Lorsqu’on remarque dans sa boite mail un message de Sentient Ruin, on sait déjà sans connaître le produit en question que les oreilles vont être mises à rude épreuve. La boite américaine n’étant pas connue pour son empathie envers les tympans, on s’attend généralement à une énième exaction bruitiste faisant passer le supplice de la goutte d’eau chinois pour une cure thermale à la Bourboule. Mais parfois, et ce malgré un respect scrupuleux du cahier des charges, le produit en question répond à des critères de qualité assez poussés, et nous propose autre chose qu’une accumulation de sons destinés à éprouver le système nerveux encore plus efficacement qu’une intervention de Zemmour à la télé. C’est ainsi que le label m’a contacté récemment pour m’entretenir du projet suisse DSKNT, que je n’avais pas eu l’occasion de découvrir lorsqu’il avait publié son premier manifeste PhSPHR Entropy. Fondé en 2013 à Sion, DSKNT est le bébé de Sinnihr, aka Asknt, musicien prolifique s’agitant au sein d’ensembles comme SHROOMS CIRCLE, AB OCCULTO, AION, EXORDIUM, SHADDAÏ ou NECROSEMEN, et pour l’occasion accompagné de Quasar aka Deus Mortus, lui aussi très actif dans l’underground européen (ANTIVERSUM, BLAKK OLD BLOOD, DOMINION OF SUFFERING).
D’un côté donc, Asknt qui se charge de toute la partie instrumentale et de la composition, de l’autre, Quasar, qui prend en charge les vocaux, pour une descente dans les abysses de l’inhumanité assez effrayante dans les faits. Quatre ans après son premier méfait, le projet revient donc hanter nos cauchemars avec sa musique éminemment bruyante, agitée, et destinée à illustrer un propos assez abscons.
Vacuum γ-Noise Transition, et son allusion assez précise au bruit nous propose donc un voyage étrange fait de philosophies très personnelles. Conçu comme une hallucination multidimensionnelle, nous plongeant dans les affres des vérités les plus abominables de la réalité (vous prenez ça comme vous voulez), Vacuum γ-Noise Transition permet donc de visualiser au-delà de nos cinq sens habituels ces formes de vie abstraites qui peuplent les recoins les moins recommandables de la réalité, transformant les visions les plus néfastes en entités vivantes qui se déplacent et évoluent dans un monde caché. On sent du Lovecraft là-dedans, du Barker aussi, et cet occultisme qui n’est en fait qu’un autre stade de perception est évidemment mis en ténèbres par une musique sans concession qui évoque le trip sous LSD le plus terrifiant qu’un hippie ait pu expérimenter dans sa folle jeunesse. A l’image d’un Hellraiser pour les oreilles avec des cénobites encore plus dangereux et sadiques que les originaux, ce second album des suisses est relativement éprouvant, mais aussi terriblement fertile. Cette musique, aussi chaotique soit-elle, est cohérente, construite et évolutive, ce qui permet de s’immerger dans ce gigantesque délire en oubliant toute notion de garde-fou, mais non sans boussole mentale.
Difficile de comparer le travail de DSKNT à d’autres contemporains, si ce n’est en évoquant une forme très poussée de l’EMPEROR le plus symphonique, ou le DODECAHEDRON le plus libre. Le Black Metal n’est ici qu’un vecteur d’expression parmi tant d’autres, puisque le vocable de DSKNT ne se limite pas aux blasts et aux riffs en circonvolution, utilisant chaque interstice pour le boucher avec des idées grandiloquentes et tétanisantes. Très astucieux, Sinnihr commence son initiation par un morceau court et légèrement Ambient, sorte de préparation d’acide versé dans un verre et prêt à être ingéré. Mais dès « Deconvolution J/ψ [Part I] », les effets se font ressentir, et la réalité se travestit en paysage étrange aux proportions improbables, pour mieux nous faire appréhender la réalité d’autres faits. Ainsi, le but est donc atteint par le moyen le plus honnête qui soit, suggérer des émotions autres par l’art, qui devient donc plus qu’une simple musique, et une altération des sens.
Beaucoup de données figurent au programme de Vacuum γ-Noise Transition, inutile de le cacher. Plus l’album et la quête avancent, plus les visions se multiplient et deviennent de plus en plus difficiles à traduire dans un langage normal. « Deconvolution Ξ*0 [Part II] », l’acmé de ce voyage utilise donc des impressions déjà ressenties, mais en augmente l’impact en renforçant l’édifice de plans plus traditionnels, pour se rapprocher d’une forme de BM scandinave historique transposé en 2021. Je ne m’amuserai pas ici à vous recommander des guides éventuels pour vous aider dans votre expérience, la musique de DSKNT ne souffrant pas vraiment de parallèle. Mais entre le magma sonore d’arrière-plan tissé par Sinnihr, dont les éléments se fondent les uns dans les autres, et le chant distancié et froid de Quasar, l’immersion est totale, et le monde qui vous entoure disparaît pour faire place à une autre réalité, celle que les yeux ne voient pas, que les oreilles n’entendent pas, mais qui nous guette dans l’ombre pour nous happer de sa violence.
Loin du psychédélisme des seventies qui aimait lui aussi à vous faire entrevoir d’autres possibilités, le Black très Ambient mais aussi très cru de DSKNT ne prend pas de gants, et ne vous propose pas de solution alternative rassurante. Ici, tout est fait pour vous garder sur le qui-vive, pour vous terroriser, et pour vous obliger à regarder les monstres en face.
On peut préférer le confort factice d’un univers faussement familier, mais autant reconnaitre que cette traversée des mondes à quelque chose d’hypnotique et de cathartique. Après tout, les monstres ne sont pas toujours dans le placard, mais bien juste à côté de vous, dans la rue, dans la cuisine et au bureau.
Titres de l’album:
01. Spin
02. Deconvolution J/ψ [Part I]
03. Transition K0 [Part I]
04. Θ-Noise - Phase Shift
05. Transition Ω- [Part II]
06. Deconvolution Ξ*0 [Part II]
07. Spore
Je comprends son raisonnement car je le partage en partie. Je déteste le mot "contenu" quand on parle de vidéo. Ca ne veut pas dire grand chose. Les lyrics video, je trouve que c'est une solution de facilité. On se contente de coller une(...)
07/06/2025, 09:04
J'suis probablement trop vieux, je trouve ça atroce, autant à écouter qu'à regarder.
07/06/2025, 08:32
Ben, mince alors, c'est un vieux con Akerfeldt, en fait... dommage... après, tant que la musique est bonne, que demande le peuple ? (Après, je suppose qu'il n'arrivera jamais au niveau de Chris Barnes, mais, bon...)
06/06/2025, 18:05
Mouais, un peu médiocre son commentaire sur les lyrics videos... perso, j'aime bien avoir la musique et le texte qui défile... c'est pas spécialement élaboré mais je voix pas en quoi c'est minable...
06/06/2025, 18:02
Cet album me procure le même effet que le précédent album sorti en 2020 : une pure tuerie !
04/06/2025, 21:00
Merci pour cette belle chronique.Voici notre site.https://burningdead-official.com/fr/categories/
04/06/2025, 14:18
Ah pis j'avais même pas vu (encore entendu) qu'il y avait une reprise de GOATLORD !!!Ceci confirmant donc cela.
04/06/2025, 07:35
Tout ce que j'aime !!! !!! !!!En même temps, venant d'un groupe dont le batteur porte un t-shirt TRISTITIA, ce ne peut-être que bonnard...
04/06/2025, 07:34
Je n’ai jamais entendu parler de ce split vous savez ou l’écouter ou ce le procurer
03/06/2025, 13:35
Effectivement difficile de rester insensible à ce type de festival, à taille humaine, avec une ambiance conviviale sans tomber dans la cour des miracles et surtout avec une bell prog’. Très content d’avoir découvert Gravekvlt et pris la mandale attendue de (...)
02/06/2025, 23:00
Excellent report ! J'y étais. C'était purement génial. Dans le même style, tout aussi excellent, le Courts Of Chaos fut aussi un fantastique moment.
01/06/2025, 19:36