Travailler dans les pompes funèbres n’est pas la façon la plus amusante de gagner sa vie, mais ça reste un métier d’avenir. On ne risque pas de manquer de clientèle pourvu qu’on assure un service de qualité, et le manque de fantaisie ne peut être rédhibitoire pour l’employeur. Il est inutile de craindre des reproches quant au manque d’initiative, le principe reposant sur des bases millénaires. Non que j’aie décidé de me réorienter dans le marché du macchabé, mais je dois reconnaître qu’il est rassurant de savoir que certaines choses ne changeront jamais. Ou pas souvent. Comme le Death Metal.

Vous l’avez senti venir, le parallèle est troublant. Le Death Metal est lui aussi un style d’avenir puisqu’il repose en grande partie sur son illustre passé. Il est très difficile de trouver des groupes désireux d’innover, et pour un BLOOD INCANTATION, vous devez vous fader une bonne centaine de tâcherons reproduisant les embaumements d’antan, les fleurs plus ou moins fraiches et les costumes plus ou moins repassés.

Mais même les besogneux ont leurs chefs de file. Ainsi, les accros old-school peuvent compter sur le leadership des américains de SENTIENT HORROR, qui depuis 2016 propagent la mauvaise parole des homélies balbutiées au pied d’un cercueil de qualité moyenne. J’avais croisé le chemin de ces gros vilains en 2018, à l’occasion de la parution de leur premier EP, et depuis, les natifs du New Jersey ont remis le couvert par deux fois, avec deux longue-durée assez qualifiés. A l’heure du quatrième album, la bande renouvelée a donc fait la même chose avec ses vœux, et continue d’explorer les différences existant entre les scènes américaine et suédoise.

Jon Lopez (guitare) et Matt Moliti (guitare/chant), les deux fondateurs, Evan Daniele (batteur) qui va et vient, et TJ Coon (basse) le petit dernier nous proposent donc une virée à travers les allées, pour admirer les tombes décaties et les chrysanthèmes défraichis. La Toussaint étant juste derrière nous, il n’y a aucun mal à continuer de la fêter, les morts se voyant extirpés d’un sommeil mérité par ces dix nouveaux morceaux qui agitent les os. SENTIENT HORROR n’a pas changé son optique, quelque part entre DISMEMBER et PESTILENCE, avec un chouïa de terreur DEICIDE, et son rendu est toujours aussi efficace.

Et être cueilli à froid par le riff énorme de « The Way of Decay » est un véritable plaisir salace.

Redondant à souhait, Heavy et syncopé, ce lick gluant nous fourre la tête dedans, et nous oblige à regarder la réalité en face. On peut être fasciné par la mort et donner vie à des thèmes pleins d’envie, ce que ce premier morceau prouve de son classicisme transcendé. Le retour aux sources est agréable, la teneur en décibels plus qu’honnête, et la puissance toujours aussi intense. Le quatuor américain n’a rien perdu de sa verve, et si sa cravate est impeccable, sa queue de cheval trahit ses accointances musicales.

Techniquement imparable, animé d’une saine haine vocale qui grogne comme l’orage tonne, In Service of the Dead se met au service des trépassés pour leur offrir une nouvelle cérémonie bien agitée. « Out of Sanity » en est le porte-étendard, avec sa férocité extrême et son approche scandinave sauvage, sa double grosse caisse qui se réveille au bon moment et sa collection de riffs à faire pâlir un nuancier.

On comprend rapidement que les américains font maintenant partie des seigneurs de la guerre. Leur attitude est ferme, leurs options solides, et leur son explosif. Avec en glaçage quelques soli bien placés et fluides, des cassures abruptes mais amenées avec brio, et une science exacte du refrain qui tue, ce nouveau répertoire est compétitif, et rivalise avec les efforts les plus récents de quelques légendes.

Et à la différence de nombre de leurs confrères, les SENTIENT HORROR ne se contentent pas de piller la discographie d’un groupe en particulier, préférant justement prendre une poignée dans chaque sac pour composer un bouquet d’épices plus personnel et relevé. Un truc qui arrache la gorge et qui la laisse en feu, sans autre option que de souffrir en attendant d’aller mieux, comme le souligne « Undead Mutation », harissa pour l’esprit qui dégage un fumet passionné.

Avec un minimum de diversité, ce quatrième long nous déroule des moments d’anthologie. Je pointerai donc du doigt le monstrueux « Glory to the Rotten » qui sent bon la pourriture et la déliquescence, avec son mid tempo malin et son côté accrocheur malsain.

C’est un festival, et les figures imposées défilent comme à la parade. Lorsque le rythme accélère, ça vous prend aux viscères (« Born in a Morgue »), et lorsque l’entre deux l’emporte, le meilleur d’ENTOMBED vient frapper à la porte (« Feeding on Fear »).

Travail soigné, mixé et masterisé par Noah C Buchanan aux Mercinary Studios de Cleveland, In Service of the Dead est une cérémonie qui vaut son prix. « In Service of the Dead », title-track très judicieusement placé en clôture, aux portes du cimetière, laisse une impression de plénitude dans le deuil, et d’excitation dans la tristesse. Sans jouer les chatouilleurs de classe supérieure, SENTIENT HORROR suggère une horreur quotidienne, celle qu’on affronte un jour après l’autre, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus.

La vie s’écoule, et les illusions coulent comme du béton sur un espace libre. Les concessions perpétuelles n’existant plus, autant en prendre pour cinquante ans. Le prix de la mort vaut bien une tranquillité provisoire.   

Titres de l’album :                                              

01. The Way of Decay

02. Undead Mutation

03. Mutilation Day

04. Cadaverous Hordes

05. The Tombcrusher

06. Out of Sanity

07. Glory to the Rotten

08. Born in a Morgue

09. Feeding on Fear

10. In Service of the Dead

Facebook officiel

Bandcamp officiel