Je donnerais bien ce qu’il me reste à vivre pour avoir connu l’explosion créative des années 70, et me retrouver à San Francisco, Detroit, pour sentir le souffle brûlant des MC5, des STOOGES, et m’emballer au son d’une musique sauvage, agressive, libre et créative qui ne tenait pas encore compte des exigences d’un business qui n’allait pas tarder à imposer sa loi. J’envie ceux qui ont vu Iggy, le ZEP, les DOORS on stage, dans leur période de gloire, et qui peuvent aujourd’hui dire qu’ils ont en effet, connu le Rock N’Roll. Je ne l’ai malheureusement connu que par procuration, sur disque évidemment, en regardant des vidéos mythiques, mais sentir le souffre, respirer l’urgence se vivent en live, sur le moment, pour ne rien oublier et raconter ça aux générations futures avec une fierté légitime dans la voix. Alors, en 2020, le Rock existe-t-il encore sous une autre forme que celle numérique qui banalise l’exception et rend l’extraordinaire normal ? Il reste pour nous quelques artistes qui s’ingénient à retrouver l’essence même de la musique, celle jouée par des artistes qui défrichaient sans vraiment le savoir, au risque de vendre trois vinyles et de terminer leur carrière exsangues, mais cultes. Qui dans les années 60 se souciait du VELVET ? Qui en dehors de quatre greasers et dix Hell’s Angels vouait un culte à BLUE CHEER ? Et qui aujourd’hui est capable de ressusciter leur génie bruitiste sans tomber dans l’opportunisme ou l’old-school pénible qui recycle sans se préoccuper de sa propre créativité ? Les PSYCHOTIC REACTION peut-être, à condition d’avoir la curiosité de chercher à les connaître.
Difficile d’avoir des infos sur ce groupe au parcours bizarre, qui se permet en 2020 de sortir deux longue-durée…dont l’un enregistré cinq ans auparavant. En effet, Messiahs of Voltage, bien qu’offert en cadeau de janvier style étrennes, a été enregistré en 2015 et a patienté cinq ans dans les cartons sans qu’on comprenne très bien pourquoi. Dès lors, il n’est pas étrange de réaliser que deux albums en 2020 ne sont pas quantité énorme et surprise fondamentale, même si Ocean of Darkness nous prend un peu par surprise, et sans faire semblant d’avoir oublié le lubrifiant. Originaire de Norman, Oklahoma, ce power-trio à la puissance phénoménale (Robert Layton III - guitare/chant, Nolan Dacus - guitare/chant et Whitt Daniels - batterie) se replonge encore une fois dans les affres bruitistes de seventies en guerre contre les hippies, et puise dans la colère de Detroit de quoi alimenter son Heavy Rock digne d’un HAWKWIND encore plus sous acide que Ken Kesey au moment de taper sur sa machine. Celle des américains est aussi argenté que celle de Lemmy pouvait l’être, et leur Rock est lourd, emphatique, et propre à générer chez le chroniqueur des gimmicks faciles, en forme de comparaisons pas si absurdes que ça. Bien évidemment, les PSYCHOTIC REACTION y ont déjà eu droit, et s’en servent même de compliment sur leur page Facebook, affichant sans gêne un tonitruant :
Psychedelic Punk Blues. It's like hearing THE VELVET UNDERGROUND on acid, BLUE CHEER on meth and THE HELLACOPTERS after they huffed like 50 gallons of paint thinner.
Tout ça semble un peu exagéré et digne d’une manchette promotionnelle, et pourtant, la vérité s’y trouve, cachée sous un sens de la formule très tape à l’œil. Il faut dire qu’en termes de puissance Heavy, les trois américains ne font pas semblant, laissant les amplis Orange vibrer de toute leur membrane et les jacks torsadés s’enrouler autour d’une inspiration commune. Ici, rien n’est bien rangé, rien n’est vraiment très propre, et le Hard est joué comme il y a cinquante ans, lourd, méchant, adressé à un public averti, et clairement urbain. Pourtant, peu d’allusions à BLACK SABBATH - monnaie courante dans ce genre de réalisation - mais plutôt une fascination pour BLUE CHEER et leur manières de rustres. Les riffs sont plus épais qu’une couche de graisse sur le moteur d’une Harley, la rythmique est pilonnée à la Keith Moon, et l’étiquette remisée au placard, un peu comme si les STOOGES avaient préféré copier le Jeff Beck de Beck-Ola plutôt que de rendre hommage aux pionniers du Rock façon analphabètes du solfège. Et une fois passé l’intro un peu strange et défoncée de « Instructions for Modern Living », tout se met en place, la guitare est rude, le rythme appuyé, les effets space, et vogue la défonce, garantie sans champignons mais avec quand même pas mal d’herbe sous le sofa.
Le chant, clairement et volontairement sous-mixé tente de se faire une place à l’ombre du chaos, mais ce sont évidemment les guitares qui battent le haut du pavé, avec cette distorsion rudimentaire qui en appelle à l’absence totale d’effets. Bien sûr, on blinde le tout de réverb et d’écho, mais le principe est connu et accepté depuis longtemps, histoire de rendre le trip plus intense. Mais si Ocean of Darkness est encore beaucoup trop musical et logique pour s’approcher de la stridence du VELVET, il mélange à merveille les HAWKWIND et BLUE CHEER, MCLUSKY et un Jack White torché, et ose des suites à rallonge, comme ce merveilleux et complètement paumé « Eyes of the Sun/Reptilian Overlords », monument monstrueux transformant NEUROSIS en groupe de balloche pour vieilles effarouchées. Classique mais malpoli, ce second LP nous propose quand même quelques fulgurances plus joyeuses, mais pas plus sophistiquées, et on finit par se déhancher twist sur le final « Hesitation » qui sans en avoir aucune referme la porte pour ne plus laisser passer le bruit.
Oui, les années 70 furent légendaires, et à plus d‘un titre. Cinq plus précisément, ceux que propose cet album qui ramène l’urgence au centre des débats. A apprécier légèrement fait, pour contempler les sons et écouter les couleurs. Turn on, tune in, drop out.
Titres de l’album:
01. Instructions for Modern Living
02. It Creeps
03. Witch Collector
04. Eyes of the Sun/Reptilian Overlords
05. Hesitation
Voyage au centre de la scène : chronique We Are French Fuck You! III
Jus de cadavre 17/09/2023
C'est un peu ce qui m'emmerde depuis 20 piges : beaucoup de technique, de dextérité musicale, des productions de tueurs......mais c'est de plus en plus difficile de trouver du gâteau sous le glaçage.Je discutais hier encore avec un jeune vendeur da(...)
30/09/2023, 12:23
Il y a quand même quelque chose qui distingue un groupe immense d'un autre, c'est le songwriting. Et ça, ça ne se copie pas.
29/09/2023, 20:11
Ah la vache, c'est carrément bien foutu mais ça tient quand même de la copie carbone. Limite un peu honteux.Comme toi, Arioch, je vais plutôt attendre l'original que la photocopie.
29/09/2023, 13:14
Toujours trop court, pour ça que je n'en écoute quasiment jamais mais mazette, quel clip !
29/09/2023, 10:47
Bon. Si jamais Vektor se vautre avec son prochain album, au moins la relève est assurée : Venus.Perso, je vais attendre Vektor.
29/09/2023, 08:18
Je viens de me rendre compte que j'ai confondu Hecate Enthroned avec le groupe belge Enthroned... qu'il repose en paix....
27/09/2023, 10:53
ça fait drôle, le mini de 96, (dans le format on peut en citer une palanquée de plutôt cool à l'époque : Dismal, Gehenna, Mundanus, Troll, Aeternus, Tartaros..) m'avait marqué à sa sortie., ado découvrant le style depuis peu ((...)
27/09/2023, 08:12
Thank you (Stéphane Bellehumour) for listening and Thank you (mortne2001) for the review..
25/09/2023, 04:01
Bonjour, l'album est déja sorti sur digital le 15 Aout, le 13 Octobre est la date du release CD
24/09/2023, 19:20
à bientôt le 30 septembre à Chalons-En-Champagne avec MASSIVE CHARGE, CHABTAN et PUTRID OFFAL, ça promet !
24/09/2023, 17:45
Merci pour l'élogieux commentaire, ça fait grand plaisir !!! Nous tenons à remercier ici toute l'orga, autour de Jo, Rémy et Fabrice, qui s'est investie corps et âme dans cette belle journée ! Salut à toutes et tous, à bient&oc(...)
24/09/2023, 11:58