément bien te faire chier pour venir commenter connement ce que les autres écrivent.Moi aussi, j'aime bien les commentaires gratuits (la preuve) mais je suis surtout là pour commenter l&(...)
02/07/2025, 08:50