Nous avons tous des regrets. Peut-être même des remords. Des actes manqués, des réactions épidermiques, de l’oubli un peu facile à la mémoire sélective, en passant par des rencontres malheureuses qui affectent notre destin comme un effet papillon psychologique. Chaque détail en entraîne un autre, puis un autre, jusqu’à former ce qu’on appelle une existence, exercice de style difficile qui finalement, peine parfois à nous définir. Rien d’important parfois, juste des détails, un manque d’affection, des non-dits, des secrets trop bien cachés, mais il est difficile de croire qu’un être humain puisse, sur son lit de mort dire : non, je ne regrette absolument rien.
Car on regrette toujours quelque chose. La solution étant de vivre avec, et de ne pas le nier inutilement. En musique, les regrets s’expriment parfois sous couvert de mélodies amères et de luminosité pastorale, du ressac qui frappe les rochers ou d’un Nick Drake fantomatique, d’un Léonard Cohen tragique ou d’un Dylan cynique. La clique 4AD, les SMITHS, les PIXIES, quelques poètes maudits, mais aussi, dans un autre style, les acteurs Hardcore les plus énervés. Il y avait des regrets chez les REFUSED, regret du conformisme et de l’absence de réactions, chez les UNSANE aussi, de voir les cadavres s’empiler dans la rue, et même chez MINOR THREAT, de savoir les générations conditionnées par des réflexes naturels.
Chez les ALIENATÖR, les regrets prennent la forme de courtes vignettes brutales. Originaires du Canada, Brad King (chant/guitare), Sean Skillen (basse/chœurs) et Simon Paquette (batterie) reprennent à leur compte les méthodes âpres et musclées des nineties. Sludge par définition, mais Hardcore par condition, ce trio lâche après un premier album remarqué (Pariahs, 2019) un second long encore plus compact, recentré, effectif et percutant, de ceux qu’on encaisse plus qu’on ne les écoute.
Trois seulement, mais de la puissance pour dix. Dès « Revisionist History », ALIENATÖR pointe du doigt le révisionnisme, et joue sa carte de la vérité, entre Hardcore chaotique et Sludge larvé, en arrière-plan, pour ne pas trop déranger. S’il est certain que l’impact des morceaux est indéniable, une certaine finesse anime cette saine colère, et ces fameux regrets. Profitant d’une production et d’un mixage fabuleux de Sean Skillen lui-même, et d’un mastering peaufiné par la légende Brad Boatright, Regrets énumère les siens, mais n’oublie pas de souligner les travers de ses contemporains, passé et présent inclus.
Ainsi, « The Priest », morceau le plus long illustré d’une vidéo, s’attelle à narrer les atrocité commise par le prêtre anglican Ralph Rowe, pourriture ayant abusé de dizaines d’enfants dans le secret des alcôves, et condamné à une peine ridicule. Pour parvenir à dépeindre cette situation de peur, de sang, et de claustrophobie, le trio n’a pas lésiné sur la puissance instrumentale, entre une basse gigantesque et impitoyable, une guitare qui fouette les chairs et une batterie en constant équilibre. Le regret d’une justice un peu plus lucide et sévère ? Le regret de n’avoir pas pu tuer ce salaud de ses propres mains ? Certainement un peu de tout ça, mais surtout, des regrets, encore une fois.
Le regret que vous n’éprouverez pas, et celui d’avoir écouté cet album en boucle pendant de longues heures. L’agence de promotion n’a pas lésiné sur les comparaisons flatteuses, et cite tout sauf au hasard les MELVINS, NEUROSIS et BOTCH, qu’elle aurait pu compléter par UNSANE, FETISH 69, METZ et autres bruitistes rageurs refusant tout compromis.
Il est difficile d’encaisser le choc de tant d’amertume et de noirceur sans réfléchir à ses propres actes, et plus précisément, à sa propre inaction. On se dit finalement que cette société va mal parce que trop peu de citoyens osent bouger et crier, et qu’il serait peut-être salutaire de descendre dans la rue et de hurler son mécontentement. C’est ce que Brad King fait, à poumons rabattus, abordant les complotistes, les abrutis en tout genre, sur fond de Sludgecore épuré et apeuré. Apeuré par la léthargie qui nous enferme dans un cocon trop confortable, et cette zone de confort qui exaspère les activistes est ici détruite à grands coup de basse ronflante et de lacérations vocales.
Certains morceaux sont de fait assez effrayants. « Flat Earth Society » par exemple, crié, piétiné et salé, « Your Funeral » qui claque comme une épitaphe sur le marbre encore chaud, et puis finalement, la plus grosse partie de ce tracklisting qui oblige à se recentrer, et à considérer l’avenir autrement que par le prisme d’écrans déformants.
Un avenir qui se corrigera dans la douleur, avant que la date fatidique d’un non-retour ne tâche l’éphéméride. Un avenir qu’il convient d’envisager le plus rapidement possible, avant justement, de ne plus avoir le temps d’avoir des regrets.
Titres de l’album :
01. Revisionist History
02. Loss Leader
03. Blood Red Blood
04. Regrets
05. The Priest
06. The Less Dead
07. Flat Earth Society
08. Irreconcilable
09. Your Funeral
10. Wounded Birds
11. Dark Matters
Je comprends juste pas cette envie adolescente permanente de revoir ses groupes de jeunesse. Je veux dire je suis de la génération qui est passé par Korn Slipknot et compagnie mais je suis passé à autre chose.
08/07/2025, 19:55
Lors du dernier concert de Motorhead auquel j'ai assisté, Lemmy était... pathétique (mais pas loin). Et pourtant il était planté sur ses quilles. Alors jouer assis avec Parkinson en bandoulière ? Business is business, la machine à biftons DEVA(...)
08/07/2025, 19:23
@HumungusJe fais une exception pour Motörhead (que je n'apprécie pas plus que ça) parce que Lemmy était sous un haut dosage de drogue/alcool pour tenir le coup et pas s'écrouler sur une chaise.
08/07/2025, 17:31
Je vois pas ce qui est légendaire à un trubo grand-père qui tiens péniblement sur une chaise. Je dois manquer quelque chose. Pour ma part c'est autant ridicule que les concerts avec des stars mortes en hologrammes. Faut vraiment être con.
08/07/2025, 17:18
@LeMoustre : espèce d'abruti... le but du concert, outre le fait que c'était un évènement caritatif, c'était qu'Ozzy puisse faire des adieux en bonne et due forme à la scène, chose qu'il n'avait pas pu réaliser (...)
08/07/2025, 06:08
J'ai pas encore tout regarder mais y a t'il un groupe qui a joué le morceau Black Sabbath ?LeMoustre, pour ce concert je pense que l'émotion et la communion entre groupes et public était plus importante que le reste. A voir les vidéos j(...)
07/07/2025, 22:26
La dernière du Madman ! Déjà vu en live debout et il chantait moins bien que la !
07/07/2025, 18:34
@LeMoustre :Effectivement... Point de vue totalement respectable que celui de ne pas vouloir payer un prix de dingue pour mirer un show proche du pathétique.Mais perso, face à des légendes comme celles-ci, je mets mon impartialité de côté et (...)
07/07/2025, 17:42
Ozzy sur sa chaise hé ben.Bon l'âge nous aura tous mais bon quand même c'est pas cool de voir ça.Moi ça m'aurait emmerdé.Autant un Anthrax, un Maiden ont toujours la peche après tant d'années (quitte &a(...)
07/07/2025, 13:18
j'ai eu l'occasion de les voir en première partie de Seum mi Juin. vraiment bien prenant !
07/07/2025, 12:48
Je m'attendais vraiment pas à ce qu'Ozzy tiennent 30 min sur chacun de ses shows...Bon, on peut pas dire que c'était "beau" à voir mais si j'avais eu la chance de gauler une place, j'aurai tout de même été bien con(...)
07/07/2025, 07:36
Putain je suis fan de Slayer mais c'était bien dégueulasse. Ça devient une parodie. Et oui merci pour tout Ozzy et tommy.
06/07/2025, 21:25
Oui c'est bien beau mais étaient ces gars durant l'ère Obama ou il a absolument tout trahis ? Trump on connait son histoire personnelle et ses financements. c'est sans surprise..
06/07/2025, 14:20
Pardon pour les fautes, mais quitte à écouter ce genre de trucs, Anna von Hausswolff le faisait beaucoup mieux il y a 10 ans. C'est ce qu'on appelle l'avant-garde je suppose.
05/07/2025, 06:51
Le problème de de Kayo Dot c'est qu'il dépend de l'envie du moment de Toby Driver et de qui l'entoure, tu peux avoir un album de drone/post-rock suivit d'un album de death metal, il n'y a pas de groupe et aucune identité. C'est dommage parce(...)
05/07/2025, 06:47