The Fates

Witches

05/06/2020

Mighty Spell Records

Il y a ceux qui se tirent à la première échauffourée, ceux qui se planquent derrière les costauds pour ne prendre aucun risque, et ceux qui continuent de regarder leur verre en évitant les yeux injectés de sang des gros tarés du samedi soir qui ne cherchent qu’une chose : la bagarre. Et puis, il y a ceux à qui on ne la fait plus, et qui se tiennent fermement sur leurs deux jambes, les poings serrés, et qui n’attendent que la provocation de trop pour rentrer dans le lard. Sibylle Colin-Tocquaine elle, est de cette race de combattants de l’extrême qui n’ont pas peur du sang, mais qui savent utiliser le temps à bon escient. Une bonne blague bien ironique, provocante juste ce qu’il faut pour énerver l’adversaire, quelques pas de côté, et hop, une grosse mandale qui étale pour le compte. Il faut dire que la musicienne a largement eu le temps de roder sa technique depuis les années 80. Il est toujours bon de rappeler que Sibylle était là avant tout le monde, même si tout le monde le sait depuis longtemps. A l’époque, je me délectais de ses exactions violentes et purement féminines dans un monde de l’extrême dominé par les mecs. Allez, dans les années 80, qui avions nous comme hurleuse digne de ce nom ? Dawn Crosby ? Mais le passé intéresse peu celle qui a vendu son âme au diable depuis longtemps, ce qui l’intéresse aujourd’hui, c’est ce présent qui lui permet de se faire plaisir, et surtout, de nous faire plaisir, avec enfin ce troisième album qu’elle aurait dû sortir il y a des lustres. Pensez-donc, trente-quatre ans d’existence, et seulement trois longue-durée, de quoi faire marrer le gros Axl à qui on reproche la même chose, mais en moins pire. Mais Sibylle se fout de la quantité, ce qu’elle vise, c’est la qualité, ne pas parler pour ne rien dire, et surtout, parler de plus en plus fort alors que les années avancent. Et un webzine étranger bien connu s’étonnait d’ailleurs de l’intensité de ce The Fates, alors même que WITCHES accuse les trois décennies d’existence. Moi, plus rien ne m’étonne depuis longtemps, même si j’attendais la suite depuis The Hunt, chroniqué il y a cinq ans. Et cette suite ne m’a pas déçu, bien au contraire, un peu comme si la chanteuse de l’enfer avait voulu sortir son Reign in Blood pour fêter ça.

Treize ans depuis 7, et la gueuse croit s’en tirer avec vingt-neuf minutes de boucan. Tranquille mémère quand même, à l’époque où les groupes blindent leurs disques avec un double timing. Neuf morceaux, dont pas mal sous les trois minutes, pour un aveu implicite : la bestialité ne se dilue pas dans le temps, et se garde concentrée, c’est ainsi. Réduit à l’état de méga Power-trio, WITCHES n’a plus de féminin depuis longtemps que sa superbe chanteuse/guitariste. Aujourd’hui entouré par Jonathan "Sangli" Juré à la batterie et Lienj à la guitare et à la basse, Sibylle confirme des propos tenus il y a quelques temps, et arguant d’un nouveau répertoire éminemment brutal et sans concessions. Et en se mangeant « We Are » dans la tronche, on réalise que la beugleuse ne s’était pas foutu de nous. Cette entame de trois minutes qui tombe comme une pluie de blasts rapproche de plus en plus le groupe d’un Blackened Thrash à la AGRESSOR, le groupe modèle, l’aîné qui guide les pas, mais un tel hymne mélangeant DETENTE et ARCH ENEMY est la meilleure introduction qui soit, malgré une double grosse caisse méchamment comprimée. La voix de la chanteuse est de plus en plus rauque, de plus en plus possédée, une sorte de Regan encore plus corrompue par le diable et prête à vomir tout vert. On se dit à ce moment-là que cette mise en jambes a été murement réfléchie, mais il n’en est rien, puisque The Fates thrashe de bout en bout, sans se poser de question, mais en jouant carré et en rangs serrés. Difficile de croire à son écoute que cette frontwoman a connu les prémices du genre, et s’en sort encore en 2020 en accélérant le tempo et en faisant grimper l’intensité. On l’imagine plutôt capitalisant sur sa légende, assurant une ou deux traces pépères dans son coin, sans oser défier les cadors mondiaux. Mais ce serait vite oublier qu’elle fait partie de ces cadors depuis longtemps, et qu’elle n’a plus rien à prouver : juste à enfoncer le clou et à faire encore plus mal aux oreilles, en regardant la pointe s’enfoncer dans nos tympans. Et cette délicieuse douleur s’accentue au fur et à mesure que le tracklisting défile. « Inside », pamphlet Thrash/Death de première bourre avertit les auditeurs perdus que le chemin risque d’être de croix pour eux. En maniant le refrain simple et choc, Sibylle joue la simplicité et la franchise, saccade ses riffs, fait confiance à sa rythmique atomique, et hurle comme jamais. Ne comptez pas sur elle pour temporiser, elle n’a justement pas le temps. Une demi-heure ça passe vite, et le souvenir doit être impérissable. Alors tout va très vite, oscille entre Thrash, Death et Black, mais garde les humeurs des années 80.

« Damned Skin is Mine » ridiculise pas mal de groupes modernes au passage, et les renvoie dans les cordes des suiveurs. Véritable enfer pour les timorés qui n’osent plus jouer vintage dans leur époque sans avoir recours à des astuces faciles, The Fates est plus qu’un simple album, c’est un manifeste, un destin justement, d’exception, un peu erratique, mais fascinant de passion. Celle de Sibylle ne s’est jamais démentie, et les moments de fausse accalmie sont rares. Quelques breaks Heavy/Black par ci par là, des plans plus écrasants, des riffs un tantinet plus mélodiques, mais le tout est constant dans la rage, efficace dans la brutalité, et se place dans le peloton de tête des sorties de ce mois de juin. Alors que certains se pressent déjà chez Ikea ou prient pour la réouverture des bars, WITCHES se concentre sur l’essentiel, et ouvre les portes de son enfer personnel. On est ébloui par cette facilité à trousser des motifs mémorisables, par cet allant ne se démentant jamais, par ce massacre organisé qui racle la gorge de la chanteuse jusqu’au point de non-retour. « Black from Sorrow » fout quand même un peu les jetons de son intensité infernale, et rampe comme une créature ignoble sortie d’un purgatoire de Dante. Le son, globalement très bon malgré cette satanée grosse caisse, impressionne, et comprime les poumons. La progression époustoufle, avec des titres toujours plus intelligents et agencés, et le plus long, « Feared and Adored » réconcilie toutes les tendances Thrash/Death depuis ces trente dernières années. L’efficacité suédoise, le radicalisme allemand, la précision américaine, et la bestialité sud-américaine, avec en exergue quelques licks bien sentis. Et toujours ce chant haché, grave comme un larynx cramé par les années, et cette foi, puisqu’il faut bien poser le terme quelque part.

« Off the Flesh » vient piétiner les plates-bandes des maîtres du Death ricain en moins de trois minutes. La cadence d’abattage évoque une scierie canadienne, et la fin de l’album est une véritable boucherie qui révèle enfin un mid-tempo terrifiant (« Let Stones Fall », témoignage des jeunes années). Pour le final, la musicienne s’est fait plaisir, et a convié aux agapes de la brutalité quelques potes, Warzy & Moreno Grosso (HATE BEYOND), HK (HERR KRAUSS, qui s’est occupé du son) et Dum’s (PLEASURE TO KILL) pour terminer sur le feu d’artifices « Death in the Middle Ages ». Sibylle a connu le moyen-âge du Thrash en son temps. Mais elle n’a pas le temps de se retourner, elle qui continue d’adapter ses méthodes de torture à son époque. Ecouter The Fates, c’est mettre les deux doigts dans le cul d’un cochon et le brancher sur le triphasé. Putain, ça frise le peu de cheveux qui restent.           

       

Titres de l’album :

01. We Are

02. Inside

03. Damned Skin is Mine

04. Black from Sorrow

05. Feared and Adored

06. Off the Flesh

07. Let Stones Fall

08. Last Wishes

 09. Death in the Middle Ages


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par mortne2001 le 10/06/2020 à 14:52
90 %    991

Commentaires (8) | Ajouter un commentaire


NecroKosmos
membre enregistré
10/06/2020, 17:46:17
Ah, je confirme : commandé et reçu hier par la poste. Le vinyle ET le cd. Tant qu'à faire. Et je ne le regrette pas. Je suis fan du groupe depuis la démo 'Lost of precious'. J'adore les anciennes réalisations (notamment l'album '3.4.1'). Et j'ai découvert hier soir la nouvelle offrande de WITCHES qui est une déflagration tonitruante et méga-jouissive. Un album de gros thrash imparable, certes court, mais d'une intensité nucléaire. Et l'ensemble est malgré tout varié. Certains titres sont carrément des hymnes !! J'adore !

Jus de cadavre
membre enregistré
10/06/2020, 17:59:58
Cette tuerie !!! La vache ! Je me suis passé l'album comme ça sans trop y faire gaffe ("pour voir") et bah bordel la claque ! Réécouté direct dans la foulée !

Arioch91
@86.247.3.199
11/06/2020, 09:59:40
Hormis le dernier Mekong Delta (jamais déçu par ce groupe, même par son Kaleidoscope que j'apprécie moins), je n'ai absolument rien acheté de neuf en Metal cette année.

Mais les deux titres déjà découverts sur YT de ce nouveau Witches font que je vais passer à la caisse ^^

Buck Dancer
@191.85.185.211
11/06/2020, 14:11:11
Groupe que je connaissais pas du tout, mais effectivement, les deux titres en écoute sont plutôt bons.

JTDP
membre enregistré
11/06/2020, 16:08:14
Cet album est excellentissime !!! Ça défouraille de bout en bout sans jamais baisser la garde et en étant efficace et accrocheur tout du long ! Incroyable ! 'tain entre WITCHES et MORTUARY et autres MERCYLESS les vieux de la vieille en ont décidément encore sous le capot, même 30 ans après. Respect.

Jus de cadavre
membre enregistré
11/06/2020, 16:39:25
C'est clair ! Mercyless qui va certainement nous pondre une énorme boucherie en juillet ! La scène Thrash / Death à la française est toujours bien solide !

LeMoustre
@93.4.16.166
11/06/2020, 22:42:07
Sans oublier Carcariass. Voilà qui donne envie, m'en vais checker ça.

LeMoustre
@93.4.16.166
11/06/2020, 23:13:51
L'écoute des deux titres postés m'a un peu laissé sur ma faim, compte tenu de l'eau à la bouche entretenu par le papier. Déjà, j'ai l'impression d'entendre une BAR, puis bon, c'est pêchu, certes, mais bon, c'est pas de la grande compo non plus. J'ai un peu l'impression d'écouter des titres non mixés qu'aurait pondu un Destruction récent. Pour le moment, ça me refrène dans le clic qui aurait pu générer une commande. J'y reviendrai car y'a du refrain catchy et ça speede bien, mais pas le coup de cœur attendu.

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