Tu es là, tranquille, à jouer au scrabble, et après avoir plongé ta main dans le petit sac, tu la ressors pleine de « u », de « l » et de « t ». Courroucé par ce mépris du destin au regard de ton sens aigu de la compétition, tu pestes en arguant du fait qu’aucun mot à part « tupu » ne peux s’écrire avec un tel tirage. Et là, une idée folle te vient en tête. Et si le jeu se pratiquait dans une autre langue ? Plus portée justement sur les trois lettres qui t’ont échu ? L’islandais par exemple ? Oui, mais à titre d’exemple, lesquels ? Simple, jette un coup d’œil au tracklisting du premier album des locaux de PTHUMULHU.
Tu te sens soudainement en joie, d’autant que cette inspiration s’accompagne d’une bande-son à la hauteur de l’incompréhension de tes adversaires. Le regard interrogateur, la mine désapprobatrice, le doute plein la pupille, les convives ne sont pas vraiment d’accord avec ce changement de langue, et t’observent placer tes lettres sur la plaque de jeu.
« Multhulu » ? « Tuulmul » ? « Uul » (court, mais mot compte triple) ? C’est évidemment un peu cavalier et proche de la tricherie pure et simple, mais ça fonctionne. D’autant que la tablée finit par être salement troublée par le boucan qui s’échappe des enceintes. Un Doom très lourd et insistant, joué comme un Black Metal lancinant, le tout aussi opaque qu’une déclaration d’impôts de député.
PTHUMULHU n’est pas exactement le groupe le plus rigolo de la création. Mais sa musique, sombre, poisseuse, grave, processionnelle est une épiphanie dont 2024 s’est sevrée dans l’underground, l’album ayant mis du temps à arriver sur mes tablettes. On ne peut guère parler de nouveauté après un an, mais Tungumál Svarthola méritait largement une séance de rattrapage, au cas où votre spleen commençait à décliner pour laisser place à un embryon de joie de vivre tout à fait déplacé.
Fondé en 2022 à Reykjavík, PTHUMULHU est de cette catégorie de monstres de l’ombre qui n’en sortent que pour la propager. Sur une base de redondance extrême, ce que je pense être un trio au regard des photos promo brode des thèmes mélancoliques, très abrupts, parfois mélodiques, mais appuie fermement sur les plaies du désespoir pour nous plonger dans un marasme de circonstance. Mais loin des longues homélies horrifiques ou des hommages post-mortem, Tungumál Svarthola s’avère cérémonie grandiloquente pour mise en terre des dernières illusions avant le terminus.
Inspiration rythmique notable, sons qui s’entremêlent avec efficience, atmosphère déliquescente de misère affective, rien de bien encourageant, mais un pilonnage en règle qui cite tout autant l’abomination ABRUPTUM que la clique désespérée des hordes DSBM en recherche permanente de nouveaux traumas. Compacte et abrasive, cette musique en convergence des genres s’accommode fort bien de notre époque troublée, et cite les pires exactions du système Back/Death/Doom, comme en témoigne le très respectable mais atroce « Thuluthum ». Sorte de « Triumph of Death » pour la gen Z, cette longue plainte de plus de dix minutes abandonne toute narration cohérente pour se concentrer sur un ressenti bien moisi, et incarne le pinacle d’une méthode de destruction massive par infrabasses et répétition nauséeuses.
Loin de l’expérimental lambda qui s’essouffle au bout d’un quart d’heure, Tungumál Svarthola maintient la pression, et se délecte de ce visage aux teintes bleutées qui passe de l’agonie à trépas en quelques secondes. Comme un manuel à l’usage des misanthropes les plus blasés, ce disque prône la procrastination ultime, celle qui vous empêche de vous laver, de communiquer autrement que par grognements, et qui transforme chaque petit matin en échéance de souffrance que rien ne vient atténuer.
On connaît plus ou moins le principe, mais il n’en reste pas moins tétanisant. Spécialement lorsqu’il est porté à ébullition par des musiciens qui ne craignent pas d’en faire trop. Aussi laid qu’un dimanche à la Défense, aussi morne qu’une après-midi oisive dans une zone pavillonnaire déprimante, Tungumál Svarthola tient fermement la corde, et vous prépare même le nœud coulant.
Des fumées d’usine, des caniveaux chargés d’immondices, des égouts qui débordent, un cimetière plein comme un œuf, un cancer annoncé en cadeau de nouvelle année, une déprime féroce que l’absence d’ami vient accentuer, et un malaise palpable, entre feedback sous contrôle et riffs démoulés à la louche (« Mluthu »).
Que tout ceci est rebutant, et à la fois hypnotique et fascinant. Les contrastes et paradoxes étant la base de toute réflexion, PTHUMULHU pose le débat, et vous laisser argumenter comme bon vous semble. Mais la matière manque, et l’ennui réclame sa dime.
Placez vos lettres, et attendez de voir le sens de ce que vous avez écrit. Vous pensez que la situation en Islande est préférable à la vôtre ? Je n’en suis vraiment pas certain. En tout cas, pas à Reykjavík. Et pas avec ces trois joyeux de fond de cale.
Titres de l’album:
01. Multhulu
02. Tuulmul
03. Uul
04. Uluuthuth
05. Thuluthum
06. Mluthu
07. Pthumulhu
Pour moi, par ordre décroissant préférentiel, ce sera :Massacra - Enjoy the ViolenceMercyless - Abject OfferingsLoudblast - Disincarnate
23/04/2025, 12:56
Allez, mon top 3 français des années 90: Massacra - Signs of the Decline Mercyless - Abject OfferingsLoudblast - Sublime Dementia
23/04/2025, 08:42
Je rajoute une couche avec l'album d'Anialator sorti en fin d'année dernière. Je l'ai beaucoup écouté et l'écoute encore avec plaisir.
22/04/2025, 19:35
Plus fan de Massacra que de Loudblast perso, même si je possède les deux premiers albums du groupe.
22/04/2025, 19:34
De mon côté j'ai toujours eu du respect pour le groupe même si ce n'est pas ma génération, je n'étais pas né quand ils se lançaient... Donc ils ne m'ont pas marqué comme ils ont pu le faire avec leurs fans de la prem(...)
22/04/2025, 17:35
Pour moi Loudblast, ce sont des suiveurs avec un bon train de retard sur ce qui se fait à chaque époque et Clearcut fait partie de cela... Bref, je ne suis pas très client de leurs albums, on m'avait chanté les louanges de Burial Ground, je me suis ennuyé..(...)
22/04/2025, 16:04
@RBD : ton dernier paragraphe est plein de vérité. Quant au pseudo DPD je préfère le laisser croire ce qu'il veut. Vu comment il écrit, il a pas dû encore sortir de l'école. J'encourage néanmoins les thr(...)
22/04/2025, 13:35
@Tourista : tu t'es trompé, la news sur les 40 ans de Loublast, c'est plus haut
21/04/2025, 20:53
Le Metal est parfois sur le fil du rasoir de la beauferie... Voire tombe carrément dedans.
21/04/2025, 11:45
Vidéo vue, merci.De mon côté, je préfère le son de Sublime à celui de Disincarnate et c'est aussi le style de death que j'affectionne. Bien lourd, posé et mid tempo tout en étant agressif. Par exemple, c'est pour cela qu(...)
20/04/2025, 18:02
Comme je le dis dans la vidéo, leur sommet c'est Desincarnate. Puis The Burial Ground. Je suis moins fan de Sublime.
20/04/2025, 14:08
Pour moi Loudblast c'est surtout Sublime Dementia et Cross the Threshold. (Quand à la vidéo je ne manquerai pas de la regarder ce soir).
20/04/2025, 12:45
Si je comprends, cette charge allait contre cette part non négligeable du public Metal qui reste bloquée aux groupes de leur jeunesse mais ont cessé de se tenir au courant dès qu'ils ont reçu des responsabilités (premier travail, première rela(...)
19/04/2025, 14:36
J'écrit comme un enfant de 5 ans ici et je dois encore ajouter des précisions, imagine le truc, peut-être que l'Ehpad c'est metalnews au final. Combien de personnes postent depuis leur lit de mort ici ?Le metal généraliste c'est d&eacut(...)
19/04/2025, 09:13
J'ai pas tenu 30 s...J'imagine qu'ils seront sur la mainstage au HELLFEST en juin prochain non ?
19/04/2025, 08:38