Separate Mind From Flesh

Holy Death

24/10/2021

Seeing Red Records

Après des années de formats courts, et des promesses qu’il convenait de tenir, les américains de HOLY DEATH publient enfin leur premier album. Il leur aura fallu pour ça épuiser tous les formats possibles, avec pas moins de quatre EP’s, quelques singles mais aussi une compilation, parue cette même année et baptisée Sacred Blessings. Formé en 2019, le trio a donc méchamment occupé le terrain, avant de se voir offrir la possibilité de s’exprimer sur une durée moins compressée. Ce sont sans doute les échos de l’underground qui ont alerté le label américain Seeing Red Records, alléché par cette musique nauséeuse, apte à séduire leur following.

Et en effet, pour qui connaît ces originaires de Las Vegas, la cité du vice, il n’y avait aucun doute à se faire : un label allait obligatoirement les attirer dans ses filets pour que la pêche au gros soit la meilleure possible.

Beaucoup ont déjà balisé le terrain, accolant dans le dos des trois musiciens l’étiquette embarrassante de Death/Doom. Je n’irai pas forcément à l’encontre de cette dénomination, mais je tiens quand même à la préciser quelque peu : HOLY DEATH joue effectivement lourd, très lourd même, mais plus dans le sens NOLA du terme que dans sa définition de Birmingham. On trouve donc dans cette musique des échos maladifs de CROWBAR, d’EYEHATEGOD, mais pas que, et le souvenir de SEMPITERNAL DEATHREIGN et diSEMBOWELMENT plane parfois bas au-dessus des intonations graves et sourdes.

Lente, glauque, poisseuse, cette musique l’est. Et une simple écoute au terminal « A Meditation on Wrath » vous suffira à la comprendre. Les dissonances, les stridences, les fulgurances semblent émaner des égouts Hardcore et Noise les plus empestés par les cadavres de la mélodie. Plus proche du sud des Etats-Unis que de l’Angleterre du SAB, HOLY DEATH ne conçoit sa musique que sous son aspect le plus oppressant, les changements de rythme étant plus rares qu’un espoir se dessinant dans le lointain. En formation serrée, Aspen (basse), Stephen (batterie) et Torie John (guitare/chant), jouent la réminiscence des années 90, lorsque le Metal commençait à muter sous l’impulsion de quelques défricheurs plus laids et tordus que la moyenne. On sent des effluves UNSANE et FETISH 69 dans ces inflexions morbides, mais ici, rien n’est exagéré pour épater la galerie des psychopathes.

Non, les morceaux sont simples, mais n’en rajoutent pas dans la crasse, que cette guitare embrumée peine à nettoyer de ses cordes usées. Formidablement bien soutenu par une section rythmique à l’abattage lourd, Torie John s’en donne à cœur joie dans les motifs les plus traumatiques, ne tire de son manche que les accords les plus bruts, et nous dépeint une réalité qui fait froid dans le dos. Si parfois les sonorités vont chercher leur maigre pitance du côté de la Suède de Stockholm (« Shame », un riff HM-2 plus ENTOMBED que nature), le tout fait honneur aux loosers les plus magnifiques de l’Amérique, ceux dont le désespoir a abouti à une forme très personnelle d’expression.

On peut évoquer un NAILS ralenti et moins surfait, on peut finalement citer bien des exemples, mais la musique de HOLY DEATH a quelque chose de très cathartique dans l’ignominie, et de très intime dans l’aveu d’impuissance. Cette moiteur qui suinte des murs décatis, aux tapisseries moisies par le temps, cette résignation dans le tempo qui s’apparente à une marche d’esclaves de la société qui ont choisi le libre arbitre de la pauvreté crasse, ce chant distancié et perdu dans le mix, comme la voix de millions de parias déshérités par la société, ces échos morbides qui prennent aux tripes, tout évoque un Death joué par des fans de Hardcore sudiste, et le négatif parfait de la méchanceté infecte de Boston ou Portland.

Pas de quoi se réjouir, encore moins de voir la vie en rose, Separate Mind From Flesh vous arrache l’âme de vos chairs, même lorsque ses mélodies amères semblent  laisser filtrer la lumière par les persiennes arrachées. Parfois à mi-chemin de CATHEDRAL et DOWN, souvent sur une route plus personnelle, HOLY DEATH creuse une tombe aux proportions énormes, charnier ultime d’une vie passée à attendre l’impossible.

Et les arpèges sobres et maigrelets de « In Tongues » de ne surtout pas préparer au déluge de « Separate Mind From Flesh » final cauchemardesque et traumatique comme seuls les américains savent les inventer. Lourde basse qui ne gronde même plus de sa propre gravité, entrée en matière comme une enclume qui vous tombe dessus à un coin de rue louche, feedback vicieux qui monte en puissance, cette ultime poussée de fièvre laisse flapi, résigné à accepter l’inéluctabilité des choses : la vie est merdique, et le comprendre le plus tôt possible sauve de bien des désillusions cruelles.

Dans une époque gangrénée par le désespoir et les rêves mort-nés, Separate Mind From Flesh n’agit pas vraiment comme l’antidépresseur dont tout le monde a besoin. Au contraire, il présente une image du monde sans fard, blême, blafarde, à peine éclairée par une lampe de chevet aux watts défaillants. Un virus qui s’insinue dans l’organisme, et qui laisse le corps pourrir de l’intérieur pendant que l’âme vit ses derniers instants d’agonie. Ultime, sale, souillé, mais réaliste.  

Les déjà-morts vous saluent.    

 

                                                                                                                                                                                                      

Titres de l’album:

01. Gates ov Heaven

02. Nailbat

03. Sacrifice Like Lambs

04. A Meditation on Wrath

05. Burning Palms

06. Shame

07. In Tongues

08. Separate Mind From Flesh


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par mortne2001 le 20/10/2021 à 15:20
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