Vous connaissez cette friandise roublarde que nos amis anglo-saxons appellent très justement le jawbreaker ? Un truc qu’on suce ou qu’un croque, assemblage de plusieurs couches de sucre successives qui vous caressent la langue avant de vous déboîter la mâchoire et de vous cramer la glotte ? Le genre de confiserie qui résume à elle seule les surprises de la vie, les sensations douces/amères, et les pains dans la tronche après les câlins ? On en a même fait un teen movie, plutôt fun au demeurant, mais on vient surtout d’en sortir une métaphore musicale absolument parfaite et fidèle. Mais plus que des Etats-Unis ou du Canada, cette transposition Rock nous vient une nouvelle fois de Norvège, où Oslo prend de plus en plus des airs de la Californie des années 80…Froid le climat ? Pas dans les studios ni dans les clubs si j’en crois la température dégagée par le premier album des fripons Glam de THE CRUEL INTENTIONS…Formé à l’orée de 2015, par le chanteur Lizzy DeVine, ex-VAINS OF JENNA, combo pur L.A juice, Mats Wernerson, Kristian Solhaug et Eiliv Sagrusten, avant que ce dernier ne cède sa place sur le tabouret de batteur à Robin Nilsson, ce quatuor aux aspirations claires et pas nettes vient de frapper un double grand coup, en sortant le LP le plus exubérant de cette année 2018, et en trouvant refuge chez le label historique Indie Recordings. Label d’ailleurs plus habitué aux exactions Post ou aux dérives arty, qui se frotte les mains de cette bonne affaire, sentant certainement le vent de la folie tourner en faveur de ses poulains, qui ne sont pas les derniers à humer l’air du Sunset entre deux hymnes juvéniles à rendre les FASTER PUSSYCAT verts de jalousie de s’être fait piquer leur eye-liner. Avec des tronches correspondant parfaitement à leur emploi, ces quatre amateurs de party all night long ont tout lâché pour leur présentation, réconciliant de fait la moue boudeuse des NEW YORK DOLLS, l’attitude punky des collègues de BACKYARD BABIES, et la fronde excessive des PRETT BOY FLOYD, sans jamais se départir d’un sens du groove purement Rock N’Roll hérité du SMITH et des frères ennemis Richards/Jagger.
Pour être tout à fait honnête, et puisque je ne connaissais pas le groupe avant de jeter mes oreilles incrédules sur leur travail, autant dire que ce No Sign of Relief m’a bien retourné les tripes et fait valser les valseuses en toute objectivité. Dans la même veine qu’un Faster Pussycat, et aussi jouissif qu’un Backyard Babies, ce carton d’invitation pour une fête permanente à les arguments de ses excès, et les excuses de ses affronts. Doté d’une production un peu rauque mettant le Rock en vedette, il aligne les hymnes teenage comme les punchlines lucides, et nous assomme d’un enthousiasme débordant, le confinant à l’euphorie, puisqu’en respectant une durée globale de trente-cinq minutes, la redite n’est pas de mise et la nonchalance pas plus. Et si l’image du jawbreaker m’est si facilement venue à l’esprit, c’est certainement parce que ce bonbon maléfique est aussi la première douceur offerte par les norvégiens, qui commencent sur les chapeaux de roue, même pas décoiffés dans leur décapotable Sleaze pour cause d’abus de laque. Batterie d’intro qui tonne, petit lick hésitant et approximatif en arrière-plan, pour un soudain déluge de riffs adolescents qui vous collent une crise de priapisme digne d’une érection face à un poster de Debbie Harry. C’est turgescent, mordant, sans complexe, mais surtout à l’image d’une rue que certains n’ont jamais pu quitter, après avoir laissé leur enfance de côté sur les trottoirs de la vie. Aussi Punk qu’un ongle de pied de David Johansen, mais aussi Glam qu’un hit des BLACKRAIN ou des BACKYARD BABIES, cette mise en bouche arrache la gueule et laisse un peu pantois, d’autant plus qu’elle est enchaînée sans transition avec « Reckoning », ne faisant pas plus preuve de calme et de sérénité.
Chant gouailleur comme un vendeur de tapis en crise de fin de mois, avec ce timbre inimitable de Lizzy DeVine qui a largement eu le temps de roder ses organes du côté de la Californie avant de déménager à Oslo rejoindre sa nouvelle bande, distorsion juste assez crade pour empester les bas-fonds dégoulinant de bourbon bon marché, rythmique simple mais qui pilonne grave, et évidemment une grosse louche de chœurs fédérateurs, genre manif de lycéens pour réclamer des uniformes plus sexy pour les filles. Tout ça sniffe la luxure et l’ambivalence à plein nez, puisque les quatre félins aux griffes pointues ne se gênent pas pour évoquer les misères de la vie, et surtout, sa dualité d’espoir et de déprime, ou de douleur et de plaisir. Loin d’être de jeunes cons en mal de cause en promo, les THE CRUEL INTENTIONS se veulent les boots sur terre, juste assez concernés pour faire partie de la société, mais suffisamment écervelés pour croire que le Glam Rock peut encore sauver le monde. Et entre leurs références finaudes et autres allusions décalées (« Genie’s Got a Problem », les RAMONES passés à la moulinette Pop-Punk des nineties, avec cette patine DESCENDENTS qui sent bon le facteur à midi et quart), leurs problèmes existentiels sur fond de riff que les AIRBOURNE auraient pu replacer entre deux volées de binouze braquée (« Weekend Suffering »), l’heure est à la decadence dance, et aux refrains qu’on reprend en chœur. Profitant de l’expérience d’une carrière passée bien rodée, les norvégiens passent en revue le catalogue du Rock façon Glam avec une dextérité incroyable, adoptant même le déhanché si particulier de la paire Tyler/Perry sur un « Borderline Crazy » à vous rendre dingue de jalousie. Et alors qu’on se dit que tout ça va bien finir par marquer un temps d’arrêt histoire d’aller pisser, « Check Your Head » nous la joue Heavy, tout en gardant ce détachement le confinant même à l’inconscience, pour une énième virée downtown à la recherche de la vérité.
Carburant à l’innocence perdue et à la réalité, No Sign of Relief ne montre en effet aucun signe de guérison possible, et avance le port altier mais la dégaine relâchée, pour un concert en studio qui laisse présager de prestations live incendiées. Aussi futile que le premier NEW YORK DOLLS, mais aussi essentiel qu’une compile des HELLACOPTERS, il court, détale, et fonce bille en tête sans se demander de quoi ses lendemains seront faits, puisque seul compte l’instant. Et l’instant, ce sont onze morceaux qui mélange le pétillant d’un rêve bubble-gum et l’amertume d’un réveil le lundi qui assomme, spécialement lorsque l’ambiance se durcit un peu sur « Everybody Riot ». Et avec quelques injonctions à la clarté majeure (« Go Fuck Yourself », addictif comme un inédit de Marc Bolan passé à la moulinette des frères Binzer), des raccourcis lippus qui rendent velu (« Chaos In a Bombshell », et ses « gnagnagnagna » purement puérils mais intensément cathartiques), et un final aux accents Bluesy qui stimule encore un peu les papilles sans gimmick de pacotille (« Devilicious »), on se retrouve complètement dépassé par le délire d’un album totalement assumhalluciné, qui illumine la nuit de néons brillants, et qui assombrit le jour de cris et de sang. Sans tomber dans l’hagiographie programmée, THE CRUEL INTENTIONS est probablement ce qui est arrivé de mieux au Glam depuis l’appropriation des bas-résille par les hommes, et se place dans le peloton de tête des albums les plus efficaces de l’année, sans discussion possible. De toute façon avec un jawbreaker dans la bouche, essayez donc d’argumenter sans baver.
Titres de l'album :
01 Jawbreaker
02 Reckoning
03 Genie’s Got a Problem
04 Weekend Suffering
05 Borderline Crazy
06 Check Your Head
07 Sick Adrenaline
08 Everybody Riot
09 Go Fuck Yourself
10 Chaos In a Bombshell
11 Devilicious
Avec Massacra legacy, ça commence nettement à avoir plus de gueule ! Reste à voir la suite des annonces. Mais je crois que je vais plus préférer le Westill le mois suivant au même endroit cette année, déjà Elder et Wytch Hazel de confi(...)
13/05/2025, 07:48
Mea culpa....J'avais pas vu la news en première page - j'ai été directement te répondre.
12/05/2025, 14:33
S'il est du même acabit que le The Cthulhian Pulse: Call From The Dead City sorti en 2020, Mountains of Madness risque d'être un allday listening pour moi.J'ai hâte, bordel !
12/05/2025, 13:44
J'étais passé totalement à côté de cette petite pépite de Death Suédois!Vieux moutard que jamais!Puteraeon glisse de belles ambiances lovecraftiennes sur cet album et les arrangements apportent un plus à l'ensemble.
12/05/2025, 13:42
Necro est sympa, avec de bons passages groovy et d'autres où le groupe envoie du bois.Pas sûr de l'écouter durablement, d'autant plus que le prochain Puteraeon sort le 30 avril prochain.
12/05/2025, 13:40
Sentiment mitigé pour ma part Le chant de Johan Lindqvist n'atteint pas un pouïème de ce qu(...)
12/05/2025, 13:38
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29
Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...
06/05/2025, 17:11
Ils sont juste trop faux-cul pour assumer le statut de tribute band, voilà tout.
06/05/2025, 16:15