Le ciel s’assombrit, les vieilles carcasses de bois sont balayées par les embruns, et la tempête s’annonce de tous les diables. Même les vieux loups de mer restent à l’abri, dans ce bar abimé par le temps, qui sur le quai, témoigne de siècles d’hommes de mer n’étant jamais revenus de leur mission. Ce bar a été le témoin de milliers de discussions, de centaines de confessions, et ses tabourets ne pourraient recompter les nombre de fessiers qu’ils ont dû supporter. Mais la tempête, c’est l’ennemi de toujours, celui qu’on ne peut pas combattre, à moins de faire preuve d’une inconscience totale. Cependant, un frêle esquif, qui lui aussi a vécu cent vies sort du port, et commence à tanguer alors que le roulis n’en est qu’au début de ses festivités.
Sur ce bateau, trônent cinq hommes. Græy Gaast (basse), Vikser (batterie), Crabe & Zéphyr (guitares) et Adsagsona (chant). Des hommes encore peu expérimentés qui croient pouvoir défier les éléments de leur morgue flamboyante. Occupés à leur poste, ils savent que leur jeune renommée ne les empêchera pas de se fracasser sur les écueils lorsque le vent soufflera le diable. Mais ils tiennent quand même à faire preuve de bravoure, comme pour prouver aux anciens qu’ils en ont dans le froc eux aussi.
HOULE est donc enfin en haute mer, et prêt à affronter les assauts incessants de cet océan qui en veut à sa peau.
Pour un équipage qui n’a pour le moment démontré qu’une infime partie de ses capacités sous la forme d’une intervention éponyme très courte, Ciel Cendre et Misère Noire est une sacrée déclaration d‘intention, que la compagnie des Acteurs de l’Ombre a promu à grand renfort de déclarations virtuelles et de donation physique. Emballé dans une superbe peinture, ce premier long pas si court reste le meilleur moyen de se faire une place sur les pavés des quais, lorsque les navires chancelant rentrent au bercail. Mais l’attitude des parisiens fait sourire les insulaires. Qui sont-ils après tout pour oser croire donner une leçon à tous les briscards Black Metal de notre beau pays ?
D’excellents marins/musiciens, et des conteurs hors-pair.
HOULE, ce mouvement ondulatoire de la surface de la mer nous trimballe donc sous la pluie et le scalpel du vent pour nous faire respirer un autre air, celui de la nature sauvage et indomptable. Et pour suggérer les bonnes émotions, le quintet parisien n’a pas lésiné sur les efforts, et les effets. Et c’est après une vieille chanson de marin que la mission débute, entre odeur de gnole et de poisson, et chœur entonné à cinq voix.
Le Black Metal du groupe est simple d’apparence, mais complexe de différences. Il s’articule autour d’atmosphères brillamment suggérées, et d’une certaine idée d’une violence ambivalente, entre cruauté sauvage et brutalité viscérale. Il n’y a guère plus à faire pour se transposer dans cette pochette qui décidément en dit plus long que tous les discours. Et sur une trame classique que d’aucuns jugeraient usée jusqu’à la corde, HOULE progresse pour nous faire profiter d’un spectacle ahurissant, celui de ces éléments qui s’acharnent sur les hommes pour les entraîner dans le gouffre.
Basiquement, cette musique reste un BM classique, que le groupe aménage de quelques humeurs. Des humeurs marines évidemment, et on peut presque sentir le sel ronger notre peau en écoutent « Sur les Braises du Foyer », qu’Adsagsona hurle comme un sacrifié. Avec cette prépondérance de mélodies, ces quelques dissonances et ces accalmies soudaines, ce long morceau épique rappelle l’IRON MAIDEN de « Rime of the Ancient Mariner », en version négatif absolu, densifié d’une méchanceté noire comme la nuit sans lune.
L’océan embrassé, pour ses frasques glacées, danse sur le vague à l’âme des hommes lassés, bien d’autres se seront laissés bernés.
Mais il n’est pas question de tromperie ici. Ni sur la marchandise, en fond de cale, ni sur l’authenticité des émotions. Très théâtral et dramatique, Ciel Cendre et Misère Noire est d’une richesse incroyable, et ressemble beaucoup plus à un vieux journal de bord découvert par hasard qu’à une attraction à grand spectacle de parc d’attraction. Les sensations sont épidermiques, car elles se servent au banquet d’un Heavy Metal de tradition, pour l’intégrer à une structure beaucoup plus brutale et mouvementée. Ce mélange des genres pique les chairs comme des aiguilles de froid, et le choix de voguer au gré d’un tambour martial (« Derrière l'Horizon ») confère une cadence éolienne à un voyage dont certains ne reviendront peut-être pas.
Une vraie puissance, mais aussi une véritable intelligence. HOULE sait pertinemment qu’on ne navigue pas à l’aveugle, et qu’il faut faire confiance au sextant et au compas. La sortie en mer, aussi folle soit-elle a été planifiée comme il se doit, et les efforts distillés avec pertinence. Lorsque le roulis devient trop violent, les pécheurs tassent les voiles, et du haut de sa vigie, Adsagsona pointe les dangers à éviter, pour que la section rythmique ralentisse l’avancée.
« Sel, Sang et Gerçures ». C’est ce qui nous attend si nous choisissons de suivre ces hommes, finalement très expérimentés malgré leur CV succinct. Un CV qui ne cache pas le talent, spécialement lorsque la narration prend des proportions à la Homère, avec un « Née Des Embruns » qui évoque la légendaire Odyssée. Entre chanson de geste de l’océan et Dieux qui souhaitent montrer à l’humain l’étendue de leur pouvoir, cet ultime chapitre d’une aventure passionnante nous berce d’illusions avant de nous cracher la vérité en face.
La nature gagnera toujours, et nous ne pouvons la défier que sur de petites batailles sans importance.
De son fiel ensorcelle, à tous les hères à qui elle se révèle, brûle sa chair vengeresse. Dis-moi, combien se noient ?
Ni canot de sauvetage, ni bouée. A vos risques et périls, entrez dans le monde de HOULE. Un monde de ténèbres bien sûr, mais aussi de longues amitiés nouées autour des cordes de ces bateaux qui sortent et sortent encore avant de rendre l’âme.
A qui elle appartient.
Titres de l’album :
01. Introduction
02. La Danse du Rocher
03. Mère Nocturne
04. Sur les Braises du Foyer
05. Derrière l'Horizon
06. Et Puis le Silence
07. Sel, Sang et Gerçures
08. Née Des Embruns
Avec Massacra legacy, ça commence nettement à avoir plus de gueule ! Reste à voir la suite des annonces. Mais je crois que je vais plus préférer le Westill le mois suivant au même endroit cette année, déjà Elder et Wytch Hazel de confi(...)
13/05/2025, 07:48
Mea culpa....J'avais pas vu la news en première page - j'ai été directement te répondre.
12/05/2025, 14:33
S'il est du même acabit que le The Cthulhian Pulse: Call From The Dead City sorti en 2020, Mountains of Madness risque d'être un allday listening pour moi.J'ai hâte, bordel !
12/05/2025, 13:44
J'étais passé totalement à côté de cette petite pépite de Death Suédois!Vieux moutard que jamais!Puteraeon glisse de belles ambiances lovecraftiennes sur cet album et les arrangements apportent un plus à l'ensemble.
12/05/2025, 13:42
Necro est sympa, avec de bons passages groovy et d'autres où le groupe envoie du bois.Pas sûr de l'écouter durablement, d'autant plus que le prochain Puteraeon sort le 30 avril prochain.
12/05/2025, 13:40
Sentiment mitigé pour ma part Le chant de Johan Lindqvist n'atteint pas un pouïème de ce qu(...)
12/05/2025, 13:38
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29
Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...
06/05/2025, 17:11
Ils sont juste trop faux-cul pour assumer le statut de tribute band, voilà tout.
06/05/2025, 16:15