Weltende

Porta Nigra

19/07/2023

Soulseller Records

On ne peut le nier, l’Allemagne aime s’éloigner des facilités pour proposer des pistes moins arpentées. Le pays est donc roi en termes d’extrême décalé, et le quatrième album de PORTA NIGRA est là pour le rappeler. Originaire de Coblence, ce duo de tête et quatuor dans les faits a développé un répertoire bien particulier, qu’il expose sur quatre albums enregistrés depuis son émergence. Et le chemin accompli depuis la sortie de Fin de Siècle est immense, un chemin parcouru à bonne vitesse, et qui mène aujourd’hui à une sorte de normalisation du propos, loin des débuts chaotiques et libres.

Le plaisir de retrouver O (batterie/chant) et Gilles de Rais (guitare/basse/composition/textes) est donc toujours intact, et la présence de Tongue au chant, déjà intégré à l’époque de Schöpfungswut (voir la chronique sur notre site) a quelque chose de rassurant. Toutefois, prenez le terme avec des pincettes, car la musique des allemands n’est pas de celles qui vous font vous sentir bien, ou en confiance. Rois du piège tendu à la dernière seconde, les PORTA NIGRA ne sont pas là pour vous aider à trouver un équilibre mental, mais bien pour vous bousculer, vous percuter, vous donner des coups de coude et vous éveiller à une triste lité. Et si les thèmes abordés sont une fois encore peu réjouissants, la bande-son dégage une énergie positive assez inhabituelle.

Une question au passage, pas fondamentale mais qui a son importance. Weltende fait-il toujours partie du mouvement avant-gardiste germain, ou bien s’apparente-t-il à un exercice de style beaucoup plus abordable pour le commun des fans de Black ? Le second choix est le bon, puisque ce quatrième long rentre plus ou moins dans le rang, tout en dépassant les autres d’une tête ou deux.

Plus expérimental qu’avant-gardiste, ce nouvel album fait la part belle aux exercices rythmiques, aux cassures brutales, et aux riffs presque Rock. Intitulé du nom d’un poème de Jakob Van Hoddis, il plonge dans les affres traumatiques d’un conflit grandeur nature, et nous en décrit les effets par une puissance incroyable. Cette production incroyablement précise et claire permet d’apprécier des parties léchées et un ensemble très préparé, avec en exergue des guitares qui se veulent aussi expérimentale que franches, à la manière d’un VOÏVOD perdu dans un monde sombre, sans espoir, et qui accepte son sort.

Non que les deux groupes partagent des points communs, puisqu’ils sont tous deux uniques en leur genre. Et PORTA NIGRA tout en acceptant de transformer sa musique en Black progressif, n’a pas renoncé à son Adn pour séduire les masses. Les masses justement, ne comprendront pas forcément l’approche, et seront rebutées par ces intermèdes narrés dans la langue de Goethe, par cette attitude martiale typique de l’Allemagne moderne, et par ce dédale d’idées qui nous enferme dans un labyrinthe sans sortie, tout en nous laissant croire qu’elle existe vraiment.

La force des deux leaders réside en leur capacité à se réinventer perpétuellement. Un album de PORTA NIGRA ne se révèle qu’après de nombreuses écoutes, et il vous en faudra quelques-unes pour comprendre que Weltende (la fin des temps, pour bientôt si j’ai bien compris) est certainement l’un des pivots de la carrière du groupe, au même titre que Schöpfungswut qui amorçait un virage en épingle.

Les lignes de chant doublées, le propos en langue natale, le Metal parfois généraliste qui contrebalance les idées les moins formelles, tout est en place pour dessiner les contours d’un monde apocalyptique, où chaque jour qui passe vous rapproche d’une fin inéluctable. On appréciera évidemment la violence de l’ensemble, qui malgré quelques concessions n’a pas sacrifié sa brutalité, et évidemment, les déviances, entre disharmonie, atonalité, brutalité mélodique, et impasse des sens. De quoi nourrir votre psyché et vous poser des questions à propos des années à venir. Les plus sombres çà vivre je pense, si l’on en croit la stance adoptée par le groupe.

De fait, ne vous laissez pas leurrer par cette étiquette avant-gardiste. Préférez-lui le terme « originalité », qui sied beaucoup mieux à ces chansons parfois progressives, souvent étranges, mais toujours efficaces. Car PORTA NIGRA est ce qu’il est par nature, et non par choix. Et son point de vue est donc sincère et non forcé pour se distinguer de la masse, malgré des chemins de traverse emprunts pour mieux nous perdre. Mais ces plans médium et ces accalmies inquiétantes, cette batterie instable et volubile, cette guitare qui assassine en arrière-plan pour mieux nettoyer au premier font de ce quatrième tome un évènement pour le petit monde du Black Metal européen, toujours friand de surprises de taille.

Laissez-vous donc emporter par cette tempête de brutalité clinique. Car tout au long de ses cinquante minutes, Weltende explique sa singularité, et justifie son propos, mais ne perd jamais le fil de sa pensée et la logique de sa narration. Difficile de comparer sans vulgariser, et je m’interdis de brader la musique des allemands pour la rendre plus séduisante pour le plus grand dénominateur commun.

PORTA NIGRA ne donne pas dans l’efficacité immédiate, et requiert de la patience pour être apprivoisé. Mais un tel groupe ne s’apprivoise pas. Sa sauvagerie s’admire, son indépendance se savoure, et son savoir-faire se respecte en haut lieu. Et avec une nouvelle étape franchie avec brio, le spectre d’une discographie parfaite se dessine, et laisse songeur.

L’Allemagne, l’autre pays du fort mage. Et du Black inflexible, en marge et subtilement barge.           

     

Titres de l’album:

01. Es ist Krieg

02. Götterblut

03. Völkerbrand

04. Verlorene Paradiese

05. Bestienschlund

06. Die himmlische Revolution

07. Weltende

08. Triebgeschwärme

09. Hora Mortis


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par mortne2001 le 04/11/2023 à 17:47
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