Direction la Finlande en ce matin brumeux, pour y retrouver des héros de l’underground local. Né en 2015 à Pori, BLOOD CHALICE est en quelque sorte une créature des abysses, inquiétante, hautement blasphématoire, qui revient de temps à autres répandre la mauvaise parole à la surface des terres consacrées par le diable.

Forts d’un premier album très remarqué, et savoureux (Sepulchral Chants of Self-Destruction), ces musiciens fardés, sanglants, cloutés et provocants s’en sont donc donné à cœur joie après une longue période de silence, qui a quand même duré cinq ans. Cinq années durant lesquelles les fans ont désespérément attendu leurs Avengers maléfiques, priant Belzébuth pour leur retour, et surtout, se mettant à genoux pour qu’ils n’aient pas renoncé à leur formule magique : plus vite, plus loin, plus fort, et plus sauvage. Dès lors, après une simple écoute de l’entame « The Black Mass », les doutes s’estompent immédiatement, et laissent place à une certitude : les vilains le semblent encore plus qu’avant, et n’ont pas édulcoré leur acide avec une quelconque eau de pluie.

T-P.I (basse), VP.L (batterie), H.V (guitare) et P.H (chant), vétérans de la scène n’ont pas racheté leur âme au diable pour conquérir le marché du Black/Death le plus sombre, sourd et cruel. Non, ils font toujours confiance au Malin pour guider leur pas, et autant jouer franc jeu avec ces francs-tireurs : The Blasphemous Psalms of Cannibalism est en effet un petit bréviaire à l’attention des cannibales, des cannibales lisant des psaumes défroqués dont ils sont les héros tartares.

D’ordinaire, le Black/Death porté à ébullition est un genre qui se mord très rapidement la queue, incapable de varier le ton et de l’adapter à une certaine tradition catchy. Problématique intelligemment contourné par les BLOOD CHALICE qui en trois titres seulement démontrent tout leur talent. Passant sans vergogne d’un Black à la suédoise à un Death moisi et putride, avant de prendre le train Grind en marche, les finlandais aèrent, ventilent, et laissent leur musique respirer, prônant au passage quelques valeurs Black/Grind de premier ordre, pour mieux nous surprendre d’un étonnamment accrocheur « Antichristian War Declaration », groovy et Heavy comme un coup de rein de Satan dans le derrière d’Hitler.

BLOOD CHALICE est à ce point sournois et dévoyé qu’on en abandonne vite les querelles de genre pour les classer de facto dans la catégorie des touche-à-tout de génie. Maîtrisant tous les sous-genres, et faisant preuve d’une créativité indéniable au moment d’agencer leurs morceaux, les quatre musiciens se permettent des figures de style tout à fait bluffantes, comme cette alternance diabolique sur le génial et explosif « Matanbuchus ».

IMPALED NAZARENE, ARCHGOAT, BELIAL, et même MYTHOS, tout y passe, et le mash-up géant est d’une qualité exemplaire. D’autant que la production de l’œuvre en question est irréprochable avec un écho palpable et une profondeur qui fait mal, Et entre un MARDUK très joueur, un IMPALED NAZARENE plus adulte, The Blasphemous Psalms of Cannibalism vous bouffe tout cru, bouilli dans une marmite et agrémenté de quelques herbes de saison.

Totalement exubérant et même exhibitionniste, ce deuxième album est un modèle du genre. Un modèle de puissance paillarde et de gouaille BM, sublimant les évidences (« Burned Faith »), pour mieux se concentrer durant quelques minutes supplémentaires et produire un barouf à rendre les diablotins encore plus lubriques (« Celestial Destroyer », mazette, quelle intro Noisy…).

Jamais totalement bordélique, souvent caverneux et sentencieux (« The Blasphemous Psalms of Cannibalism », grave, dans tous les sens du terme), The Blasphemous Psalms of Cannibalism est un plaisir coupable, une sorte de péché de la semaine qu’on ne confessera pas le dimanche, sauf auprès d’un prêtre dévoyé aux vices apparents. Sombrant parfois dans les affres du Death bien Gore, s’en remettant souvent à l’énergie inépuisable d’un batteur créatif, osant les riffs les plus épurés et les décélérations qui envoient la purée, les BLOOD CHALICE incarnent ces fêtes débridées que les païens les plus pratiquants célèbrent à la lumière de la lune, le zizi à la main et l’air lubrique l’œil en coin.

Difficile de résister à cette tornade qui balaie tout sur son passage, et qui redonne tout son sens à l’association Black/Death, souvent galvaudée. En découpant leur matière en tranches fines, les finlandais ont fait le choix de la brièveté et du coup frappé fort et vite, ce qui nous permet de déguster des tartines comme « Temet Nosce », ou un tartare de saumon sur le long et pesant « The Rise of Iconoclast ».

Qu’il est bon de se moquer du qu’en-dira-t-on, qu’il est satisfaisant de se détourner de la bienséance et de la morale en compagnie de pervers musicaux au brio impressionnant. BLOOD CHALICE, ou la fausse simplicité d’un groupe qui a eu le génie de trouver ses limites, et de les piétiner.

Titres de l’album :

01. The Black Mass               

02. The Last Supper of Insects                     

03. Antichristian War Declaration                

04. Matanbuchus                   

05. Burned Faith                   

06. Celestial Destroyer                     

07. The Blasphemous Psalms of Cannibalism                      

08. Blood Worship                

09. Hate Meditation              

10. Temet Nosce                   

11. From the Grave of Livyatan                   

12. The Rise of Iconoclast

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