Un groupe de Thrash sans batteur ni bassiste. Voilà qui est pour le moins incongru, dans un domaine où la rythmique est sans doute aucun le poumon d’un groupe. Car si le riff reste la figure noble par excellence, s’il n’est pas soutenu par une frappe massive et quelques boucles graves, il a tendance à tomber à plat et à sonner comme un pet retenu trop longtemps. Alors, comment font ces américains pour fêter l’indépendance avec trois pétards de supermarché et une lampe torche fatiguée ? Simple, ils programment, et comptent sur leurs guitaristes pour assurer la basse. Ça n’est pas forcément le plus simple, mais étonnamment, ça marche. Du moins, en globalité.
GAMERRA, de Lafayette, Louisiane est donc un groupe sans kit ni grosses cordes. Il repose sur la complémentarité entre deux guitaristes (Jacob Broussard et Reece Benoit) et un chanteur (Jake Meche) qui a trois font le travail de cinq. Est-ce pour autant que cette absence de pivot rythmique se fait sentir ? Oui et non, puisque le sieur Broussard s’est occupé de la programmation, qui sonnerait presque naturelle si cela n’était pour cette grosse caisse qui dans l’énervement sonne très synthétique.
Pour autant, et malgré le manque de membres, les GAMERRA s’en sortent avec bien plus que les honneurs. Difficile de faire croire qu’on est cinq lorsqu’on est trois, et on aurait pu penser les musiciens préférer la sécurité d’un Thrash ordinaire et lapidaire, mais il n’en est rien. Non, le trio a en plus choisi la voie difficile du Thrash progressif et technique, ce qui est assez étonnant, mais vivifiant.
Trois ans après leur premier long qui leur avait permis de se faire un nom dans l’underground (Detached from Reality), et un an après avoir jeté en pâture trois EP’s consécutifs, GAMERRA ose donc le second chapitre, pour le moins ambitieux. Un tracklisting de format court pour une durée de format long, voilà qui a de quoi étonner, et le résultat est lui-même surprenant, une fois encore. Les trois hommes, épaulés par quelques amis pour une poignée de soli s’en sont donc sortis avec panache et culot, leur optique étrange se satisfaisant très bien de leur configuration très personnelle.
Avec des titres dépassant les six minutes, voire les dix, Tedium n’est pas le genre d’album que l’on digère en une seule écoute. Les ambitions sont claires, les parallèles multiples (WARBRINGER, WARFECT, DEATH ANGEL, DEATHROW, CRIMSON SLAUGHTER), et le rendu complexe, dense, pluriforme et pluridirectionnel.
Totalement à l’aise dans leur créneau, les trois hommes se lâchent complètement à l’occasion d’un énorme « Obsessively Aware », qui n’est pas sans rappeler l’inspiration du DARK ANGEL le plus mathématique, ou les effluves intellos du séminal Deception Ignored de DEATHROW, le piano en moins, mais la dextérité à parts égales. S’il est difficile d’affilier GAMERRA à la scène Thrash US sans nuancer le propos, on ne peut pas pour autant les refourguer au rayon des nouveautés Thrash/Death, malgré le timbre rauque et grave de notre ami Jake Meche.
Parlons alors de Thrash évolutif et progressif, à consonance Death lorsque l’intensité monte dans les tours. Mais quel intérêt de classer lorsqu’on peut acheter dégriffé, et les trois lascars ont bien retenu les leçons de DEMOLITION HAMMER, INCUBUS et VOÏVOD, pour proposer un cours complet sur la complexité dans le domaine du Thrash très énervé.
Le tout est fluide, coule de source, mérite une analyse tout en déclenchant un headbanging de rigueur, soit la quintessence de notre style de prédilection, lorsqu’il est joué par des musiciens intelligents. Loin des facilités Heavy/Thrash, Tedium ose les dissonances, les accélérations Death/Thrashcore, les soli étranges à la MESHUGGAH, les breaks qui s’amoncèlent comme des formulaires Cerfa sur le bureau d’une assistante sociale, et surtout, les évolutions étranges et autres bifurcations de dernière minute, pour nous perdre dans un monde de liberté individuelle et d’osmose collective.
Mais finalement, on aime ou pas ?
On aime évidemment, et pas à moitié. Dès « Tedium », les choses se présentent la tête en bas pour nous faire appréhender l’étrange réalité des faits qui tient parfois d’un onirisme plus ou moins lucide. Le nombre de riffs est incroyable, le nombre de changements de rythme aussi, les lignes vocales hargneuses, les syncopes méchamment dures et aiguisées, et le tout respire la bonne santé et l’agressivité.
Tentez le coup de « Cryogenesis », qui vient se placer dans la droite lignée des OBLIVEON, MEZZROW et CORONER, et revenez m’en dire des nouvelles. Et finissez-vous sur le monstrueux « Nefarious Entities », complexe et dense qui vous colle la tête à l’envers et l’estomac au niveau de la glotte. Efficace, précieux, ambitieux et réaliste, GAMERRA avance ses pions avec beaucoup d’intelligence, en refusant de se laisser enfermer dans une petite cage old-school.
Classique sans vraiment l’être, ce deuxième album explose de rage et de colère, comme une revanche à prendre sur le destin.
Titres de l’album:
01. Tedium
02. Cryogenesis
03. Vicariously Experienced
04. Suspended Animation
05. Obsessively Aware
06. Nefarious Entities
Sympa ! A creuser !
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Jus de cadavre 12/11/2023
Eh non, j'avais déjà plusieurs livres musicaux en attente quand il est sorti, j'ai cru pouvoir attendre, et il a été rapidement épuisé (tant mieux bien sûr).
06/12/2023, 22:43
"J'ai appris plein de choses sur les détails de leur séparation"Comment RBD ?!?!?Sous-entendu, un fin connaisseur / Métaleux comme toi n'aurait pas encore l'excèèèèèèllentissime "Enjoy the v(...)
06/12/2023, 13:11
Merci pour cette contribution particulièrement passionnante. J'aimais Crusher à l'époque, j'avais raflé les deux albums chez un disquaire d'occasion disparu depuis longtemps juste devant un autre Metalleux qui les aurait bien pris et m'a f&eacu(...)
06/12/2023, 01:08
"A step forward ?" m'avait sérieusement botté, ado. Une démo vraiment cool avec beaucoup de personnalité.Me suis procuré le premier Crusher lors de sa réédition récente (tu parles d'un retard !!) mais là j&a(...)
05/12/2023, 22:44
Ils étaient venus à Tours ( reformation) et j'avais interviewé Crass, voir un supposé métalleux qui parle de Komintern Sect , respect ( oui d'accord Frayeurs était plutôt crossover/hardcore mais bon...)!
05/12/2023, 12:39
Fugitive est un groupe très prometteur d'ailleurs, j'aime beaucoup les deux EP
04/12/2023, 16:47
Toujours intéressantes ces anecdotes ! Je n'ai qu'act II, j'en apprécie toujours l'écoute mais cela reste toujours pour moi un poil en deça de Loudblast et No Return, en restant chez semetary. En revanche en live, ça devait être un gran(...)
04/12/2023, 15:56
SLAYER est le plus grand groupe de tous les temps point barre.Et "Show no mercy" est pour moi leur galette la plus "méchante".Cela étant beaucoup dû à ce son bien crado (un peu comme le "Bestial devastation" et le "Morbid(...)
04/12/2023, 11:06
Très chouette chronique, MERCI !Slayer et moi, ça a commencé en 1986 avec Hell Awaits, récupéré d'occasion chez un mec contre je ne sais plus quoi en échange.La pochette m'avait attirée, l'album bien plus encore.(...)
04/12/2023, 07:32
SUPER CHRO ! Bravo !Mon premier contact avec le Thrash. En 1987, on me file une K7 avec cet album (une copie VRAIMENT pourrie) et je ne comprends pas immédiatement ce que j'écoute. Il m'a fallu du temps pour rentrer dans le truc, apprivoiser ce chaos... mais une foi(...)
03/12/2023, 22:11
Clairement, ce disque fut une étape. Je l'avais découvert quelques jours avant Hell Awaits. Du coup, il m'a fallu un peu de temps pour y revenir car Hell Awaits était, à mon sens, bien plus puissant.Mais bon, on est là sur du culte, de la dingue(...)
03/12/2023, 21:50
Magnifique chro pour un disque entré dans la légende.J'ai découvert Slayer, et par la même occasion le Metal extrême, avec cet album (pas à l'époque de sa sortie, je n'étais pas né !). Le grand frère d'(...)
03/12/2023, 17:04
Oui une bien belle soirée en effet !!!J'étais venu principalement pour Atrocia et Darkall Slaves, mais ai pris une bonne branlée devant Mental Vortex.Beaucoup moins client du style de C.Excision, mais il faut reconnaitre que les gars savent tenir une sc&egr(...)
03/12/2023, 15:16
Franchement un superbe groupe et des super mecs ! Bien content d'avoir enfin pu faire une vidéo sur eux !
03/12/2023, 14:43
Si la sphère Maiden élargie savait gérer les vfx et les artworks 3d ça ce saurait @Tourista !
02/12/2023, 11:22
Oh my gaufre ! j'aime beaucoup le bonhomme mais là c'est douloureux et ridicule (le son, l'image).J'espère que le reste redressera le niveau.
02/12/2023, 10:45
Faiblarde l affiche.A titre perso ormis sacramentum et Didier y a rien qui me vas. (Des vieux trucs d il y a 20 ans)Je passe cette année
01/12/2023, 21:18
Y'a pas l'Elysée ? déçu...J'espère une première partie Squeezy, et toujours des chansons avec des camions, des bidets et du caca.
01/12/2023, 10:33