Un quatrième album qui commence par une allusion à Six Femmes pour l’Assassin de Mario Bava ne peut pas être complètement mauvais. Assertion purement subjective, et pourtant objective au vu du parcours du groupe en question, qui depuis presque dix ans nous assomme à intervalles très réguliers de ses philosophies sur une nostalgie qu’ils conçoivent différemment de leurs concurrents directs. Car VIGILANCE, c’est d’abord une provenance, la Slovénie, et ensuite, une discographie riche, puis une optique résolument évolutive et originale, bien loin des obsessions vintage habituelles qui nous enferment dans une redondance cyclique stérile. Formé en 2010 du côté de Postojna, ce quatuor avec foi mais sans loi (Gillian - guitare/chant, Tine - batterie, Anej - guitare et Andrej - basse) s’est d’abord illustré en concentrant ses forces sur un Heavy Speed assez cru mais chamarré, avant d’effectuer un virage non à 90°, mais assez prononcé pour se rapprocher d’un occultisme des premiers jours, hérité des VENOM, HELHAMMER et autres BATHORY, sans non plus s’ancrer dans un BM prononcé. Et après Queen of the Midnight Fire en 2013, Hounds of Meggido en 2015 et Hammer of Satan's Vengeance en 2017, c’est donc Enter the Endless Abyss qui agite l’année 2019 de ses soubresauts métalliques, respectant une fois de plus les deux années de silence nécessaires à son élaboration. Régularité dans le temps donc, mais aussi dans la qualité, puisqu’une fois encore, ce quatrième chapitre de la saga ténébreuse fait preuve de puissance, de modulations et d’incantations pour séduire un public avide de sensations fortes certes passéistes, mais assez variées pour ne pas se contenter de répéter des formules piquées à un grimoire usé.
Des influences multiples donc, pour un résultat hétérogène, qui place au même panthéon la rugosité de la première vague de Metal noir des années 80 et les mélodies typiques de la NWOBHM, avec ces tierces aérées et ces breaks rapides enchantés. Une recette qui fonctionne depuis quelques années, et que les slovènes ne souhaitent pas changer, puisqu’ils en ont trouvé une sorte de perfection dans l’apogée. Mais en quoi cette formule se concrétise donc, le mélange étant plus ou moins surprenant sur le papier ? Il suffit pour l’imaginer de penser à un chant à la Cronos/Tom Warrior posé sur des structures évolutives à la MAIDEN/RUNNING WILD des premiers jours, et ainsi de synthétiser les écoles européennes pour parvenir à toucher du doigt la réalité ambivalente des VIGILANCE. Un peu de Metal paillard à l’anglaise, allégé d’une envie mélodique de même nationalité, le tout durci d’une abrasion typiquement allemande des années 83/84, et vous obtenez ce cocktail éminemment relevé qu’est Enter the Endless Abyss, qui fond dans un même creuset plusieurs tendances de la même époque charnière, alors que le Metal cherchait encore à se propager sous diverses formes plus ou moins séduisantes et/ou hideuses. Et si d’aventure vous ne connaissiez pas encore le groupe, sachez que ses guitares sont aussi volubiles que celles de la paire Murray/Smith, que sa rythmique est aussi performante que le poumon Stephan/Hasche, et que ses lignes vocales évoquent le Newcastle de l’orée des années 80, le tout emballé dans un mysticisme progressif digne des plus belles années des américains de MANILLA ROAD, sans ce parfum sudiste étrange et cette voix nasillarde. Un tableau complet donc, pour une musique qui se veut aussi riche qu’efficace, et surtout, versatile mais cohérente, les morceaux se différenciant sans aucune difficulté.
Toujours aussi à cheval sur une diversité de ton, les VIGILANCE continuent d’explorer les possibilités que leur offre leur optique, et naviguent entre Metal pur, Speed dur, Black émergeant et Heavy puissant, sans perdre le fil de leur pensée. Les débuts de la vague nordique sont aussi évoqués, avec ces allusions discrètes à l’art occulte des BATHORY et MERCYFUL FATE, ce qu’on ressent d’ailleurs dès l’intro prenante de « Blood and Black Lace » qui prouve que les slovènes sont toujours aussi prompts à faire la jonction entre les pays et les genres. Syncope typique de la NWOBHM, pour une soudaine envolée lyrique plombée par un chant à la POSSESSED en version light, et une accroche qui fonctionne, déterminant la ligne de conduite à venir. Et il n’est pas incongru de penser que si Cronos s’était entouré de membres de DIAMOND HEAD et de RUNNING WILD, le destin du Heavy Metal européen en eut été changé, et aurait pu prendre le visage de cet Enter the Endless Abyss. Les qualités du groupe sont toujours aussi évidentes, entre désir de capter l’attention en multipliant les boucles mélodiques, et envie d’augmenter le rythme cardiaque de riffs syncopés et de rythmiques échevelées, sans perdre de vue l’équilibre entre brutalité et assise. « The Return of the Savage » le démontre en une poignée de minutes, opposant toujours ce chant rauque et cette souplesse instrumentale, brillamment mise en exergue par une basse qui n’en peut plus de s’arrondir et de tourner en boucle. Toujours aussi prompts à laisser l’inspiration naviguer, le quatuor ose des structures évolutives, et radicalise parfois ses préceptes pour se rapprocher des prémices d’un BM européen patent (« Dvoglava kača »), sans toutefois trahir ses dogmes d’ouverture.
Musiciens plus que capables, et susceptibles de se laisser emporter sur les vagues d’un Heavy Speed vraiment compétitif (« Night Raid »), les VIGILANCE ne cherchent pas l’effet choc à tout prix, et proposent des compositions presque progressives, ambitieuses mais pas prétentieuses, et gardent sous le coude assez d’énergie pour mener leur navire à bon port. La tension ne faiblit donc pas, et parfois, nous avons même droit à des chœurs de marin qui encouragent les rameurs, à des rappels de double grosse caisse sur fond de guitares rebelles (« Knights of Valor »), à des montées harmoniques que le grand SATAN avait déjà abordées sur son séminal Court in the Act (« Stormblade »), et surtout, à une arrivée en forme de triomphe homérique de plus de sept minutes, qui nous prouve que les slovènes ne se contentent pas d’une simplicité old-school lénifiante de classicisme. Ainsi, l’évolutif mais toujours aussi brut « Črni Kolovrat » nous ouvre des perspectives intéressantes, dans un créneau Heavy Black progressif daté, mais pas passé, et une union entre le MAIDEN des premières années et le VENOM de 80/81. Une dualité assez fascinante, mais surtout effective, qui démontre une fois encore que passéisme ne rime pas forcément avec obscurantisme, et que les musiciens les plus intelligents regarderont toujours avec plus d’acuité le passé que certains de leurs concurrents le présent. Belle réussite que ce quatrième LP des VIGILANCE, qui s’affirment d’année en année comme un collectif essentiel à l’underground, et qui rappellent qu’on peut regarder dans le rétro sans laisser son inspiration et ses ambitions dans le coffre.
Titres de l'album :
1.Blood and Black Lace
2.The Return of the Savage
3.Dvoglava kača
4.The Gunslinger
5.Night Raid
6.Knights of Valor
7.Stormblade
8.Črni Kolovrat
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Si certains déçus se séparent de leur Pass, je suis intéressé. Merci beaucoup !
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