En cette époque trouble, et - osons le terme - merdique, tout petit plaisir est bon à prendre. Entre les actes terroristes, les fléaux en tout genre, les virus, le confinement, la catastrophe écologique, les décès, les musiciens, techniciens, artistes, performers, petits commerçants au bord du suicide, l’étalage de vulgarité crasse à la TV, des élections qui opposent des abrutis de gauche à des enfoirés de droite, une montée des nationalismes, tout bonheur, même fugace, même d’un instant est un havre de paix, une oasis dans un désert de déprime. Alors oui, entendre encore une fois un son de guitare connu, se sevrer d’un timbre de voix unique, taper du pied sur une rythmique binaire légendaire est un bienfait qu’il convient de louer à la hauteur de sa contribution d’endorphine. Je n’aurais jamais pensé dire ça d’un album d’AC/DC, mais Power Up est exactement ce dont nous avions besoin pour éviter de sauter dans le vide. Entendons-nous bien, je n’ai jamais été fan du groupe, dont j’aime pourtant un bon paquet de morceaux, et en dehors d’Highway to Hell, de Back In Black et du double live, aucun autre album des australiens ne trouve place sur ma platine, et encore, de temps à autres. Ce qui ne m’empêche pas de respecter le groupe et ses fans, et de bien comprendre pourquoi les frère Young en sont arrivés à ce stade du culte qui tient de l’icône intouchable, eu égard aux services rendus au Rock. Mais autant dire aussi que peu de monde s’attendait à ce que le quintet sorte un album avant sa retraite, au regard des tragédies qui l’ont touché dans un passé proche, et des heurts connus et étalés dans toute la presse spécialisée ou non. Et pourtant, AC/DC est encore là, il est même toujours là, et Power Up, son dix-septième album, est sans doute LE comeback qu’on attendait de leur part. Ce fameux plaisir fugace dont je parlais en introduction.
Cela dit, pouvoir l’écouter tient du miracle. Entre le départ de Brian pour raisons de santé, son remplacement live par Axl « too many burgers » Rose, la retraite de Cliff, et surtout, la mort tragique du plus grand guitariste rythmique de sa génération, le petit frère Malcolm, rien ne laissait présager d’une telle éventualité, encore grotesque il y a trois ans. Mais Power Up est là, et sa naissance n’a rien d’un miracle, ce qui la rend encore plus belle. A l’origine de cette nouvelle épitre, une simple proposition de la maison de disques au triste Angus (qui avait déjà perdu George trois semaines avant Malcolm) de refaire un album. L’écolier, en manque d’action, reçoit la proposition positivement, et attend l’accord du reste du groupe pour lancer la machine. Brian, motivé, reprend alors le micro. Cliff, enthousiasmé sort de sa retraite et rengaine sa basse. Phil, qui a évité la case prison s’installe à la batterie, et Stevie, le neveu d’Angus, reste à sa place et tient la mythique seconde guitare. Une fois assemblé, le groupe ne réfléchit pas longtemps, et sous la houlette d’Angus, décide de dédier ce nouvel effort à la mémoire de Malcolm. Angus qui compose depuis sa naissance avec son frère, fouille dans le carton des souvenirs et exhume un maximum de riffs tricotés par ou avec son frangin. A chaque fois qu’un plan lui semble bon, il le garde, et le propose aux autres. Et de fil en aiguille, le LP prend forme, simplement, sans effort, et le puzzle se complète de la plus logique des façons. Et annoncé avec tambours, trompettes et rifs mortels, l’actualité s’agite de ce comeback, et nous avons droit aux applis qui vous customisent n’importe quel logo aux couleurs et formes du groupe, un nouveau clip, et l’assurance que les australiens sont bien de retour sur les rails.
Encore une fois, ce n’est pas un mordu d’AC/DC qui parle. C’est un amateur de musique, qui a tendu une oreille distraite mais respectueuse sur Black Ice, Rock or Bust, et qui n’en est pas ressorti grandi, ni transcendé. Et je n’affirmerai pas ici que Power Up peut rivaliser avec les grands classiques du groupe, ce qu’il n’est assurément pas capable de faire. Il n’est ni Back in Black, ni Highway to Hell, ni Powerage, ni aucun des chapitres écrits avec Bon ou Brian à la grande époque. Mais il enterre clairement ce que le groupe a produit depuis des années, et ce, de la façon la plus naturelle qui soit. En se concentrant sur l’essentiel, les riffs évidemment, mais aussi la cohésion d’ensemble. En écoutant ce disque, on peut ressentir la joie de ses musiciens au moment de se retrouver ensemble, entre ces chœurs qui sonnent collégiaux, ces tempi martelés par Phil, et cette basse à l’économie de Cliff qui sonne presque joyeuse. Les soli ne sont pas d’anthologie n’ont plus, mais ont cette modestie dont les plus grands font preuve lorsque le plus gros de leur carrière est derrière eux. Et tout ça se sent immédiatement, dès les premières notes de « Realize », introduction parfaite, mais encore plus sur « Kick You When You’re Down », qui fait clairement regretter le temps des concerts, lorsque nous pouvions chanter en cœur entre passionnés, et simplement lever le point, en signe d’allégeance. Même la production du fidèle Brendan O'Brien est presque trop timide face au déballage de moyens d’antan. Mais cette sobriété permet à Cliff de nous gratifier de glissés de basse savoureux sur le délié « Witch's Spell », morceau qui nous replonge directement dans les années 80 du gang. Et c’est d’ailleurs dans ces années-là qu’il faut aller chercher la comparaison, au creux des sillons des mal-aimés Flick of the Switch et Fly on the Wall. Lorsqu’Angus et Malcolm, après avoir écrit les plus grandes pages de leur légende, prenaient un peu de repos et jouaient la légèreté. A l’époque, l’attitude avait été mal prise. Aujourd’hui, elle agit comme une bouffée d’air frais.
La règle : trois minutes et quelques par morceau, pas plus. Mais trois minutes qui permettent les private-joke, comme cette entame de « Demon Fire » louchant méchamment vers « Whole Lotta Rosie ». Ou même moins tiens, sur le bluesy et agréable «Wild Reputation » qui sonne comme un bœuf entre vieux combattants se retrouvant autour d’un feu de camp. Trois minutes et quelques qui nous font oublier des heures d’idées noires, même en se contentant d’un lick classique et d’une ambiance bluesy de bar-band (« No Man’s Land »). Trois minutes et quelques de plaisir collectif, de retrouvailles sacrées, d’une poignée de main et d’une accolade dans le dos, avec en fond sonore, un déhanché de « Systems Down », glissant comme un médiator d’Angus maculé de sueur. Cet album était loin d’être une évidence il y a quelques années, mais aujourd’hui, il en est devenu une, une simplicité qui fait chaud au cœur, et une envie renouvelée, à tel point qu’on a du mal à croire que ces idées sortent d’un vieux carton nostalgique. Il y avait très longtemps que je n’avais pas dodeliné de la tête en écoutant AC/DC, et pourtant, je me suis repassé « Money Shot » des dizaines de fois à la suite, comme si je savourais un « What do you do for Money, Honey ». Quarante minutes, pas plus, mais les saccades habituelles (« Code Red »), du Rock comme s’il en pleuvait d’un ciel pourtant chargé en orage, un Brian en très grande forme, et une unité spéciale entre Phil et Cliff. Un Angus qui joue sobre mais efficace, et un résultat qui défie tous les pronostics établis.
Il fallait que le groupe joue la carte de la famille pour retrouver sa place studio qui lui faisait défaut depuis longtemps. Il fallait qu’AC/DC s’humanise dans l’immédiateté pour reprendre les rênes de sa carrière. Et il fallait que Power Up vienne nous toucher en plein cœur pour qu’il oublie de saigner pendant quelques minutes.
Titres de l’album:
01. Realize
02. Rejection
03. Shot In The Dark
04. Through The Mists Of Time
05. Kick You When You’re Down
06. Witch's Spell
07. Demon Fire
08. Wild Reputation
09. No Man’s Land
10. Systems Down
11. Money Shot
12. Code Red
Et bien, cette chronique me conforte dans mon idée, je pense que je ne vais pas regretter l'acquisition en prévente de cet album. J'ai hâte maintenant...
" Alors, oui, NECROPHOBIC comme AC/DC ne change pas grand-chose à sa méthode, n’affiche pas la même longévité et peut encore se permettre d’être provocateur et créatif, mais offre quand même plus qu’un album déjà mâché et prédigéré"
Tu changes d'avis mortne2001 ou ta phrase du 09 octobre dernier pouvait être mal comprise ?
je n accroche pas du tout du tout à ce nouvel album...ac de déchets.
@Humungus : J'ai chroniqué NECROPHOBIC bien avant d'avoir écouté le dernier AC/DC. Je parlais dans cette phrase des albums "relevage de compter pour partir en tournée" comme Black Ice ou Rock or Bust. Si Power Up avait été de ce calibre, je ne l'aurais jamais chroniqué ;)
Je voulais évidemment dire "relevage de compteur".
A force de t'encenser, faut bien que je te tacle de temps en temps hé hé hé...
Pardon pour les fautes, mais quitte à écouter ce genre de trucs, Anna von Hausswolff le faisait beaucoup mieux il y a 10 ans. C'est ce qu'on appelle l'avant-garde je suppose.
05/07/2025, 06:51
Le problème de de Kayo Dot c'est qu'il dépend de l'envie du moment de Toby Driver et de qui l'entoure, tu peux avoir un album de drone/post-rock suivit d'un album de death metal, il n'y a pas de groupe et aucune identité. C'est dommage parce(...)
05/07/2025, 06:47
Merci à Clawfinger pour ce grand moment de transgression validée par l’ordre moral dominant. C’est rassurant de voir que la “rébellion” moderne consiste à tirer sur une cible usée jusqu’à la corde, avec des punchlines dignes (...)
04/07/2025, 07:16
Il tourne pas mal chez moi ce disque, et c'était un vrai plaisir de revoir le groupe live récemment après les avoir un peu mis de côté. Un autre concert en tête d'affiche ne serait pas de refus !
03/07/2025, 16:57
Morceau décevant et sans surprise. La présence de Chris Kontos dans le groupe y fait pour beaucoup dans mon intérêt pour ce retour, mais pour le moment bof.
03/07/2025, 16:47
Je n'ai jamais aimé ce groupe, mais j'étais passé devant durant un Hellfest et en effet c'était juste insupportable toutes ces harangues (littéralement toutes les 10 secondes). Moi je m'en beurre la raie, mais pour les fans ça doit &ec(...)
03/07/2025, 12:55
Vu à Toulouse et je n'ai pas du tout accroché, pourtant vu 2 ou 3 fois depuis 2005. Et j'avais bien aimé. Rien ne surnage, ça bastonne mais pour moi aucuns titres ne sort du lot.Par contre j'ai adoré Slapshot
02/07/2025, 16:01
Votre article sur le kintsugi est un véritable hommage à l’art de reconnaître la beauté dans la fragilité et les cicatrices : mentionner son origine au XVe siècle et sa philosophie wabi‑sabi renforce(...)
02/07/2025, 15:38
@Abrioche91 : la canicule t'a trop tapé sur la tête, mon pauvre vieux. Parce que se faire à répondre aux trolls, je n'avais plus vu ça depuis VS.
02/07/2025, 12:25
@Ultra Pute, t'es bien limité comme garçon. Et tu dois sacrément bien te faire chier pour venir commenter connement ce que les autres écrivent.Moi aussi, j'aime bien les commentaires gratuits (la preuve) mais je suis surtout là pour commenter l&(...)
02/07/2025, 08:50
Pas trop mal dans l'idée.Vocalement on s'y tromperait aussi.A voir sur tout l'album, le précédent, mis à part l'opener, m'avait bien déçu
01/07/2025, 15:38
ça tartine ! bien cool cool cette grosse basse @niquetoncul oui ça doit te changer de Jinjer
01/07/2025, 14:19