Je ne suis pas très porté sur la chose. Non pas cette chose-là, je veux bien évidemment parler du Doom et de ses digressions psychédéliques, même si le Desert Rock des années 90 trouve grâce à mes oreilles. A l’inverse, je suis client des groupes qui font les choses à leur manière, qui bougent l’inamovible, qui glissent le figé, qui assouplissent le compact. Des musiciens qui conscients des limites de leur style en proposent des digressions intelligentes, des démarquages malins, des possibilités nouvelles. C’est ainsi qu’en 2018, je fus assez séduit par un premier album éponyme, œuvre d’un trio obscur, sorti d’une tanière de Californie comme les hippies fuguaient de chez eux pour émerger au Haight-Ashbury. Il faut dire que si San Francisco fut le refuge de bien des paumés de la génération des fleurs dans les cheveux, Los Angeles fut aussi touchée par la main de Dieu dans les années 60, avant de céder sous les coups de bombe de laque de la vague Hair des années 80. S’il est certain qu’on imagine plus le Doom sous un climat anglais brumeux et matinal, le soleil de la Californie peut aussi ternir ses couleurs déjà bien délavées, et lui conférer une sorte d’aura vintage, celle-là même qu’on remarquait autour des silhouettes des COVEN, lorsqu’ils ne célébraient pas une messe noire fessue. Los Angeles donc, et encore une fois, une histoire de petite annonce qui a trouvé intérêt dans les yeux et le cœur de ceux qui l’ont lue, enfin plus exactement de celles, puisque cette fameuse annonce dans Craigslist fut rédigée par la bassiste Mariana Fiel, et lue par la batteuse Megan "Whiplash" Mullins et la guitariste Katie Gilchrest. HIGH PRIESTESS vit donc le jour en 2016, et commença immédiatement à jammer, à mettre en place de longues digressions improvisées, avant de publier une première démo qui ne tarda pas à capter l’attention du label US Ripple Music. Et de candélabres en processions, un premier LP vit le jour en 2018, portant le nom de ses auteurs, qui lui aussi secoua assez l’underground lent et chevelu pour permettre aux musiciennes de partir sur les routes des Etats-Unis et de l’Europe.
Avec une telle entame de carrière, pas étonnant que ce second album fut attendu avec autant d’impatience. Le premier laissait augurer d’un potentiel conséquent, et d’un talent indéniable dans la composition de morceaux enivrants, le second se devait donc de confirmer les bonnes impressions, et de capitaliser sur la sympathie. Et les trois instrumentistes n’ont donc pas joué la sécurité à outrance tout en assurant leurs arrières, puisque les cinq morceaux de ce Casting the Circle ont été abondamment rodés sur scène avant d’être gravés sur vinyle. C’est pour cette raison que ces chansons sonnent si carrées tout en exhalant un parfum de naturel assez envoutant, bénéficiant d’un traitement très analogique et éminemment seventies pour ne pas pourrir la caution d’époque, si chère aux puristes. Ces mêmes puristes se réjouiront de découvrir un panel de capacités encore plus conséquent, puisque les trois demoiselles ont joué les harmonies à outrance, insérées dans des titres incroyablement Heavy et pulsés, dotés d’une énergie incroyable et d’une naïveté touchante. Et si « Casting The Circle », le premier des cinq a été composé en perspective d’une ouverture des concerts à venir, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’il soit explosif et multimonochrome. Le terme a de quoi choquer, mais les californiennes lui donnent pourtant corps, avec cette guitare qui ne fait que recycler les riffs estampillés Iommi des seventies, avec cette touche de Prog’ bucolique qu’on appréciait tant la même décennie. Le charme opère donc toujours, d’autant que les HIGH PRIESTESS ne manquent pas de flatter les doomsters dans le sens du poil en leur offrant exactement ce qu’ils attendent, à savoir de longues litanies monolithiques comme « Erebus », qui en dix minutes ou presque fait l’apologie des plans les plus classiques du style, tout en y griffant sa propre optique plus souple et organique.
Enregistré, produit, mixé et masterisé par Katie Gilchrest au Mythology Mastering de Los Angeles, Casting the Circle est donc servi par un son parfait, rond, sinueux, un peu mystérieux mais à la clarté frappante, à tel point que chaque arrangement se distingue des autres sans nuire à la puissance globale. Cette puissance revêt divers costumes, se drapant parfois d’une épaisse toge noire lorsque le groupe joue à l’unisson des parties terriblement distordues et lourdes, ou adoptant des tissus plus précieux lorsque les voix s’entremêlent sur fond de nappage psychédélique ténébreux. N’attendez donc pas plus aujourd’hui qu’hier de HIGH PRIESTESS un statisme créatif, puisque là n’est pas le but, mais plutôt des allusions très lettrées aux influences passées et surtout, des titres d’une conséquence importante, et d’une inspiration plurielle, mais toujours légèrement occulte. Célébrant les Dieux et les Déesses, ce deuxième album est évidemment un écrin fabuleux pour « Invocation », longue suite de plus de dix-sept- minutes qui synthétise tout ce que le Doom et le Rock psychédélique ont de meilleur à proposer, avec toujours cette dualité fascinante entre des riffs énormes et concentrés, et des nappes vocales éthérées et désincarnées. Toujours aussi promptes à se reposer sur des percussions tribales, les musiciennes jouent leur va-tout tout en restant naturelles, et cette longue progression nous ramène aux grandes heures des délires LSD organisés et des voyages sous perfusion à Stonehenge, de petits buvards sous la langue, et les yeux débordant de couleurs, lisant les sons et écoutant les tons, pour un voyage dans une autre dimension, plus libre, avec un cerveau plus réceptif à d’autres conceptions.
Pour autant, n’envisagez pas la musique de HIGH PRIESTESS comme une ode cheap à la drogue et comme une nostalgie des années Leary. Il y a évidemment des traces de GRATEFUL DEAD, de JEFFERSON AIRPLANE dans leur musique, mais ces traces sont diluées dans un océan de SABBATH, de TULL, de ST VITUS, et les crescendos offerts sont plus de que de simples montées d’acide en réminiscences d’une jeunesse un peu trop libre. Avec une utilisation de la répétition en mantra orgasmique, les trois californiennes nous donnent le sentiment de franchir avec nous de nouvelles portes, derrière lesquelles se cachent des divinités anciennes, et même si « Ave Satanas » porte le sceau d’un nom trop connu, ses arabesques vocales intègrent les univers de CHELSEA WOLFE, de Diamanda GALAS, de Tori AMOS, et de MYRKUR pourquoi pas, toutes ces artistes - HIGH PRIESTESS y compris - possédant leur monde propre et leurs codes personnels. C’est donc encore une fois en ouvrant la grange que les musiciennes parviennent à nous surprendre, en osant une musique aussi lourde que légère, aussi sombre que lumineuse, aussi inspirée que classique, et Casting the Circle de convertir encore plus de fidèles, trop heureux de constater que des artistes sont encore capable d’oser, et non de simplement recycler.
Titres de l’album :
01. Casting The Circle
02. Erebus
03. The Hourglass
04. Invocation
05. Ave Satanas
Voyage au centre de la scène : le courrier, quand la Poste était la meilleure amie de l'underground
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