En me réveillant ce matin, je savais déjà que la matinée allait être aussi sombre que mon fondement après une soirée raclette. Mais j’étais loin de me douter que mon masochisme me pousserait à chroniquer deux albums de pur Death Metal moche et méchant, moi qui n’aime rien tant que la diversité et l’originalité. Mais après tout, nous somme guidés par notre inconscient, mené à la baguette par notre instinct, et c’est donc en toute connaissance de cause que j’ai accepté de traiter du cas évident des américains de VASTUM, quelques années après les avoir découverts et présentés.
VASTUM est le fruit des réflexions morbides de Leila Abdul-Rauf (guitare/chant, CARDINAL WYRM, ex-SAROS, IONOPHORE, LEILA ABDUL-RAUF) et Daniel Butler (chant, ACEPHALIX, DRAGHKAR, ex-Perish). Accompagnés depuis 2013 par le batteur Chad Gailey (MORTUOUS, NECROT, STORMKEEP, PALACE OF WORMS (live), SCOLEX (live)), et depuis cette année par les quatre cordes de Colin Tarvin (EVULSE, MORTUOUS, SOCIOCLAST, SWAMP WITCH), les deux leaders se laissent donc aller à leur passion indéfectible pour le Death le plus sordide qui soit, mais aussi l’un des plus créatifs rythmiquement de cette nouvelle scène américaine. Alors, si l’historique et le vintage sont vos linceuls préférés, enveloppez-vous dans ce tissu post-mortem délicat qu’est Inward to Gethsemane.
Et puisqu’on en est aux citations et influences, parlons de celles animant l’esprit créatif de Daniel et Leila. INCANTATION, AUTOPSY, BOLT THROWER, SCORCHED, NECROT, DISMA, et une bonne dizaine d’autres, pour une célébration sans trompettes mais avec guitare et tambour du Death Metal le plus oppressant, le plus dégoutant, et le plus savoureux de ces trente dernières années.
Quatre séparent d’ailleurs Inward to Gethsemane d’Orificial Purge, son frère aîné et traité en ces colonnes, mais le temps est une donnée très particulière pour ces californiens qui préfèrent la moiteur des tombes à la chaleur des plages. San Francisco est certainement très fière d’être la patrie de ces dégénérés du riff qui tue, et qui depuis plus d’une grosse dizaine d’années secouent l’underground de leurs impulsions macabres et autre souffle brûlant à l’haleine fétide.
Le dragon s’est donc réveillé, et il n’est pas vraiment content. Toujours adepte d’une confrontation entre plans écrasants et accélérations fumasses, la bestiole nous sort le grand jeu avec des morceaux longs et construits, d’une certaine complexité instrumentale, mais d’une indéniable méchanceté musicale. Leila Abdul-Rauf n’a rien perdu de son talent, et continue de débiter du riff catchy au kilomètre de tripes, le médiator assuré et la syncope rassurée. De son côté, Daniel Butler rend toujours hommage aux plus grands vocalistes de l’ère puriste, en citant Chris Reifert, Chris Barnes, et tous les grogneurs au larynx défoncé.
Le tout est donc homogène, logique, mais loin d’être évident. On se demande souvent à quelle sauce le prochain plan va nous étriper, et cette sensation de paranoïa est terriblement agréable. Plus fin mais tout aussi massif que son prédécesseur, Inward to Gethsemane se démène pour rallier à sa cause tous les psychopathes de cryptes abandonnées, et multiplie les figures d’un style apprécié d’un très grand nombre.
Et un groupe qui pose en reprise de contact un machin aussi branlant et flippant que « In Bed With Death » est plus que recommandable : il est indispensable.
Sans chercher à trop en faire, mais désireux d’épater tous les tarés, VASTUM nous bouscule d’entrée, et ose les blasts furieux. On se dit alors que la brutalité la plus sourde va être au centre des débats, mais les multiples cassures permettent de comprendre que le cheminement risque de ne pas être aussi tranquille. Cette formidable dualité est au cœur des intentions, et permet d’apprécier un disque beaucoup plus intelligent qu’un simple hommage old-school vite écrit.
D’ailleurs, les californiens sont constamment entre deux âges. Leurs vertèbres indiquent un headbanging soutenu dans les nineties, alors que leur regard trahit une certaine complaisance dans la modernité, parfois proche d’un Death/Black vraiment poisseux et graveleux. « Priapic Chasms » met rapidement les pendules à l’heure de MORBID ANGEL et de toute la vague floridienne, et met en relief l’aspect cosmopolite d’une formation qui n’hésite pas à citer l’Europe dans ses attaques les plus cliniques.
Avec une section rythmique incroyablement solide et performante, VASTUM peut se permettre de draguer les nostalgiques inconsolables du regretté Chuck Schuldiner (« Vomitous »), tout en étant pleinement conscient de son propre potentiel sur le long et évolutif « Corpus Fractum ».
Ambiances travaillées, son énorme, Inward to Gethsemane est un pas de géant dans la carrière de ce quatuor aux dents longues, et l’assertion ultime de cette génération d’artistes qui refusent de s’enfermer dans une logique unique. Entre hier et demain, ce cinquième LP (déjà…) fait la navette et impose des ambiances religieuses, des mélodies amères et des crises de colère incontrôlables.
Bande-son pas idéale du tout pour téléfilm de Noël, Inward to Gethsemane renvoie les crèches dans les caves et secoue les rois mages par le fion. Pas de quartier, pas de cadeaux. Une devise qui en vaut une autre.
Titres de l’album:
01. In Bed With Death
02. Priapic Chasms
03. Stillborn Eternity
04. Judas
05. Indwelling Archon
06. Vomitous
07. Corpus Fractum
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