Si je me base sur mes connaissances latines, PIAH, dérivé de PIA, désigne une personne pieuse, mais aussi la forme féminine du nom papal Pius, de même racine. Mater, comme son nom l’indique fait référence à la mère, et le nom de ce groupe selon interprétation pourrait incarner la mère pieuse, ou la mère du pape…Ce qui est certain par contre, c’est que les PIAH MATER est un groupe constitué de musiciens qui ont foi en leur musique, et en une certaine forme de complexité instrumentale. Evoluant dans un créneau en jonction, empruntant des codes aux vocables du Death technique, du Post Metal, mais aussi à une certaine forme de Post BM progressif, ce trio unique nous offre donc une vision de la préciosité musicale, doublée d’une densité de propos fort appréciable. Loin d’une stérile démonstration, ces sud-américains se situent plus volontiers du côté des très habiles orfèvres que des simples faiseurs et autres amateurs d’esbroufe, et leur second album représente une sorte de pinacle créatif pour les amoureux de brutalité maîtrisée mais non étouffée dans l’œuf. Formé en 2010 à Rio de Janeiro, les PIAH MATER sont donc trois aux commandes de leur navire (Luiz Felipe Netto - chant/guitare, Igor Meira - guitare et Kalki Avatara - batterie), que secondent quelques lieutenants dont Luan Moura (basse) et Ronaldo Rodrigues (claviers), ainsi qu’Helga, venu prêter main forte dans les rangs des chœurs sur un morceau. Loin des débordements egocentriques du Death progressif actuel, rongé par des querelles d’intérêts individuels, les brésiliens jouent donc collectif, et nous offrent avec leur second LP un petit bijou de virtuosité, qui ajoute une grosse dose d’émotion à la puissance, et qui se permet même de toiser en plus d’une occasion les plus grandes réussites d’OPETH et autres AKERCOCKE ou LEPROUS. Des noms fameux pour baliser le terrain, et offrir aux originaires de Rio le contexte parfait pour dérouler le tapis rouge qu’ils méritent, mais surtout, un LP aux accents ambitieux, qui parvient à unir dans une même envie des velléités progressives et des accès de fièvre extrêmes.
Death progressif donc, créneau choisi par facilité puisqu’il est très difficile de cerner la bête avec précision, tant elle s’échine à échapper à toute restriction. Quatre ans après leur premier effort, le déjà fort estimable Memories of Inexistence, les PIAH MATER décident donc de pousser les choses à leur paroxysme, en signant des morceaux à rallonge, qui pourtant ne présentent aucune baisse de régime ou de créativité. Disposant d’un véritable arsenal de motifs et de thèmes, les lusophones osent donc la juxtaposition et le grand écart, évoquant parfois les rivages lointains de THE OCEAN, et par intermittence le désert aride d’un PARADISE LOST de la grande époque, confronté à la réalité abrupte d’un NOCTURNUS ou d’un BLACK CROWN INITIATE. Six morceaux seulement pour près d’une heure de musique, l’effort est notable, et le résultat impeccable. En alternant les climats sans souffrir de transitions trop brutes, les brésiliens jouent leur va-tout, et nous font passer par une multitude de sentiments opposés, suggérant la colère pour provoquer le dégoût, et caressant la nostalgie pour toucher la solitude de l’âme du bout des doigts. En tant que principal compositeur, Luiz Felipe Netto se pose en leader naturel, signant seul quatre des six segments, et rappelle les éclairs de génie de Chuck Schuldiner, lui empruntant parfois des théories que l’illustre floridien avait prônées en fin de carrière avec les œuvres les plus abouties de son groupe. Mais loin d’un succédané, The Wandering Daughter est un pur original, dont la pochette retranscrit à merveille l’ambivalence, sans en trahir le contenu. Ce contenu se partage entre séquences très intenses, animées par une rythmique en rouleau-compresseur, qui souligne avec force et fracas des soli de toute beauté, utilisant la mélodie pour mieux la moduler, sans tomber dans l’excès interventionniste pénible. En gros, des notes, beaucoup parfois, mais jamais inutiles, et pas de bavardage, malgré le quart d’heure approché par la dernière piste en forme de conclusion.
Il serait facile de voir en ce second tome une extension des travaux Post Metal déjà entrepris par l’école américaine, et pourtant, le travail reste dans un cadre purement agressif, n’abusant jamais des harmonies pour les étirer à l’infini. Dès lors, et puisque les pistes respectent une logique de cohérence globale, il devient très difficile d’en mettre une en avant, tout étant dit sur le magnifique « Solace In Oblivion », que « Sprung from Weakness » et « The Sky is Our Shelter » reproduisent avec une volonté synthétique, sans en trahir la richesse. Et richesse est le mot adapté aux PIAH MATER, qui accumulent les parties de basse serpentines, les arpèges alambiqués, pour mieux les faire souffrir de riffs cruels et graves vous prenant de plein fouet. On se demande même parfois si une certaine passion pour les 70’s n’est pas venue chatouiller l’inspiration des créateurs, tant « The Sky is Our Shelter » titille la corde sensible de l’école de Canterburry, avec ses arrangements aérés et sa délicatesse de cordes. C’est évidemment très beau, mais aussi pertinent, puisqu’on se laisse dériver au gré des images musicales dessinées par le groupe, qui nous entraînent d’un panorama de quiétude en orage d’inquiétude, passant du Rock progressif d’esthète à un Death technique de tueurs à gages, sans nous perdre en route ni exiger un pourboire à la sortie. Agrémenté d’une production un peu rêche mais parfaitement adaptée aux passages les plus atmosphériques, The Wandering Daughter suggère parfois des déambulations bucoliques d’une silhouette féminine perdue dans ses propres limbes, l’esprit vagabondant du côté des PORCUPINE TREE, avant d’être soudainement et brutalement ramené à la réalité d’un Metal mordant et presque traditionnel dans les faits.
Car outre leur désir de faire tomber les barrières de genre, les brésiliens savent aussi mettre en place des thèmes accrocheurs, comme le prouve le monumental « Earthbound Ruins », qui aurait tout à fait eu sa place sur une anthologie de VOÏVOD. Disharmonie, décadence, stridences et dissonances, pour des mélodies mises à mal par une guitare volubile, soutenue par un chant convaincant, en son clair comme en growls. Les morceaux ont beau laisser couler le sablier, nul ne sera tenté de regarder sa montre tant l’odyssée reste passionnante et logique dans son évolution, et « The Meek's Inheritance », le final en apothéose ne se contenant d’ailleurs pas de reprendre les idées précédentes à son compte pour les recycler, mais proposant une véritable projection vers un avenir qu’on pressent passionnant. Gorge qui hurle son mal être sur fond de notes harmonieuses qui s’écoulent, breaks à la limite du psychédélique, Death distordu et remodelé, Black assimilé mais pas totalement assumé, et une dernière limite à franchir pour rejoindre la caste très fermée des groupes essentiels, et injustement méconnus. Mais gageons que cette cuvée 2018 sera exceptionnelle pour les PIAH MATER, qui ont formidablement bien compris à l’instar d’un Steven Wilson qu’une musique progressive ne devait pas nécessairement se vouloir absconse ou élitiste, sans sombrer dans le populisme outrancier. De la complexité dans la simplicité, telle est la devise des brésiliens, et The Wandering Daughter sa plus belle maxime.
Titres de l'album :
1.Hyster
2.Solace in Oblivion
3.Sprung from Weakness
4.The Sky is Our Shelter
5.Earthbound Ruins
6.The Meek's Inheritance
Tant mieux pour ceux qui aiment moi ils me font chier avec cette fétichisation du metal old school.
18/03/2024, 17:37
J'aime bien le principe de réenregistrer des classiques pour voir ce que ca donne avec un son actuel. Le problème est double ici : réenregistrer des morceaux récents n'a que peu d'intérêt, et surtout en me basant sur le titre mis en é(...)
18/03/2024, 13:13
Oui, et non. Dans le sens que s'ils veulent vendre leur compile qui sent très fort le réchauffé, il vaut mieux qu'ils écoutent un minimum la base de fans qui seraient potentiellement intéressés par l'objet (et ils ne sont pas Maiden qui peu(...)
18/03/2024, 08:05
J ai adoré ce film qui m'a fait connaître ce groupe. Depuis je me repasse leurs tubes.
17/03/2024, 14:07
J’ai pris la version cd version digipack plutôt que le vinyle car il y avait 3 titres bonus .trop tôt pour donner un avis mais je ne m’ennuie pas, sans être transcendant mais on peut pas exigeant avec ce groupe et une telle carrière. Cela dit il fai(...)
16/03/2024, 11:55
Bon...Pour l'instant, je ne l'ai écouté qu'une seule fois...Mais dans l'ensemble, j'ai été quelque peu déçu.La faute à un côté Power bien trop présent tout au long de l'album.
13/03/2024, 07:24
groupe de petites gauchiasses qui crisent si on n'emploie pas le bon pronom. FOUR
13/03/2024, 06:17
Commande faite direct au label.Hâte d'écouter les nouvelles versions de The Song of Red Sonja ou The Thing in the Crypt.Meilleure nouvelle de la semaine,Merci pour la chronique en plus hyper favorable
11/03/2024, 15:32
Terrible.Déjà que le EP envoyait sévère dans la veine Wotan, early Blind Guardian ou Manowar, voici l'album !Achat obligatoire
11/03/2024, 14:55
toujours pas de Phobia à l'affiche.... j'y ai cru pour les 25 ans et tout ...
11/03/2024, 07:39
Plus de 400 bpm pur le deuxième extrait ? Pas hyper convaincu mais ça reste tout de même impressionnant par moments ! &nb(...)
08/03/2024, 06:03
Jay Weinberg remplace dans ce groupe le mec qui est parti dans un autre groupe remplacer le mec qui est parti pour le remplacer dans son ancien groupe.Clair.
07/03/2024, 18:37