Tungumál Svarthola

Pthumulhu

23/02/2024

Kvlt Und Kaos Productions

Tu es là, tranquille, à jouer au scrabble, et après avoir plongé ta main dans le petit sac, tu la ressors pleine de « u », de « l » et de « t ». Courroucé par ce mépris du destin au regard de ton sens aigu de la compétition, tu pestes en arguant du fait qu’aucun mot à part « tupu » ne peux s’écrire avec un tel tirage. Et là, une idée folle te vient en tête. Et si le jeu se pratiquait dans une autre langue ? Plus portée justement sur les trois lettres qui t’ont échu ? L’islandais par exemple ? Oui, mais à titre d’exemple, lesquels ? Simple, jette un coup d’œil au tracklisting du premier album des locaux de PTHUMULHU.  

Tu te sens soudainement en joie, d’autant que cette inspiration s’accompagne d’une bande-son à la hauteur de l’incompréhension de tes adversaires. Le regard interrogateur, la mine désapprobatrice, le doute plein la pupille, les convives ne sont pas vraiment d’accord avec ce changement de langue, et t’observent placer tes lettres sur la plaque de jeu.

« Multhulu » ? « Tuulmul » ? « Uul » (court, mais mot compte triple) ? C’est évidemment un peu cavalier et proche de la tricherie pure et simple, mais ça fonctionne. D’autant que la tablée finit par être salement troublée par le boucan qui s’échappe des enceintes. Un Doom très lourd et insistant, joué comme un Black Metal lancinant, le tout aussi opaque qu’une déclaration d’impôts de député.

PTHUMULHU n’est pas exactement le groupe le plus rigolo de la création. Mais sa musique, sombre, poisseuse, grave, processionnelle est une épiphanie dont 2024 s’est sevrée dans l’underground, l’album ayant mis du temps à arriver sur mes tablettes. On ne peut guère parler de nouveauté après un an, mais Tungumál Svarthola méritait largement une séance de rattrapage, au cas où votre spleen commençait à décliner pour laisser place à un embryon de joie de vivre tout à fait déplacé.

Fondé en 2022 à Reykjavík, PTHUMULHU est de cette catégorie de monstres de l’ombre qui n’en sortent que pour la propager. Sur une base de redondance extrême, ce que je pense être un trio au regard des photos promo brode des thèmes mélancoliques, très abrupts, parfois mélodiques, mais appuie fermement sur les plaies du désespoir pour nous plonger dans un marasme de circonstance. Mais loin des longues homélies horrifiques ou des hommages post-mortem, Tungumál Svarthola s’avère cérémonie grandiloquente pour mise en terre des dernières illusions avant le terminus.

Inspiration rythmique notable, sons qui s’entremêlent avec efficience, atmosphère déliquescente de misère affective, rien de bien encourageant, mais un pilonnage en règle qui cite tout autant l’abomination ABRUPTUM que la clique désespérée des hordes DSBM en recherche permanente de nouveaux traumas. Compacte et abrasive, cette musique en convergence des genres s’accommode fort bien de notre époque troublée, et cite les pires exactions du système Back/Death/Doom, comme en témoigne le très respectable mais atroce « Thuluthum ». Sorte de « Triumph of Death » pour la gen Z, cette longue plainte de plus de dix minutes abandonne toute narration cohérente pour se concentrer sur un ressenti bien moisi, et incarne le pinacle d’une méthode de destruction massive par infrabasses et répétition nauséeuses.

Loin de l’expérimental lambda qui s’essouffle au bout d’un quart d’heure, Tungumál Svarthola maintient la pression, et se délecte de ce visage aux teintes bleutées qui passe de l’agonie à trépas en quelques secondes. Comme un manuel à l’usage des misanthropes les plus blasés, ce disque prône la procrastination ultime, celle qui vous empêche de vous laver, de communiquer autrement que par grognements, et qui transforme chaque petit matin en échéance de souffrance que rien ne vient atténuer.

On connaît plus ou moins le principe, mais il n’en reste pas moins tétanisant. Spécialement lorsqu’il est porté à ébullition par des musiciens qui ne craignent pas d’en faire trop. Aussi laid qu’un dimanche à la Défense, aussi morne qu’une après-midi oisive dans une zone pavillonnaire déprimante, Tungumál Svarthola tient fermement la corde, et vous prépare même le nœud coulant.    

Des fumées d’usine, des caniveaux chargés d’immondices, des égouts qui débordent, un cimetière plein comme un œuf, un cancer annoncé en cadeau de nouvelle année, une déprime féroce que l’absence d’ami vient accentuer, et un malaise palpable, entre feedback sous contrôle et riffs démoulés à la louche (« Mluthu »).

Que tout ceci est rebutant, et à la fois hypnotique et fascinant. Les contrastes et paradoxes étant la base de toute réflexion, PTHUMULHU pose le débat, et vous laisser argumenter comme bon vous semble. Mais la matière manque, et l’ennui réclame sa dime.

Placez vos lettres, et attendez de voir le sens de ce que vous avez écrit. Vous pensez que la situation en Islande est préférable à la vôtre ? Je n’en suis vraiment pas certain. En tout cas, pas à Reykjavík. Et pas avec ces trois joyeux de fond de cale.     

                                                                                                        

Titres de l’album:

01. Multhulu

02. Tuulmul

03. Uul

04. Uluuthuth

05. Thuluthum

06. Mluthu

07. Pthumulhu


Bandcamp officiel

par mortne2001 le 09/03/2025 à 17:45
78 %    118

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