Un an seulement après le pavé Y, qui de son heure de jeu avait assommé tous les amateurs de Black Metal Industriel, même les plus solides, BORGNE revient de son seul œil pour surveiller notre activité et imposer ses règles. Ces mêmes règles sont simples, puisqu’elles sont les mêmes depuis l’émergence du groupe : incarner l’avenir musical de l’humanité, en transposant notre existence dans un langage martial et hautement abrasif.
Bornyhake, seul concepteur, n’a donc pas changé depuis ses débuts, et encore moins depuis l’année dernière. On dirait même que ses options se sont resserrées, et qu’il a enfin obtenu ce qu’il cherchait. En tant qu’apocalypse sonore, Temps Morts n’en marque pas un seul, et nous jette dans le vide le plus sombre, pour précipiter la fin d’une humanité qui n’a plus droit de cité sur une terre exsangue. Et les Acteurs de l’Ombre se font encore une joie de distribuer son œuvre à une échelle mondiale, pour bien marquer le schisme entre les réalistes et les utopistes. Ici, le rêve est foulé d’un pied lourd depuis longtemps, et les illusions brûlées sur le bûcher des vanités.
En poussant tous les curseurs à leur potentiel maximal, BORGNE a joué avec le feu et la patience. Si Y proposait déjà un répertoire plein d’une heure de chaos, Temps Morts va jusqu’au bout d’une formule et de la capacité de stockage d’un CD : soixante-treize minutes de bruit blanc et noir, soit six minutes de moins que la limite autorisée. Mais si ce dixième album du cyclope joue sur les longueurs et ne craint pas l’overdose, sa musique agit comme un marteau piqueur trouant des fosses communes en plein milieu de rues bondées de cadavres en sursis.
Nous avions déjà parlé de la philosophie du musicien dans une chronique précédente, il n’y a pas à y revenir. Le suisse de Lausanne, avide de vilénie musicale et d’une union entre CNK et DEATHSPELL OMEGA, reste fidèle à son éthique, et multiplie les cassures, et les silences assourdissant au milieu de débauche de violence sourde étonnamment calmes en comparaison. De fait, Temps Morts pourrait incarner une dernière pause de cruauté avant l’apocalypse, et ses morceaux semblent témoigner d’une haine accrue, tant « To Cut the Flesh and Feel Nothing But Stillness » démarre sous les auspices les plus sournois. On comprend vite que l’auteur manie son propos comme il le souhaite, et qu’il nous envoie un message clair : dansez au bord du chaos tant qu’il en est encore temps, avant de laisser votre place. Doté d’un son monumental, de ceux qui crèvent les membranes des haut-parleurs, Temps Morts occupe immédiatement l’espace, et ne laisse aucun interstice inutile filtrer la lumière du jour. Plaisir nocturne, danse macabre, cet album réussit encore une fois le tour de force de fondre le Black le plus puriste à l’Indus le plus épais, et nous donne l’impulsion, comme un dernier soubresaut d’énergie avant la chute. Le chant de Bornyhake, toujours aussi raclé, s’accorde merveilleusement bien de ces rythmiques au biseau, parfois coulées comme du FRONTLINE ASSEMBLY, parfois heurté comme du NEUBAUTEN.
Deux titre seulement sous la barre des six minutes, le discours est long, l’impression durable, et pourtant, le temps passe très vite, comme suspendu à un espoir tenace qui n’a pourtant que peu de temps à vivre. On entend rapidement le signal de trompettes de Jéricho lorsque la fausse double grosse caisse tire à vue sur l’impitoyable « The Swords of the Headless Angels », monstre de douleur et d’oppression de près de dix minutes, martial comme une cour, écrasant comme une sentence prononcée sans avoir le choix. Mais BORGNE est toujours cette créature hybride qui danse autant qu’elle ne piétine, et le plaisir de pouvoir encore bouger notre corps avant d’être soufflé par la tempête finale est bien réel. Rien de novateur, pas de nouveaux sons, pas d’expérimentation, encore moins de virage amorcé sans le signaler, mais du traditionalisme, du classicisme, et du professionnalisme, et une façon d’incarner le mal absolu comme s’il était capable de se lever d’un siège pour enflammer le dancefloor. Le diable ici porte un costume trois pièces fait sur mesure, dégage un charisme extraordinaire, et se pose en homme d’affaire à la négociation impossible. Il déclame d’une voix assurée (« L’écho de mon Mal »), avant de présenter à son audience sa seule échappatoire (« Near the Bottomless Precipice I Stand »). Plonger dans les abysses, et ne jamais en revenir, telle pourrait être la traduction d’un dialogue entre les hommes et leur représentant le plus crédible, puisque Dieu nous a laissés abandonnés à nous-mêmes depuis longtemps.
Ce dixième album de BORGNE justifie son titre de quelques breaks disséminés avec beaucoup d’intelligence, mais aussi de passages plus calmes et apaisés. Les cordes et la mélodie de « I Drown My Eyes into the Broken Mirror » nous permettent un rapide coup d’œil vers un passé révolue, et de regarder la vérité en face. Dans ce déluge de lave en fusion, cet intermède est plus qu’un simple sursis, c’est une trêve signée en bas de page, mais qui ne dure que le temps d‘un souffle et d’une prise de conscience. Car « Vers des Horizons aux Teintes Ardentes » nous rappelle rapidement à la réalité d’un BM cru, grandiloquent, et digne d’un Armageddon inévitable. La façon de juxtaposer les mélodies et la bestialité d’une rythmique horriblement régulière est toujours le pont fort du concept, même si les couplets toujours dénué de toute modalité imposent aussi une ambiance mortifère et éprouvante.
Il est tout à fait raisonnable de penser que certains ne tiendront pas le choc, comme tout homme a le droit de ne pas vouloir entendre la vérité. Après tout, soixante-treize minutes de mauvais traitement sont un supplice assez difficile à encaisser, d’autant que BORGNE ne nous a pas rendu la tâche plus facile. Car si « Even If the Devil Sings into My Ears Again » allège un peu le ton de son approche légèrement Punk, « Everything Is Blurry Now » dévoile enfin les contours flous d’un avenir de misère, et brosse une grande toile aux contrastes absents. Si ce dernier morceau est à l’image de ce monde d’après que nous craignons tant, alors évidemment, autant mourir maintenant et laisser les ruines et les cendres à la génération suivante, qui paiera notre facture.
En plus de quatorze minutes, BORGNE se souvient de la scène finale du The Beyond de Lucio Fulci, avec ce grand espace vide jonché de cadavres, ces teintes bleutés, et cette cécité finale d’avoir regardé le soleil d’un peu trop près. La lancinance, la grandiloquence, les arrangements martiaux et le tempo écrasant font de cet épilogue le réveil d’un cauchemar idéal pour embrayer sur un autre, cette fois-ci diurne et lucide. Temps Morts n’est pas gai, mais il ne faut pas le prendre au sens littéral de son terme. Il n’est pas une pause, il est tout simplement la fin des temps, des temps agonisant, des temps désolés, des temps qui nous attendent au tournant. Et ne dites pas que vous n’avez pas vu le temps passer avant d’agir. Car il est déjà trop tard pour les fausses excuses.
Titres de l’album:
01. To Cut the Flesh and Feel Nothing But Stillness
02. The Swords of the Headless Angels
03. L’écho de mon Mal
04. Near the Bottomless Precipice I Stand
05. I Drown My Eyes into the Broken Mirror
06. Vers des Horizons aux Teintes Ardentes
07. Where the Crown Is Hidden
08. Even If the Devil Sings into My Ears Again
09. Everything Is Blurry Now
Pour moi je vois c'est l'équivalent que de voir 2pac en hologramme (qui était homosexuel), peut-être même pire parce que l'illusion tiens mieux le coup, je reste sur cette position.
08/07/2025, 22:44
Les bénéfices du concert était entièrement reversés à une œuvre caritative. Aucun des groupes présents n'a palpé pour leur concert (en même temps c'était 20 minutes de live par groupe...). Après ça (...)
08/07/2025, 22:42
@SalmigondisJe sais pas si tu veux quelque chose qui fait plus l'unanimité j'ai vu Morbid Angel au bout et c'était de la merde, une prestation robotique au possible, j'ai pris plus de plaisirs sur des trucs plus locaux à la con. Il faut savoir tourn(...)
08/07/2025, 22:28
Mais quelle bande de clodos...tout le monde se branle du batteur sans déconner. Se faire du fric de cette manière c'est franchement pathétique. Massacra est mort et enterré...qu'il le reste pour conserver son statut CULTE. Honte &agrav(...)
08/07/2025, 21:54
Avant d'aller me faire voir ailleurs, je partagerai avec vous cet hommage Fernandelien :"Aux adieux de Black Sabbath, il tremblait pas mal d'la patte.Fais l'Ozzy, assis."
08/07/2025, 21:31
Ben tu m'étonnes, DPD, d'être passé à autre chose. En même temps, quand on a eu ces groupes là comme entités fétiches, on ne peut qu'aller de l'avant. C'est comme partir de zéro (je plaisante
08/07/2025, 21:26
Je comprends juste pas cette envie adolescente permanente de revoir ses groupes de jeunesse. Je veux dire je suis de la génération qui est passé par Korn Slipknot et compagnie mais je suis passé à autre chose.
08/07/2025, 19:55
Lors du dernier concert de Motorhead auquel j'ai assisté, Lemmy était... pathétique (mais pas loin). Et pourtant il était planté sur ses quilles. Alors jouer assis avec Parkinson en bandoulière ? Business is business, la machine à biftons DEVA(...)
08/07/2025, 19:23
@HumungusJe fais une exception pour Motörhead (que je n'apprécie pas plus que ça) parce que Lemmy était sous un haut dosage de drogue/alcool pour tenir le coup et pas s'écrouler sur une chaise.
08/07/2025, 17:31
Je vois pas ce qui est légendaire à un trubo grand-père qui tiens péniblement sur une chaise. Je dois manquer quelque chose. Pour ma part c'est autant ridicule que les concerts avec des stars mortes en hologrammes. Faut vraiment être con.
08/07/2025, 17:18
@LeMoustre : espèce d'abruti... le but du concert, outre le fait que c'était un évènement caritatif, c'était qu'Ozzy puisse faire des adieux en bonne et due forme à la scène, chose qu'il n'avait pas pu réaliser (...)
08/07/2025, 06:08
J'ai pas encore tout regarder mais y a t'il un groupe qui a joué le morceau Black Sabbath ?LeMoustre, pour ce concert je pense que l'émotion et la communion entre groupes et public était plus importante que le reste. A voir les vidéos j(...)
07/07/2025, 22:26
La dernière du Madman ! Déjà vu en live debout et il chantait moins bien que la !
07/07/2025, 18:34
@LeMoustre :Effectivement... Point de vue totalement respectable que celui de ne pas vouloir payer un prix de dingue pour mirer un show proche du pathétique.Mais perso, face à des légendes comme celles-ci, je mets mon impartialité de côté et (...)
07/07/2025, 17:42
Ozzy sur sa chaise hé ben.Bon l'âge nous aura tous mais bon quand même c'est pas cool de voir ça.Moi ça m'aurait emmerdé.Autant un Anthrax, un Maiden ont toujours la peche après tant d'années (quitte &a(...)
07/07/2025, 13:18
j'ai eu l'occasion de les voir en première partie de Seum mi Juin. vraiment bien prenant !
07/07/2025, 12:48
Je m'attendais vraiment pas à ce qu'Ozzy tiennent 30 min sur chacun de ses shows...Bon, on peut pas dire que c'était "beau" à voir mais si j'avais eu la chance de gauler une place, j'aurai tout de même été bien con(...)
07/07/2025, 07:36
Putain je suis fan de Slayer mais c'était bien dégueulasse. Ça devient une parodie. Et oui merci pour tout Ozzy et tommy.
06/07/2025, 21:25