Viaggi InVersi

La Bottega Del Tempo A Vapore

27/04/2018

Revalve Records

Pour une fois, laissons-nous dériver sur les chemins escarpés du Metal Progressif, genre Ô combien surpeuplé, qui trop souvent, privilégie le fond sur la forme. Le nombre de groupes encombrant le style étant gigantesque, il devient difficile de séparer le bon grain de l’ivraie, et souvent, l’arbitraire se veut seul juge au moment de choisir une œuvre plutôt qu’une autre. C’est ainsi que la pochette du second LP des italiens de LA BOTTEGA DEL TEMPO A VAPORE a accroché mon regard, évoquant les comics médiévaux, et dessinant de son trait un univers susceptible d’être suffisamment passionnant pour être disséqué. S’il est certain que la pochette de Viaggi InVersi, au trait fin créé par l’artiste Fernandino Silvestri suscite l’envie, la musique de ce quintet/sextet de Benevento en attise la flamme, sans esbroufe, mais avec beaucoup de sincérité. Fondé en 2015, ce collectif dont la passion ne saurait être remise en cause nous a déjà offert un premier longue-durée, Il Guerriero Errante, qui nous contait les aventures perturbées d’un guerrier royal et de son histoire d’amour avec la princesse du royaume, thèmes qui se voient repris ici dans ce second volet qui en profite pour tâter de l’exploration temporelle et des sentiments humains à travers les époques. Lien donc entre les deux tomes, thématique, mais aussi musical puisque ce second effort reprend peu ou prou les mêmes recettes de composition, se situant en confluence de plusieurs maestros facilement identifiables. Articulé autour des instrumentistes Angelo Santo (chant), Alessandro Zeoli (guitare), Luca Iorio (basse), Giuseppe Sarno (claviers) et Gabriele Beatrice (batterie), ainsi que du parolier/scénographe Alfredo Martinelli, LA BOTTEGA DEL TEMPO A VAPORE se pose en parfaite synthèse de la scène Progressive italienne, et convoque l’esprit des DREAM THEATER, de PORCUPINE TREE, mais aussi de YES aux agapes d’une musique riche et honnête, qui refuse le démonstratif sans privilégier l’allusif.

Pas d’embardées en solitaire à craindre d’un groupe qui se concentre sur la sensibilité de sa création plus que sur l’épate de ses partitions. Si en termes d’originalité, la musique qui recouvre les sillons de ce Viaggi InVersi n’est pas des plus audacieuses, elle est suffisamment ciselée pour faire craquer les amateurs d’un Rock/Metal évolutif aux harmonies pures et développées. On sent clairement que certains travaux de Petrucci & co. ont grandement influencé les italiens, qui n’en ont pourtant retenu que la facilité des mélodies, et les constructions en gigogne, l’expurgeant de ses tics les plus irritants, pour oser un crossover entre les 90’s et les 70’s, sans vraiment choisir leur camp. Outre ces références, le groupe cite volontiers ANGRA, EPICA, Steven Wilson, BANCO DEL MUTUO SOCCORSO et quelques autres pour situer sa démarche, mais leur attitude globale est suffisamment affranchie pour se reposer sur ses propres acquis et inventer des histoires musicales attendrissantes, violentes, nuancées et ambivalentes. Constitué d’une poignée de morceaux assez courts selon les canons du genre, Viaggi InVersi ne se bride pas pour autant, er délivre une composition épique de plus de vingt minutes, « Dama di Spade », qui justifie à elle seule l’achat de cet album décidément intrigant. Mais sans vouloir faire porter le poids du succès à une seule intervention, il convient d’admettre que les segments les plus brefs sont largement dignes d’intérêt, à l’image de cette suite « Tempo Inverso Pt.1 et Pt.2 », décomposée en deux mouvements, et qui rappelle méchamment les travaux les plus oniriques du sieur Wilson, dans sa période la plus ancienne.

Le DREAM THEATER d’Images And Words semble aussi se poser en jalon inévitable, spécialement sur ce morceau à l’envergure notable, puisqu’on y retrouve les mêmes attaques de synthé délicates, agrémentées de parties de guitare en son clair calmes et apaisées. La scène italienne dans toute sa spécificité et sa pluralité a aussi le droit de cité, et l’esprit s’attache parfois au souvenir des DELIRIUM, des GARYBALDI, ou même des DESTRAGE dans les instants les plus complexes et drus. Mais pas de doute à avoir, c’est bien le progressif américain nuancé d’une touche européenne (sans sombrer dans le délire théâtral de Canterburry) qui domine les débats et éclaire la chandelle des italiens, qui ne se laissent jamais déborder par leur inventivité, et qui parviennent toujours à cadrer leur inspiration pour ne pas la laisser divaguer. Ainsi, l’imposant « Dama di Spade » alterne les séquences, et se partage entre le PINK FLOYD le plus dantesque et le DREAM THEATER de Six Degrees Of Inner Turbulence pour nous perdre dans le dédale d’une histoire de temps et d’amour, multipliant les climats, les tons (entre Metal très prononcé et Rock très aéré), et tisser une toile dans laquelle le YES de Tales From Topographic Oceans aurait pu s’engluer. Entre des soli toujours pertinents et dramatiques, une section rythmique inventive et fluide, et un chanteur qui insuffle une émotion tangible sans se prendre pour un castrat, les musiciens jouent donc la carte de la sobriété dans le délié, et ne nous étouffent jamais d’une partition trop étoffée pour être appréciée. Sans vouloir vous dévoiler tous les détails de ce morceau qui fait sans doute partie des grandes réussites du genre, il est quand même important de préciser qu’il peut être pris en tant que tel et extrait de son contexte pour représenter une image fidèle d’un groupe moins prévisible que la moyenne.

Mais il est certain que Viaggi InVersi s’apprécie comme une globalité, tout autant que comme somme de ses parties, toutes remarquables. Et après une intro volontairement irritante, en forme de captation temporelle pas vraiment calée sur la bonne fréquence (et qui peut aiguiller sur la mauvaise piste), « Goccia di Tenebra » nous surprend de ses demies teintes, et introduit des percussions subtiles, qui craquent soudain sous la pression d’un riff redondant. Toujours à cheval entre puissance et nuance, et ne refusant pas l’apport d’un groove rebondissant (« Urla e Perdonami », peut-être le plus DT du lot), LA BOTTEGA DEL TEMPO A VAPORE, sans pratiquer l’art du contrepied, s’amuse beaucoup à caresser dans le sens du poil, pour mieux griffer l’instant suivant. Et en empruntant à Pachelbel son canon pour le final ciselé de « Mestieri », les italiens prouvent qu’ils connaissent leurs (bons) classiques, et nous ouvrent les portes qui mènent sur l’avenir de leurs personnages, que la langue italienne pourra rendre un peu opaques. N’en reste pas moins que ce second album tient toutes ses promesses, et sait faire preuve d’ambition tout en restant humble. Il propose un visage du Progressif assez séduisant, et les morceaux distillés sur Viaggi InVersi pourront vous faire remonter le temps et laisser émerger quelques souvenirs, tout en restant ancré dans son temps.    

     

Titres de l'album:

                         1. Flashback

                         2. Goccia di Tenebra

                         3. Urla e Perdonami

                         4. Tempo Inverso PT1- Il Viaggio

                         5. Tempo Inverso PT2- La Lettera

                         6. Dama di Spade

                         7. Mestieri

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par mortne2001 le 01/07/2018 à 17:55
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