En Metal, quand on pense Floride, on pense immédiatement à la scène Death culte des alligators et des palmiers. Mais croire que cet état n’a engendré que des nerveux portés sur la mort et la putréfaction serait une injustice envers les autres groupes plus intéressés par les nuances de la vie, et surtout, passionnés par les sonorités moins crues et moins technico/brutales. Ainsi, les locaux de BLACK DENIM RAGE trompent leur monde en assumant leur résidence de Lake Worth, tout en jouant une musique bien plus fluide et légère, mais emprunte de méchanceté crasse des années 80.
Revival, nostalgie, old-school, les termes sont lâchés, passons à autre chose. Depuis 2019, ce quatuor (James Balcazar - guitare/chant, Matthew Sanders - guitare/chœurs, Shazam Humphrey - batterie et Guido Cattarinich - basse) n’a pas chômé, lâchant sur un public médusé pas moins de deux longue-durée. Certes, l’un d’entre eux n’est qu’une version espagnole, mais State of Emergency a quand même mis le feu aux poudres. Ibères ou floridiennes d’ailleurs, pour une explosion ciblée, mais puissante et concentrée. Deux ans plus tard, la bande revient avec les cartouchières en bandoulière, prête à mettre à feu et à sang notre civilisation d’un Speed/Thrash rétrograde au possible, d’obédience allemande et belge, loin des sunlights des Etats-Unis.
Après l’état d’urgence, le chaos de la guerre. L’enchaînement est logique, et la continuité pratique. Sans changer d’un iota leur ragout parfumé, les quatre floridiens nous entraînent encore dans les méandres du labyrinthe 80’s, avec son cortège de faux-semblants, d’impasses et de mimétisme indécent. Rois du plan calqué sur les aînés, Chaos of War s’obstine à recycler des idées déjà largement exposées par la concurrence, celle-là même qui agite les boites de nuit Thrash depuis le début des années 2000.
Enregistré par Derek Rodd, mixé et masterisé par Juan Felaco, ce deuxième véritable long étale directement ses arguments : du passéisme, de la passion nostalgique, une rythmique en poumon artificiel et des guitares qui miment en temps réel. L’impression est saisissante, d’autant que le son y met du sien. La réverb sur le chant, le mix un peu étouffé et nivelé, on s’y croirait, et la sensation d’avoir vécu tout ça pas si désagréable finalement. Si le parrainage de DESTRUCTION ou IRON ANGEL est incontestable, les floridiens tiennent quand même à imprimer leur patte sur le béton de l’histoire Thrash, par un habile jeu de mélodies imbriquées avec panache entre deux idées plus radicales.
Mais ne vendons pas un produit sur des arguments fallacieux. Certes, le tout est efficace, et donne envie de faire tourner son cou sur lui-même. Mais en termes d’originalité et de puissance, BLACK DENIM RAGE se contente souvent du minimum, et ne cherche pas plus loin qu’un hommage même pas déguisé à la génération sacrée. On le sent immédiatement sur l’entame « Chaos Of War », on le confirme sur le hit potentiel « Street Metal Violence », hymne au refrain facile mais fédérateur, et on appuie encore plus sur l’importance de la discographie d’EXCITER et du KREATOR des débuts pour faire bouillir la marmite. La circularité des riffs, la constance d’une batterie qui frappe et avance, les boucles de basse qui se calent sur les saccades globales, le classicisme est de rigueur, et la pertinence frappe à toute heure. Inutile de faire la fine bouche, puisque le goût est connu d‘avance, les saveurs n’ayant pas changé.
Chaos of War se place donc dans une moyenne plutôt haute, et tient son rang sans en rajouter, mais sans non plus chercher à se réinventer. Tout au plus pointera-t-on du doigt certaines compositions, plus variées, comme cet insistant « Selected to Die », qui n’est pas sans évoquer certains produits brésiliens de Cogumelo. Dans un registre de Thrash Heavy, saccadé et ambiancé, les floridiens tiennent la barre, mais ne dévient jamais de leur trajectoire. Dans une ligne droite tracée entre la Floride et les côtes européennes, ce deuxième album est sans surprise, bien joué, bien capté, mais désespérément sage.
Dommage que la puissance de cette pochette n’ait pas été retranscrite fidèlement par des titres qui auraient gagné à jouer l’outrance et le chaos. Comment suggérer la folie et l’hystérie en jouant un Metal aussi formel et raisonnable ? C’est impossible, je vous l’accorde, et si le spectre du Heavy italien des années 80 est aussi présent dans les couloirs du temps, c’est pour mieux illustrer le manque d’initiative d‘un quatuor qui se croit sans doute incorruptible.
Incorruptible, mais pas imperfectible.
Titres de l’album :
01. Chaos Of War
02. Street Metal Violence
03. A Shredder’s Dream
04. Executor’s Reign
05. Troops of Hate
06. Selected to Die
07. Hero’s Journey
08. Legacy
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