Loin de moi l’idée de faire des généralités, mais les japonais sont quand même bien barrés. Sans aller parler de leur mode de vie, de leurs tendances à privilégier le virtuel au réel, de leur amour des teen idols qui semble un peu malsain sur les bords, d’un point de vue artistique, les groupes nous en venant du pays du soleil levant sont loin d’être les plus consensuels de l’extrême. Les connaisseurs connaîtront et reconnaîtront, et les amateurs de SIGH, GONIN-ISSHU, KOKUMAROMILK sauront exactement de quoi je parle. Mais la culture japonaise est aussi celle des traditions nationales, de ce sens de l’honneur qui caractérise les anciens samouraïs, de cette politesse et de ce respect des convenances, et cette dualité est plus qu’intéressante à analyser d’un point de vue musical. C’est un peu comme si les artistes nationaux désiraient s’extirper d’un carcan culturel un peu trop dogmatique et restrictif, pour offrir une image du Japon un peu moins engoncée que celle que proposent les livres d’histoire et les légendes locales. Et il semblerait que la vie quotidienne des japonais moyens, partagée entre dur labeur, ascétisme personnel et exubérance de loisirs se formalise parfois d’un point de vue musical, aboutissant à des œuvres dantesques, uniques en leur genre, élaborées par des artistes ne tolérant aucune limite sonore ou visuelle. Et le cas des originaires de Kawagoe de GOTSU TOTSU KOTSU est certainement l’un des plus fascinants de la scène, puisque depuis presque vingt ans, ce trio improbable s’échine à développer des arguments Death/Thrash très éloignés de la norme, et emprunts d’une liberté incroyable qui pourtant ne sacrifie pas l’efficacité. Pour ceux étant passé à côté du cas de non-école de GOTSU TOTSU KOTSU, sachez qu’il s’agit de la réunion de trois musiciens, dont un seul présent depuis les origines, Haruhisa Takahata (basse/chant), et officiant aussi conjointement dans HORRIFIC DISEASE. Depuis 2014, le leader incontesté est secondé par Kouki Akita à la batterie et par Keiichi Enjouji à la guitare, et autant dire que la combinaison fonctionne à plein régime, comme en témoignent les trois albums qu’ils ont enregistrés ensemble.
D’ailleurs, nous en étions restés à Where Warriors Once Dreamed a Dream, paru il y a trois ans, toujours sur le label national Bang the Head Records, et qui une fois de plus prônait des valeurs excessives, quelle que soit l’optique d’analyse. Mais dans les faits, comment s’articule la vision musicale de ce groupe unique aux contours toujours un peu flous ? Dans une expression de violence ininterrompue, qui se rapproche parfois d’une version symphonique d’un Death Metal complètement hystérique, sorte de Manga pour flanchés du bulbe qui adorent voir des monstres à tentacules s’en prendre à une héroïne qui n’a pas les jambes dans ses poches. Une attaque frontale incessante, qui pourtant formalise des idées terriblement viables, et qui n’hésite pas à brouiller les pistes de mélodies séduisantes. Et en 2018 comme en 2014, les japonais avec The Final Stand n’hésitent pas à en faire trop, truffant leurs longues compositions d’une multitude d’idées complémentaires et contradictoires, donnant corps à un Death tirant sur le Thrash qui a de sérieux airs de contrat honoré par un samouraï à la lame aiguisée, d’où certainement l’envie de proposer un style différent du tout-venant que Haruhisa Takahata n’a jamais hésité à baptiser « Samouraï Metal ». Imaginez donc une sorte de Baby Cart pour psychopathes complètement allumés, avec dans le rôle d’Ogami Itto le lone wolf un manieur de sabre sous acides, dézinguant tout ce qui passe à sa portée, et dissimulant dans sa poussette un bébé monstrueux armé d’une kalachnikov ne s’enrayant jamais. Avec ça, vous avez les armes métaphoriques pour appréhender le massacre de ce cinquième album, qui n’hésite jamais à trop en faire pour imposer sa vision des choses, à base d’accélérations incessantes et de changements de plans enivrants. Car c’est bien l’excès qui caractérise le mieux le travail accompli par GOTSU TOTSU KOTSU depuis des années, cette propension à en coller partout, et à mettre l’emphase sur tous les secteurs de jeu pour sonner unique en son genre.
Et ce cinquième LP de la saga n’échappe pas à cette règle, en truffant son heure de jeu de possibilités infinies, et de crises de folie parfaitement savoureuses. Si les premiers travaux du groupe n’avaient pas encore cette patine excentrique, se concentrant sur un Death Metal des plus classiques et roboratifs, depuis Legend of Shadow, l’entité japonaise fait feu de tout bois pour affirmer sa singularité, se permettant même parfois des délires à base de groove presque Boogie, qu’il enchaîne avec des parties purement Gore qui vous mettent le cerveau à l’envers. Et si les fans les plus hardcore reconnaissent volontiers que les albums de la troupe sont toujours un peu trop longs (pas moins de soixante minutes), ils s’accordent à reconnaître que ce son est parfaitement singulier. Et d’ailleurs, il est très difficile de savoir si les japonais pratiquent l’art du seppuku Thrash/Death ou l’esthétisme de l’éventration Death/Thrash, tant leur approche fond les deux tendances dans un même besoin d’ultraviolence, se rapprochant même des miraculeux INCUBUS/OPPROBRIUM lorsque le ton se durcit et que la cadence grossit (« Merciless Deities »). Certes, et j’en conviens sans me forcer, la plupart des titres, aussi pleins soient-ils ont tendance à trop jouer la montre et à régulièrement passer la barre des six ou sept minutes, mais lorsque tous les éléments se mettent en place et que les digressions laissent des traces, le résultat est à des lieues des possibilités lambda des musiciens du cru, qui ne peuvent que rêver d’une telle intensité. On retrouve donc avec délectation ce chant si grave et impitoyable, et surtout, cette basse slappée qui permet aux GOTSU TOTSU KOTSU de se distinguer de la masse, d’autant plus que les plans proposés sont percutants et jamais gratuits. L’exotisme n’a pas sa place au sein du trio, qui depuis cinq ans maintenant peut se reposer sur un guitariste aux soli complètement fous, qui abusent du vibrato et du bending, pour accentuer cette sensation étrange.
En résulte un travail unique, et un rendu parfaitement apocalyptique. Les plus évidents reconnaîtront évidemment les qualités intrinsèques du final orgiaque « Epigraphy Of An Era », qui en huit minutes résume toute la schizophrénie ambiante, mais les plus attentifs auront remarqué dès « Urbs Diaboli » que le groupe n’a rien perdu de son excentricité. Et Dieu sait à quel point il est ardu de combiner originalité, efficacité, exubérance et solidité, un art de la fusion que les japonais maîtrisent toujours avec autant de brio, passant sans vergogne d’un écrasement purement Death à une embardée Thrash sans faire le grand écart, et sans émousser leur lame. Et si parfois un tri s’impose dans la somme d’informations, « A Showdown Like No Other » mettra tout le monde d’accord, révélant au monde médusé le talent d’un percussionniste qui en colle partout, et qui semble même avoir un bras caché dans le dos. Et les spécialistes de continuer à faire évoluer les GOTSU TOTSU KOTSU en parallèle d’autres gloires nationales comme les MONONOFU ou les AYAKASI KAGURA expurgés de leurs prétentions Folk, tout en sachant pertinemment que les trois entités sont résolument différentes. Mais plutôt que de disséquer une œuvre qui mérite la surprise qu’elle va créer (même si l’intro à la Robert Trujillo défoncé de « Civilizations And Wars » vaut son pesant de yens), je vous laisse le soin de l’appréhender par vous-même, dans un état d’esprit idoine évidemment. Les japonais sont donc bien complétement fous. Mais leur folie musicale est si fertile qu’on peut aisément leur pardonner quelques tendances un peu borderline socialement parlant.
Titres de l'album :
1. 魔ノ都 - Urbs Diaboli
2. 無二ノ決戦 - A Showdown Like No Other
3. 撫デ斬リ - Sword Sweep
4. 屍ヲ晒セ - Die In Glory
5. 無慈悲ナ仏神 - Merciless Deities
6. 反撃ノ時 - Time To Strike Back
7. 背水之陣 - The Final Stand
8. 文物ト戦 - Civilizations And Wars
9. 降伏勧告 - Summons To Surrender
10. 時代ノ碑 - Epigraphy Of An Era
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