Jean-François Rey : retour sur l'histoire de D.A.B. et GURKKHAS

Gurkkhas, D.a.b.

Le bon accueil reçu par notre dossier sur la scène Metal Bretonne (que vous pouvez retrouver ici) m'a donné envie de creuser un peu plus dans l'histoire de notre scène régionale. Je me suis mis en tête d'en sortir un jour un fanzine, un gros dossier sous quelque forme que ce soit, voir même soyons-fou, un livre. Un peu à l'image de la bible du Thrash / Death français "Enjoy The Violence", toutes proportions gardées bien sûr. J'ai donc, durant l'été 2020, commencé mes recherches, mes fouilles, pour retrouvez des acteurs de la scène bretonne de l'époque prêts à répondre à mes questions. Et j'en ai trouvés ! Mais je me suis aussi vite rendu compte qu'un tel projet était très chronophage et demandait beaucoup d’énergie. Je dois avouer que je n'imaginais pas la quantité de travail que cela représentait. J'ai donc mis de coté - pour le moment du moins - mon idée originale. Mais je trouvais dommage de laisser "dormir" ma première interview pour ce projet pour une période indéfinie. J'ai donc décidé, avec l'autorisation de l’intéressé bien entendu, de la publier ici sur notre webzine chéri. Autant qu'elle profite à ceux qui pourraient être curieux et demandeurs de ce genre de chose ! Voici donc l'interview en question.

Je vous laisse avec Jean-François Rey fondateur et frontman des groupes Costarmoricains GURKKHAS et D.A.B (mais aussi patron des labels Deadsun et Konklav Records) que je remercie encore d'avoir répondu à mes questions et d'avoir accueilli tout ça aussi chaleureusement.

C’est dans le milieu Punk Breton que Jean-François Rey se découvre une passion pour la saturation  électrique et pour les musiques extrêmes, c’est aussi dans ce milieu qu’il fait ses premières armes à la fin des années 80. Les premières expériences peu concluantes le poussent à prendre du recul et à s’entourer de musiciens aussi motivés que lui, c’est que notre homme veut faire les choses sérieusement ! Avec son ami et guitariste Richard de Castro, il fonde donc DELAYED ACTION BOMB (D.A.B) en 1990 à Lannion. L’aventure, qui durera plus de dix ans, commence. Après des débuts encore agrippés à la scène Punk / Hardcore, D.A.B prend rapidement un virage plus extrême et s’oriente vers un Thrash / Death Metal alors en pleine explosion en France et dans le monde. En 1999 D.A.B s’éteint dans la douleur, mais Jean-François toujours aussi affamé et toujours accompagné de Richard, forme une nouvelle entité sous le nom de GURKKHAS. Plus sombre, plus violent, plus déterminé que jamais le trio sortira deux albums en à peine trois ans d’existence. Deux déflagrations brutales, des concerts par dizaines en France et à l’étranger puis de nouveau le silence. Définitif cette fois-ci. Entretien avec un des pionniers de la scène extrême bretonne et tête pensante de deux des projets Metal bretons les plus aboutis de leur époque.


1 / Salut Jean-François ! Tout d’abord merci d'avoir accepté de répondre à mes questions ! Peux-tu te présenter et nous dire comment tu as découvert le Metal ?

Je suis donc Jean-François Rey, je suis actuellement « à la tête » (ça fait pompeux…) d’Hurricane Entertainment, qui presse des CDs, etc… et du tout petit label Konklav Records, (ex-Deadsun Records). J’ai fait partie du groupe de punk Option Zero, puis j’ai créé D.A.B (Thrash / Death Metal) et ensuite Gurkkhas (Brutal Death) avec Richard de Castro qui fut aussi guitariste des deux groupes précédents. J’ai aussi fait un fanzine, « Mercenary ». J’aurai bien aimé faire de la radio également mais ça ne s’est jamais fait. Dans une autre vie sans doute… J’ai découvert le Metal en trainant avec des punks dans un squat en Bretagne. A l’époque je n’écoutais que du punk, et un jour ils ont mis cette musique, du Pestilence, du Bolt Thrower et du Carcass. J’ai pris une gifle, et ça a changé ma vie.

2 / A quel moment et pourquoi tu te dis : « moi aussi je veux monter un groupe ! » ? DELAYED ACTION BOMB (D.A.B) est-il ta première expérience ?

Dans la petite ville où je vivais, à Belle-Isle-en-Terre, il y avait un groupe de Punk Rock qui s’appelait No Parking et qui assurait pas mal, un jour j’ai fait une audition au chant pour eux. J’étais vachement attiré par la scène, dire des choses, mais ça s’est au final mal passé, et ce uniquement parce que j’ai été nul ! Donc ensuite j’ai décidé de m’exercer seul chez moi afin de ne pas revivre ça, de m’entrainer quoi. Ça a été une super leçon. Par la suite, j’ai donc monté Option Zero à la fin des années 80, cherché des musiciens, et nous avons commencé à répéter. Mais ça n’a pas duré longtemps car moi je voulais en faire quelque chose de très sérieux, mais pas les autres… Enfin, ça n’est pas justice que de dire ça, mais disons que « pas autant », et ça a splitté. J’ai donc crée D.A.B, et je me suis entouré de musiciens déterminés. Je ne saurai pas vraiment t’expliquer comment ça s’est fait, c’est juste qu’à un moment je me suis dit, « bon allez cette fois j’y vais et j’y vais à fond ».

3 / Est-il facile dans ton coin de trouver des musiciens pour jouer de la musique extrême ? Comment  se passent vos débuts ? Où ont lieu vos premières répétitions ?

Non c’est très très dur, mais j’ai eu la chance de rencontrer Richard de Castro, et qu’il accepte d’être le guitariste des D.A.B. Nous avons fait courir le bruit comme quoi nous cherchions des musiciens, dans la scène Punk Rock et Metal locale et plus élargie. Ensuite Richard m’a présenté à un guitariste soliste, Jean-Luc, qui était très bon, et qui lui aussi était partant. Puis nous avons trouvé un batteur (pour une raison que j’ignore, nous en avons eu 14, des batteurs chez D.A.B / Gurkkhas !), et c’était parti. Nous avons commencé à répéter dans le garage de ma mère. Puis nous avons eu un local dans une MJC de Guingamp (22). J’ai ensuite déménagé de Guingamp vers Lannion, ou habitaient les autres membres, pour donner un coup d’accélérateur au groupe et nous avons répété dans une MJC de cette ville. Au début nous avons beaucoup joué localement ou nous avons fini par avoir une bonne base de fidèles fans qui nous suivaient, et quand nous avons reçu notre première offre afin de sortir un album, ça a changé. Nous avons d’abord joué en France, puis en Europe, ensuite aux USA et en Amérique Centrale.

 4 / Au tout début des années 90’ quand vous formez D.A.B quelle est l’état de la scène Metal / Hardcore en Bretagne ? Vous devez vous sentir assez seul parfois non ? Y a-t-il une scène extrême en formation dans la région, peux-tu nous donner des noms de groupes ?

Je commence par les groupes : nos potes de Burial Vault, ATOM, Darkseid, Porto Pak , Dusk, Cataract, Toxik Thrash, Belenos, etc… Ceux que j’ai oubliés me pardonneront ! On ne se sentait pas forcément seuls, mais si tu veux, après avoir écumé plusieurs fois chacun des patelins de ton département, tu te retrouves à ne plus savoir ou jouer, haha…et puis tu as aussi envie d’aller jouer ailleurs, te confronter à des groupes établis, apprendre aussi… Donc tu prends des contacts. Mais à l’époque je trouvais que nous pouvions pas mal jouer déjà. Bien sûr, pas comme des groupes de Rock, mais c’était cool quand même…ça a changé par la suite.

5 / Vous sortez vos premières démos cassette dès 1991 / 1992. Comment ça se passe pour enregistrer tout ça ? Racontes-nous !

Artisanal, sans une thune. Comme nous étions fauchés, j’ai demandé à ma mère de financer notre première démo « pro ». C’est à dire avance pour l’artwork réalisé par un vrai dessinateur, et le tout enregistré en studio. D’ailleurs elle est en vente sur Discogs à un prix fou… faut oser quand même. Bon bref, on a donc eu les sous et on a foncé. On a trouvé un artiste pour faire la cover, et un studio local avec un pote qui assurait bien. On a écoulé les 500 copies en six mois et ensuite elle a été rééditée je ne sais pas combien de fois.

6 / Vos premiers concerts ont lieu dès cette époques ? Où jouez-vous ? Est-ce compliqué de trouver des salles ou bars pour les concerts et d’autres groupes avec qui jouer ?

Au début, comme je le disais, ça n’était pas si dur, enfin je trouve. On a commencé à jouer dans les bars de notre ville et aux alentours (Lannion, Guingamp, Belle-Isle-en-Terre, Callac…) et plus notre notoriété grandissait, plus on a pu jouer loin de notre base. On jouait dans les bars et les MJC. Trouver des groupes c’est facile, et pour ce qui est des endroits et bien tu prends ton téléphone et tu demandes... et tu envoies une tape. Tu rappelles… et tu négocies ou on t’envoie chier (haha). En fait on a vite compris que la présentation du groupe était méga importante et donc on a calqué notre façon de faire sur les groupes Ricains ou Allemands par exemple. C’est-à-dire : Une belle démo avec un gros son, une bio bien écrite, des photos, un set-plan, etc… Ensuite tu attends quinze jours après l’envoi et tu rappelles. C’est fastidieux mais ça marche. En fait si tu veux, on ne s’est pas dit du tout « ohlala ça va être dur, nous on joue du Death… personne ne va vouloir de nous ». On s’est dit, on fait de la musique, on croit au potentiel du groupe, et voilà. Ça parait bête mais quand tu es convaincu de ça, c’est beaucoup plus facile ensuite de démarcher, de convaincre les gens.

7 / Après deux démos orientées Punk / Hardcore, votre style s’oriente vers un Death Metal traditionnel, pourquoi cette évolution ? Quelle sont vos influences à ce moment ?

C’est une histoire d’évolution naturelle, tu écoutes d’autres styles, tu as l’impression d’avoir fait le tour de certains (sans prétention) c’est comme la vie en fait, tu évolues. Quand nous avons amorcé le virage Death nous étions influencés par Entombed, Massacra, Loudblast, Agressor, Morbid Angel, Deicide, Opressor (j’adore ce groupe).

8 / Vous sortez 5 démos entre 91 et 95 avant de sortir un premier album ! Pourquoi ce choix ? Comment se passe votre signature avec le label portugais Danger Records ?

Je ne crois pas que ça soit un choix, ce qui s’est passé c’est que nous avons commencé à démarcher avec "Alice In Horror Land" et ça s’est accéléré avec "Abyssus Abyssum Invocat" et l’accueil incroyable qu’a eu cette maquette, certainement grâce au titre écrit pour nous à l’époque par Lars Rosenberg d’Entombed… Ensuite, Danger Records a écouté notre musique, et nous a offert directement un contrat et également de venir jouer dans leur festival au Portugal, le Danger Festival. On a dit ok, ils nous ont payé le studio, un artiste Canadien pour la cover, nommé Riddick, que j’adorai, et là ça a commencé à être sérieux.

9 / « Stormbringers » votre premier album sort donc en 1995 en CD, sacrée étape pour un groupe breton à l’époque ! Où se déroule l’enregistrement et comment est-il reçu ? En êtes-vous fier à ce moment et comment le défendez-vous ?

Oui c’est ça… incroyable. Si tu veux, les gens au début te prennent pour un guignol, genre « non mais eux ils se prennent pour qui ? Ils sont fous, si ils pensent qu’en venant d’un petit bled ça va marcher vu la scène »… C’était ça, et de partout hein ! « Notre » scène, les autres styles, etc… et… ça avait déjà commencé à se calmer car nous n’avions pas splitté au bout de 6 mois, et que nous jouions beaucoup. Du coup les médias, des journaux comme Ouest-France, Le Télégramme s’intéressaient à nous… Donc oui, quand l’offre pour l’album est tombée, et que nous avons signé, les gros journaux en ont parlé, et là, juste là je me souviens très bien de la bascule dans la tête des gens et des groupes…ils se sont dit « oh putain quand même » ! L’enregistrement s’est fait dans le studio d’un pote à l’époque, je ne sais même plus le nom en vrai (haha). Ce que je sais c’est qu’il a fait un véritable carton et que le label a vite tout écoulé, 3000 exemplaires ! Pour un groupe inconnu comme nous, c’était incroyable ! On a eu des supers chroniques dans tous les magazines Français (Metallian, Hard Force…) et aussi en Europe et ailleurs dans le monde car on en gravait de notre côté pour en envoyer sur toute la planète et ça nous a fait connaître à mort et les concerts ont suivi... Fiers ? Ah oui, imagine… En fait comme tous les musiciens je pense…ton premier album quoi. Quand l’offre de contrat est tombée, dans ta tête tu te dis « enfin »… un label croit en toi, et tu as du mal à y croire jusqu’à ce que tu trouves les contrats officiels dans ta boite aux lettres et que tu les montres au groupe. Et là ça n’est pas une question de thune ou de prestige, c’est « juste » pour toi et tes potes tu te dis « putain on a réussi à arriver jusque-là, à force de travail, en y croyant »… c’est un incroyable sentiment. Et ensuite tu es encore plus motivé ! On a eu un camion, on a investi dans du matos (ampli Marshall) on a eu des sponsors, en fait tout s’est enchainé…on l’a défendu en jouant beaucoup, partout en France et en Europe et en répondant à des dizaines d’interviews.

10 / La seconde moitié des années 90’ voit la scène Thrash / Death française perdre en puissance et en influence, après son apogée entre 1988 et 1993. Aviez-vous des liens avec les gros groupes tels que LOUDBLAST, MASSACRA, MERCYLESS, etc… ?

Avec les Louds oui, d’ailleurs par la suite on a fait les deux albums de Gurkkhas dans le studio de Stéphane Buriez… Avec Mercyless et Max Otero aussi un peu. Avec Crusher aussi, etc… mais pas avec Massacra, hélas, qu’on vénérait pourtant !

11 / Votre second album « Beyond The Mirror » sort en 1997 chez Thunder Productions. Pourquoi ce changement de label ? Comment défendez-vous ce dernier album avec D.A.B ?

Parce que, subitement, pour des raisons personnelles, le directeur de Danger Records a fermé son label. Sans nous verser aucune royalties d’ailleurs. On a fait alors un peu le tour, et la meilleure proposition est venue de Thunder Prods. Comme c’était un label Français on s’est dit que ça pourrait être cool, et dans la foulée on est passés sur France 3 pour une émission en prime. Incroyable ! Ils sont venus chez nous à Lannion faire un long reportage sur nous et on l’a regardé passer en prime sur la 3 tandis qu’on était en plein enregistrement, ça fait tout drôle. Avec cet album on a fait des tas de concerts et festivals en France, on a tournée en Europe, et on est partis aux USA et en Amérique centrale.

12 / Quand exactement et pourquoi mettez-vous fin à D.A.B ? Vous formez GURKKHAS directement après ce split ?

Les fins de groupe sont vraiment douloureuses, je suppose que c’est, dans 80 % des cas inévitable, mais ça fait chier. Certains membres voulaient et ont arrêté, avec d’autres on s’est pris la tête et on les a virés, pas de gaieté de cœur mais bon... Ensuite on a pris quelques mois de repos, et avec Richard de Castro on a créé, oui, Gurkkhas. Groupe basé autour d’un concept mystico-guerrier (les Gurkhas sont de redoutables guerriers issus de tribus Népalaises qui ont notamment servi dans les Forces Spéciales de l’armée Britannique et Indienne). Et on a recruté un bassiste, le meilleur jamais eu à ce jour d’ailleurs, et idem pour le batteur, alors vraiment lui, Nico une tuerie. On avait là un line-up de fou. En fait Rich arrivait avec un riff et derrière, Romain balançait des lignes, et Nico te plaçait des trucs de dingues, ça tournait bien quoi.

13 / Avec GURKKHAS vous prenez une direction très radicale en terme de musique et d’imagerie. Même le nom du groupe est très guerrier. Pourquoi ces choix ? Vos influences ont elles évoluées à ce moment ?

Oui, c’est vrai, on est passé d’un Thrash / Death sympa avec D.A.B à un Death brutal, guerrier et mystique. Ça en a dérouté plus d’un et d’une, et en a séduit d’autres. Pour nous c’était un retour aux sources. Et puis il faut dire qu’on écoutait tous la même chose à ce moment-là, majoritairement du gros Death brutal US.

14 / Vous sortez « Engraved in Blood, Flesh and Souls » via Massacre Records dès 2000, sans démo ni EP en amont, vous vous sentiez prêt directement pour un album ? Votre expérience avec D.A.B a dû jouer à ce moment… Où avez-vous enregistré ce premier album ?

Nous étions prêts depuis le premier album de D.A.B. Peu de gens le savent mais après le second album, « Beyond The Mirror », nous avons sorti un best-of sur un label japonais ("Best of the Blood Angels") qui a vite été sold-out, jamais réédité (il y a un message là hahaha)... On avait déjà deux albums dans les « pattes », le line-up était très carré, très motivé, on répétait tous comme des fous, ensembles et de notre côté, en fait on ne faisait que ça. Certains avaient des petits boulots, d’autres étaient au RMI, mais la priorité c’était le groupe. Donc oui on était prêt, et quand le gros label Allemand Massacre Records est arrivé avec son offre, on a dit ok. Nous sommes allés l’enregistrer chez Stéphane Buriez au LB Lab studio à Lille, et là on a compris - et appris - ce que ça voulait dire que de bosser avec des pros. C’était excellent !

15 / Vous enchaînez avec des concerts à ce moment pour promouvoir l’album ?

Oui, beaucoup, beaucoup de concerts en France avec entre autre Nemeton, Mortuary, Nemrod, etc. pour ceux dont je me souviens ! Et dans toute l’Europe avec des groupes comme Therion, Sinister, Krabathor, etc… Nous sommes passé par l’Espagne, l’Angleterre, l’Irlande, les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne, la Pologne, la Hongrie, la République Tchèque, la Slovaquie, l’Italie… On a vraiment beaucoup joué pendant cette période.

16 / Dès 2001 vous sortez un second album, « A Life of Suffering », chez Morbid Records. Ça ne chôme pas ! Pourquoi ce si court laps de temps entre deux albums et pourquoi ce changement de label ?

C’est-à-dire que, comme nous ne faisions que ça on avait des tas de morceaux et Rich c’était une machine à riffs. Comme il y avait beaucoup de matière et que derrière, les autres amenaient aussi leurs idées, on se retrouvait avec beaucoup de morceaux et on choisissait.

Massacre Records ne nous a jamais versé un seul royaltie, ni sur les CDs vendus, ni sur les t-shirts vendus. Je sais que c’est monnaie courante mais on a été écœurés. On a reçu l’offre de Morbid Records, on avait le matos pour un second album, on a signé. C’est aussi simple que ça. Et nous sommes retournés chez Stéphane Buriez pour l’enregistrement.

17 / Quelle est l’état de la scène Metal Bretonne aux débuts des années 2000 ? Vous faites beaucoup de concerts dans la région pour ce second album ? Et ailleurs ?

Je ne sais pas trop du coup, on ne jouait plus beaucoup par chez nous. Ça s’est complètement inversé en fait, on allait toujours jouer ailleurs, soit partout en France, soit à l’étranger.

18 / Le groupe s’arrête en 2003. Que se passe-t-il pour motiver ce choix après seulement 4 ans d’existence ?

Franchement ça a été un déchirement et sur le coup j’étais en colère… Et encore aujourd’hui quand j’y pense, ça me fait chier, mais c’est ça la vie parfois il faut savoir accepter et continuer. Rich a décidé de suivre un autre chemin et c’était son droit absolu. Après avoir tout donné au groupe il s’est trouvé un travail à temps plein. Avec le recul je me dis que ni moi ni personne n’avions le droit de lui dire quoi que ce soit parce que sans lui rien de toute cette aventure n’aurait été possible. 12 ou 13 ans à faire de la musique ensembles, ça forge des liens. Et franchement, la musique sans lui, ça n’avait plus du tout la même saveur, la même signification, donc après avoir essayé, j’ai définitivement cessé et depuis je n’ai jamais réintégré une formation.

19 / Quel regard portes-tu sur cette période de ta vie ? Entre D.A.B et GURKKHAS cela représente presque 15 ans de ta vie !

Ça a tout simplement bouleversé ma vie. Ça m’a tout donné. Des rencontres de fous, voir d’autres pays, continents, cultures, s’ouvrir l’esprit, la camaraderie, etc… Je ne suis pas nostalgique car je suis passé à autre chose, mais ça a été LA grande expérience de ma vie d’adulte je pense.

20 / Le début des années 90 c’était l’âge d’or du tape-trading et des fanzines. As-tu suivi le mouvement ? Si oui avec qui correspondais-tu ?

C’était quelque chose de dingue toute cette période, je correspondais avec beaucoup de personnes et groupes de la scène car en plus de jouer je faisais un fanzine, Mercenary, et donc je passais mon temps à écrire à des tonnes de groupes dans le monde entier. Il y en a trop pour les nommer mais il y en avait beaucoup. Je faisais tout tout seul, avec mon petit PC et une photocopieuse. J’essayais de sortir un numéro tous les deux mois je crois. J’en ai sorti une trentaine !

21 / Tout ne s’arrête pas pour toi en 2003, tu continues d’être actif dans la scène extrême avec tes deux labels Deadsun (fondé en 1997) et Konklav Records. Raconte-nous cet autre aspect de ton activisme. Pourquoi arrêtes-tu, après une dernière sortie en 2016, les activités de ces labels ?

Deadsun était vraiment devenu imposant, enfin à mon humble niveau hein ! Il y avait quelque chose comme 60 sorties et les albums s’enchainaient. Simplement, à un moment, j’en ai eu ras le bol de me battre afin de trouver une bonne distribution, vraiment marre et ça m’a tellement saoulé que j’ai cessé. J’en garde un excellent souvenir, avec quelques tueries de sorties, comme les deux Bereaved (Japon), les Godless Truth (République Tchèque), les Disinter (USA), etc. plus quelques trucs de Black Metal Français…. Le label était connu et ça vendait pas mal, mais c’était vraiment ce truc de la distribution qui m’énervait. Donc j’ai claqué la porte et envoyé tout valdinguer ! Depuis quelques années j’ai remonté Konklav Records, mais tranquillement, je ne sais pas quand je ressortirai quelque chose.

22 / La scène Metal française - et donc Bretonne -, même à la grande époque du Thrash / Death fin 80 début 90, n’a jamais complètement explosée à l’étranger. Elle n’a jamais eu la reconnaissance qu’on pu avoir les scènes Suédoise ou Américaine par exemple. Quelles en sont les raisons selon toi ? La France avait-elle du retard ? Un manque de moyen ?

Je ne sais pas si c’est toujours le cas, mais à l’époque, la principale raison n’était pas la qualité des groupes à mon sens, mais plutôt leur détermination et implication à 1000% dans le Death. Beaucoup de groupes n’étaient pas prêts à dormir dans leur camion, par terre en tournée, ni laisser leurs familles quelques mois pour partir. Ce que je dis peut paraitre dur et dingue mais c’est vrai, à comparer aux ricains, suédois, asiatiques ou autres qui eux sacrifiaient tout sans hésiter. Je peux en parler parce que je l’ai vu et vécu. Il fallait être prêt à avoir une vie dure, sans fric, juste pour le plaisir de faire du Death Metal en fait.

23 / Écoutes-tu toujours du Metal aujourd’hui ? Quel regard portes-tu sur la scène Metal de nos jours ? Les choses ont énormément évoluées avec internet, Facebook, etc…

Oui j’en écoute toujours car avec ma boîte Hurricane Entertainment, on presse beaucoup de CDs de Metal, et donc je suis un peu au courant de ce qui se fait. De temps à autre je chope un Metallian ou je me ballade un peu sur le web pour voir ce qui sort... Je trouve la scène hyper pro de nos jours, tout le monde a son clip, un manager, c’est beaucoup plus structuré et c’est tant mieux. Les festivals ont grossi et donc la visibilité est plus grande. Ça aide les groupes Français forcément. Facebook à tout bouleversé en effet, mais pour le Death Metal je dirai que c’est un bien car ça a mis des millions de personnes en contact les unes avec les autres de manière ultra-rapide afin d’échanger de la musique, des idées, des échanges de concerts, des prods de Cds, de tournées, etc, c’est excellent.

24 / Pour toi peut-on parler d’une « scène Metal Bretonne » ? Y avait-il une fraternité entre les groupes aux débuts de l’aventure et ensuite ? As-tu toujours des contacts avec les anciens membres de tes groupes ?

Bah il y avait une scène, mais nous avions simplement trois ou quatre groupes amis. Les autres étaient des connaissances et comme partout il y avait aussi de la jalousie, hélas. Mais la scène existait, oui. J’ai de temps en temps des contacts avec notre ancien bassiste, Romain Bellec, que je salue, mais plus avec Nico (batterie) et surtout Rich (guitare), c’est comme ça c’est la vie. En tous cas je les salue également !

25 / N’as-tu jamais eu envie ces dernières années de remonter GURKKHAS ? Y penses-tu parfois ?

Oui, on me l’a proposé deux ou trois fois… Mais ce groupe était tellement particulier pour moi que sans Richard, Romain et Nico ça n’aurait jamais été pareil.

par Jus de cadavre le 27/05/2021 à 09:30
   1710

Commentaires (7) | Ajouter un commentaire


Simony
membre enregistré
27/05/2021, 12:58:35

Ca fait plaisir à lire cette interview... on a l'impression que c'était hier et pourtant ces groupes ont plus de 20 ans !


Gargan
membre enregistré
27/05/2021, 16:47:19

Bonne interview, plaisante à lire. J'ai du faire bosser le sieur deux fois pour du pressage y'a dix ans, pas de gros soucis de mémoire et une bonne communication (très intéressant.).


Bones
@88.168.65.14
27/05/2021, 18:01:51

Bien cool, cette interview ! bravo !


Vu GURKKHAS à Orléans dans un festival brutal Death... ça devait être en 99 ou peut-être 2000.
C'était putain de sauvage !! De mémoire ils avaient fini par une reprise de Slayer.  My god, le rouleau compresseur !

Je dois à cette mémorable soirée (et à l'oubli des boules quiès sur mon chevet) des acouphènes qui perdurent toujours à l'heure où je tape ces mots.   




NecroKosmos
membre enregistré
30/05/2021, 06:50:08

Ca ne me rajeunit pas des masses. J'ai découvert ce groupe avec la démo 'Alice in Horroland'. Je l'ai trouvé vachement bien à l'époque. Je me souviens d'une interview d'eux dans un fanzine rennais qui se nommait Mystifier. J'ai moins aimé la suite des événements mais une chose est sûre, c'est que ce groupe était très motivée.


un vrai stakhanoviste de l\' underground , j\' avais fait jouer D.A.B à lyon bon concert et bon souv
@77.192.139.126
30/05/2021, 14:40:34

un vrai stakhanoviste de l' underground , j' avais fait jouer D.A.B à lyon bon concert et bon souvenir !!!


Humungus
membre enregistré
01/06/2021, 08:57:47

Super ITW.

Cela aurait été effectivement dommage de laisser cela au fond d'un tiroir Jus de cadavre...

Pour ce qui est de GURKKHAS, très bon groupe. Pis c'est toute l'imagerie à la BOLT THROWER qui m'avait bien interpellé à l'époque. Assez rare (surtout en France) pour attirer le chalan.

D.A.B., j'connais pas du tout. Faudra donc que je jette une oreille là dessus.



Radidi
@109.211.252.129
01/06/2021, 17:39:00
Gurkkhas, vu une fois en live, en 99 (peut-être 2000?), avec Disgorge (US) et Godless Truth au Mondo Bizarro (RIP). excellente soirée!! 

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19/04/2024, 20:51

Tourista

Non bien sûr je plaisantais, M'sieur Heaulme. Un artiste qui se fait enfler a mille fois raison d'en parler !   Et je sais malheureusement de quoi je parle.Respect pour Kickback. Content que tu les pu voir ce docu.

19/04/2024, 18:08

Humungus

@Tourista :- "On s'en cogne"Bah non...- Tu t'es achement bien rattrapé avec ce docu qui était totalement passé à côté de mes radars.Exceptionnel.C'est pas C8 qui passerait ça bordel...

19/04/2024, 15:54

grosse pute

Au lieu d'aller baiser des gamines et des ladyboys à Bangkok, Stephan aurait dû apprendre à lire les contrats qu'il signe.

19/04/2024, 15:20

Humungus

Ouhlala miam miam !!! !!!! !!!

19/04/2024, 10:35

Tourista

Désolé, c'est bien SODOM et non....   Putain de correcteur !  

19/04/2024, 07:52

Tourista

On s'en cogne.   Non j'en profite juste pour dire à ceux qui ne l'auraient pas encor(...)

19/04/2024, 07:52

Arioch91

J'aime bien ! Ajouté à ma shopping list.

18/04/2024, 19:48

Saul D

" Marianne" c'est pour miss Schiappa? ok je sors :-)

18/04/2024, 17:12