Revelation of the Pure

Bait

02/06/2020

Les Acteurs De L'ombre Productions

Cinq ans après les avoir connus par le biais de leur second EP, Sunburst, je retrouve avec un plaisir masochiste les allemands de BAIT, qui s’ils évoquent l’appât de leur nom, auraient plutôt tendance à NOUS considérer comme tel. Nous servons donc de ver accroché à l’hameçon de leur brutalité outrancière, mais en définitive, savons-nous ce qu’ils souhaitent attraper par cette méthode ? Le chaos ultime se cachant dans les bas-fonds d’eaux polluées par le nihilisme et la misanthropie ? La noirceur de l’âme humaine qui n’a de cesse de repousser ses limites d’endurance en écoutant une musique de plus en plus nuisible et dommageable pour la santé ? Les motivations sont encore absconses, mais le résultat concret est là, sous nos oreilles, sous la forme d’un premier long venant sanctionner quelques années d’existence encore fraîches. J’avais déjà dit tout le bien que je pensais du mal qu’ils nous faisaient, et j’avais tenté d’en cerner l’approche avec force comparaisons et superlatifs qu’il va bien me falloir réutiliser aujourd’hui, car depuis 2015, le groupe a encore progressé dans la cruauté, et finalement, cette appellation Post si facile à accoler ne leur convient plus vraiment. Certes, ils sont passés de l’autre côté, vont au-delà de tout, rappellent les exactions de la scène Core allemande, mais ont encore renforcé leur personnalité pour éviter les parallèles trop faciles. En 2015, je les comparais justement avec RISE AND FALL, et surtout, OATHBREAKER, et si l’image est toujours d’une certaine acuité aujourd’hui, je sens pourtant que le trio mérite mieux que cette énumération d’influences qui ne leur ressemblent plus vraiment. Ils ont tourné avec AMENRA, FULL OF HELL, INTEGRITY et OATHBREAKER, de quoi forger le caractère encore un peu plus, mais dans les faits, Revelation of the Pure va justement chercher la pureté dans la rouille de barbelés délimitant le terrain d’action de groupes que l’on aime voir parqués dans de petits espaces faciles à définir. Et sans vraiment changer de recette ou d’approche, les allemands élargissent leur champ d’action, sonnant tout autant Hardcore que Metal, et brouillent les pistes.

Les silences le disputent donc aux riffs les plus tendus, et si on en venait à parler de Post, il faudrait juste y voir un désir d’échapper à la facilité. Cette facilité à laquelle ils tournent le dos sur l’inquiétant « Ruin », qui mixe la rage d’un CONVERGE à la transe hypnotique d’un NEUROSIS, deux autres exemples que je citais à l’occasion de Sunburst. Enregistré et mixé par le fondateur de DER WEG EINER FREIHEIT,  Nikita Kamprad, aux studios Ghost City, masterisé par Jack Shirley et décoré d’un artwork signé par Giovanni Raabe, Revelation of the Pure est en quelque sorte le pendant écorché vif du Streetcleaner de GODFLESH, sans les répétitions outrancières et le côté mécanique de la boite à rythme. On y retrouve cette inclinaison à faire rebondir les motifs pour les assener comme des mantras pas vraiment rassurants, cette recherche du pourquoi de l’origine des maux de l’humanité, ce désir de tout réduire à une noirceur insondable, et surtout, cette envie de défricher pour ne pas se contenter d’une redite maladroite, et déjà exploitée par des aînés. Le trio (David Schneiker : guitare, chant et composition, Alexander Welzel : batterie et Nicolas Ziska : basse, chant et paroles) propose donc une virée dans les arcanes de la douleur, sensorielle et psychologique, et nous pulvérise de sa lucidité qui emprunte tout autant au Black qu’au Hardcore déconstruit et nauséeux, avec toujours en exergue cette opposition entre des plans dissonants et déviants et des attaques massives et franches. Alternant les mélodies tournoyantes sur low tempo martelé et les pics d’intensité sur lit de blasts, ce premier album fait évidemment la part belle à la violence et la douleur, mais ne nous enfonce pas dans le marigot de la dépression gratuitement. Il brosse un portrait du monde actuel assez fidèle à sa laideur, et se sert de tout ce que la musique agressive moderne a pu enseigner ces trente dernières années pour arriver à ses fins. Mais ne vous attendez pas pour autant à de longues litanies stériles ou contemplatives, le parti-pris a été mis sur la concision et la rapidité, puisque à part une occurrence, les titres ne dépassent pas les cinq minutes et concentrent les idées sur un temps très raisonnable.

On se prend à rêver à une mouture contemporaine des UNSANE parfois, avec ces rythmiques chaotiques, ces hurlements sourds et arrachés à une gorge en mauvais état, mais l’art des BAIT est justement de multiplier les clins d’œil tout en faisant confiance à sa personnalité propre. Le son, gigantesque et sans pitié écrase les tympans, mais permet de discerner les détails, pour peu que la basse ne soit pas d’une présence indispensable pour vous. On encaisse tout comme un choc massif, un coup porté par les MELVINS et NEUROSIS (« Revelation of the Pure »), qui vous enfonce le thorax et vous brise les côtes, vous laissant chancelant, presque blessé à mort, mais les yeux grands ouverts sur la réalité d’un monde exsangue et sans futur. No future ? C’est plus ou moins le crédo, et tout est aussi réaliste qu’une demi-heure d’infos relatant des catastrophes en série. BAIT ne prend pas en traître, et commence son effort par une déflagration gigantesque qui fait dévier le faisceau d’électrons pour le rediriger vers la réalité d’une pièce vide. « Nothing is Sacred » pose les jalons, rien n’est sacré, et surtout pas la vie, décrite ici comme un chemin de douleur qu’on arpente…parce qu’on n’a pas le choix. Entre des guitares tendues comme des arcs prêts à débander pour décocher la flèche fatale, des strates de son assourdissantes qui vous compressent le cœur, des structures mouvantes qui utilisent les variations de tempo pour mieux perdre les repères, rien n’est facile, et la douleur se mérite. Elle permet de comprendre qu’on est toujours en vie, et qu’il nous faut nous battre pour le rester, en affrontant nos propres démons, et ceux d’un monde moderne d’une façon plus générale. Pas vraiment BM dans la forme, pas vraiment Post non plus, le groupe allemand arrache tous les dossards qu’on lui accole pour se poser en parangon de violence sourde. Et même si parfois la densité en appelle au Mathcore, ou au BM le plus formel (« Leviathan III »), aucun courant ne s’impose vraiment, ils n’ont pas le temps. Le trio passe d’une humeur maussade à une humeur massacrante, reste lucide, lent, oppressant, étouffant, maladif même, mais toujours efficace et méchant.

En version (très) lourde, il est un paroxysme (« Eternal Sleep »), singe le Doom et le Sludge tout en restant Hardcore, impose des accélérations folles qui dénotent, mais l’ensemble tient debout, logique et implacable. Tout ceci n’est pas vraiment le rayon de soleil d’une journée qui s’annonce bien, mais personne n’a dit que tout allait bien justement. Tout va mal, les cachets peinent à soulager, les amours se fanent, et les années passent, charriant leur cortège de mort et de résignation. Quelle belle bande-son de l’horreur et de la souffrance que ce Revelation of the Pure qui ne fait que relater des faits incontestables, sans en rajouter.  

      

Titres de l’album :

01. Nothing is Sacred

02. Leviathan III

03. Into Misery

04. Lightbringer

05. Ruin

06. Odium

07. Revelation of the Pure

08. Forlorn Souls

09. Eternal Sleep

10. In Aversion


Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 12/06/2020 à 17:50
85 %    1221

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Voyage au centre de la scène : PARADISE LOST

Jus de cadavre 15/06/2025

Vidéos

Aluk Todolo + Spirit Possession

RBD 10/06/2025

Live Report

SWR Barroselas Metalfest 2025

Mold_Putrefaction 08/06/2025

Live Report

Anthems Of-Steel VII

Simony 30/05/2025

Live Report

Clinic LI-SA X et Paul GILBERT

mortne2001 29/05/2025

Live Report

The Sisters of Mercy + Divine Shade

RBD 21/05/2025

Live Report

Great Falls + Kollapse

RBD 04/05/2025

Live Report

Chaulnes MÉTAL-FEST 2025

Simony 27/04/2025

Live Report

Star Rider/Blaze Bayley

mortne2001 24/04/2025

Live Report

LOUDBLAST : 40 ans de carrière !

Jus de cadavre 20/04/2025

Vidéos
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Simony

L'album est vraiment bon ! On retrouve bien cette ambiance poisseuse décrite dans la chronique.

20/06/2025, 20:58

Salmigondis

Une soupe.   A la citrouille mais de la soupe quand même. 

20/06/2025, 17:38

Cédric et Delphine

On en voudrait plus des groupes de cette trempe!

19/06/2025, 12:20

Bill Baroud

C'est à se demander ce qu'il mange le matin. L'avantage de nous sortir plusieurs albums par an c'est qu'il y en a toujours un ou deux d'excellents ! D'ailleurs ça me fait penser que je n'ai pas encore écouté convenablement le der(...)

19/06/2025, 10:16

Oliv

Le 2 août a déterminé, sûrement au Sylak car il manquait 2 groupes avant de boucler l'affiche. Ils ont eu du mal cette année car les cachets ont doublé voir tr

18/06/2025, 21:01

Kf

Il s'agit de MINDWARP. J'avais choppé cet album (qui était leur 2ème) sorti en 2016 chez Great dane records. Un très bon album de death proche de l'esprit de CARCARIASS. Donc pas étonné de le voir ressortir sous ce nom

17/06/2025, 15:06

Humungus

J'aurai dû dire "L'un des trucs"...Car l'affiche est une fois de plus laaaaaargement à la hauteur.Employons donc les bonnes formules !

17/06/2025, 08:48

Humungus

L'un des rares trucs (jamais vu qui plus est) qui me fait littéralement piaffer à l'attente de l'Alcatraz bordel !!!

17/06/2025, 08:46

Humungus

"Believe in nothing", j'peux comprendre, mais "The plague within"...Ce dernier étant pour moi aussi important que "Faith divides us (...)", j'ai du mal a te cerner cher Simony.

17/06/2025, 08:44

Simony

MON groupe de chevet, la voix de Nick et le touché de Greg sont pour moi les clés de mes émotions musicales. Bizarrement, "The Plague Within" et "Believe In Nothing" sont les 2 albums que j'écoute le moins. J'ADORE ce groupe ! Tout simplem(...)

16/06/2025, 21:25

MorbidOM

Si ça intéresse quelqu'un ils ont mis l'album en intégralité sur bandcamp :https://agoniarecords.bandcamp.com/album/tetrad-mj'ai pas encore tout écouté(...)

16/06/2025, 19:22

Nico

Merci pour cette vidéo qui rend bien hommage à Paradise Lost, qui est un de mes groupes préférés depuis presque 32 ans. Découvert à l'époque grâce à l'émission Headbangersball, j'avais 15 ans et j'&eac(...)

16/06/2025, 12:30

Humungus

Clairement l'un de mes groupes de chevet.Un talent plus qu'indéniable et malgré ce creux de la vague entre 99 et 2007, des gonzes qui se tiennent encore à ce jour bien droit dans leurs bottes.A propos de cette période que je pouvais, comme beauc(...)

16/06/2025, 11:51

Oliv

Oui comme ils le disent sur le site officiel, bonjour les prix des concerts aujourd'hui avec l'inflation ,Désolé mais je ne peux plus suivre. Trop chère les concerts 

15/06/2025, 08:42

Seb

Je me demande comment fait Rogga Johansson, avec autant de groupes, il arrive toujours à sortir des trucs vraiment bons !! Quelle energie !!

13/06/2025, 00:29

Styx

Bonjour. L'album paraîtra ce vendredi 13 Juin 2025.

12/06/2025, 20:35

Moshimosher

je voulais dire vidéos plutôt que clips...

12/06/2025, 01:07

Moshimosher

En fait, ce qui me pose problème, ce n'est pas le fait d'aimer ou pas ce genre de vidéo (lyrics video), c'est les remarques dépréciatives (condescendantes) d'Akerfeldt à ce sujet. Bien sûr, c'est super d'avoir un bon clip, seu(...)

12/06/2025, 01:04

RBD

Author & Punisher est aussi annoncé à Montpellier le 23 octobre 2025 avec Wyatt E et Yarostan à la place de Bong-Râ.

11/06/2025, 12:53

michael scott

god no please no lol

11/06/2025, 11:37