Kindred Spirits

Arctic Sleep

12/07/2019

Autoproduction

Alors qu’OPETH s’apprête à sortir son magnum opus bilingue dans les semaines qui viennent, la sphère médiatique underground s’agite, de même que les magazines les plus établis. N’ayant pu pour le moment que jeter une oreille distraite et partielle sur l’œuvre en question, je rejoins l’avis prématuré de mes petits camarades de chambrée, partageant leur opinion sur ce qui semble déjà être la révélation ultime d’une rentrée qui clôturera un été chargé en émotions. Mais l’objet de cette chronique comme vous l’avez déjà compris n’est pas de gloser sur les qualités intrinsèques de cet album encore fantôme, mais d’en faire un rapprochement plus concret avec une œuvre déjà disponible sur le marché, à compte d’auteur, qui risque fort d’avoir un jaillissement beaucoup plus intime. Pourtant, les points communs entre les deux groupes existent, même si le cas abordé en ces lignes n’a pas grand-chose à voir avec un groupe, mais plutôt un one-man-band qui n’en est pas à son coup d’essai, loin de là… ARCTIC SLEEP, comme son nom semble l’indiquer, aime le silence, l’instant qui s’étire, les longues histoires que l’on raconte avec force détails. Projet entamé comme un duo en 2005, ARCTIC SLEEP n’a pas traîné pour imposer ses vues en longue-durée, publiant un an plus tard le séminal Mare Vaporum en autoproduction, un travail quasiment mystique enregistré dans des conditions amateurs et en home-studio, mais qui commençait par un postulat définitif sur la philosophie à suivre. « Over The Antifreeze Rainbow » et ses presque vingt minutes prévenait l’auditeur que le cheminement n’allait pas être de tout repos, et que toute prévisibilité était bannie. Cette impression allait se voir renforcée par les albums suivants, toujours de qualité égale, et se partageant entre DIY et support de Dripfeed Records, avant que le concept ne retombe entre les seules mains et cerveau de Keith D, multi-instrumentiste de génie, capable de passer de la guitare aux djembés, et de la basse au violoncelle, sans donner l’impression de bricoler ou d’hésiter. Et une fois de plus emmuré dans sa solitude, le leader au caractère bien trempé a décidé de retourner dans son home studio pour coucher sur bande digitale son septième LP, ce Kindred Spirits dont seul son chat Yoda fut mis dans la confidence…

Aidé en sa tâche par le batteur Nick Smalkowski, Keith D a donc pu laisser libre court à son imagination, et ne s’est aucunement bridé. Avec près d’une heure et dix minutes au compteur, et onze morceaux, Kindred Spirits est une somme de travail conséquente, qui poursuit les optiques entamées précédemment, sans les trahir, mais en proposant une évolution notable. Des compositions qui se veulent honnêtes et reflets du mode de pensée de leur auteur, qui privilégie encore une fois l’authenticité, l’analogique, les textures qui s’empilent, et le croisement des genres, lui qui un jour décrivit sa musique comme du Doom progressif. Sans tomber dans la limitation d’étiquettes restrictives, il est vrai que la musique d’ARCTIC SLEEP est en lien direct avec le Doom, mais vu au travers du prisme du Post Metal, allégé de ses systématismes les plus flagrants, mais conservant sa lourdeur qui devient ici paradoxalement d’une légèreté incroyable sous l’impulsion de mélodies presque Folk, et en tout cas méchamment Pop. Le résultat est comme d’habitude très troublant, un peu comme si notre cher Devin Townsend s’amusait à détourner les codes d’OPETH pour produire un album d’ANATHEMA, le tout sous supervision de THE OCEAN, plus enclins que d’ordinaire à agrémenter leur musique de rythmiques percussives. Mais autant rendre les choses plus claires qu’elles ne le sont. Aucun morceau sous la barre des quatre minutes, trois qui dépassent les huit ou neuf, pas mal qui bloquent à cinq ou six, et une impression générale contemplative, mais effective à la fois. Telle est la dure tâche à laquelle s’est attelé notre ami solitaire, à savoir pouvoir digresser durant de longues minutes sans perdre le fil de sa pensée. Et le résultat est aussi beau que concret, un peu comme une nostalgie fondée qui regretterait le passé pour de bonnes raisons tout en appréciant le moment présent. Difficile à expliquer, mais la musique se ressent après tout, et ne répond pas à une logique mathématique de chiffres et de raisonnements.

Et que ceux qui souhaiteraient des explications plus tangibles et des motifs moins abscons écoutent le monumental « Cloud Map ». S’ils n’y voient pas une certaine échappatoire de la cause Doom vers des motifs plus Post et donc un équilibre plus supportable, je renonce immédiatement à toute argumentation et m’en retourne écouter SLEEP sans espérer une porte de sortie. Impossible à l’écoute de ce morceau de ne pas penser à la collaboration entre Devin et Anneke sur certains passages de la tétralogie des addictions (particulièrement sur Ki, et Ghost), complétée par des éléments inhérents aux univers d’OPETH et ANATHEMA, notamment pour ces breaks surpuissants qui viennent soudainement casser la métronomie un peu trop bien huilée. Résumant en huit minutes son parcours global, Keith nous entraîne dans un monde hébergeant sans distinction les SMASHING PUMPKINS, ALICE IN CHAINS, THE GATHERING, OPETH, MONO, multiplie les couches harmoniques, distord sa propre réalité, et accouche d’une poésie harmonique et rythmique qui n’a que peu d’équivalent dans notre petit monde sclérosé de certitudes. Trop puissant pour être totalement Post, mais beaucoup trop évaporé pour n’être qu’un projet Metal - encore moins Doom - Kindred Spirits n’est rien de moins que l’union inévitable entre l’homme et ses désirs, sa volonté et ses actes, et se termine d’ailleurs par un épilogue d’une richesse incroyable, osant des éléments de Drone, d’Ambient, des arrangements sommaires mais qui s’imbriquent parfaitement, pour nous laisser sur une impression étrange, réveil d’un rêve sur lequel la réalité n’aurait absolument aucun contrôle.

« As Palms Give Way To Pines », multiplie les répétitions, en reprenant évidemment les logiques précédentes, mais en les démultipliant dans un même contexte, et sa majesté se renforce d’une couche de mélodies oniriques. « Meadows », est peut-être l’accroche la plus logique que Keith pouvait proposer, avec cette entame franche à base de riffs Post Grunge et de notes disséminées en arrière-plan. « Connemara Moonset » brise le moule et se répand en acoustique, mélangeant les percussions de base et quelques accords frappés avec conviction, le tout sur fond de basse traitée. « Night Mirror » met la batterie en sourdine, pour mieux développer une longue intro de plus de deux minutes, avant de nous assourdir d’une guitare distordue à l’extrême, et se rapprocher d’un NEUROSIS moins en proie aux affres de la psychose. Mais à quoi bon tenter de rassembler les pièces d’un puzzle qui une fois terminé, ne donne aucun indice sur la nature du panorama que nous avons contemplé ? A l’image d’un Robert Wyatt achevant seul son chef d’œuvre dans son coin, ARCTIC SLEEP/Keith D, pour des motifs différents sombre dans l’abysse de la solitude pour en extraire ses souvenirs immédiats les plus beaux, et nous propose un septième album en forme de septième année d’amour, de celles qui brisent ou unissent les couples. Et celui que nous formons avec lui n’est pas prêt de regretter une séparation, tant que les déclarations seront aussi magnifiques et sincères. Une autre musique, une autre voie, sombre et majestueuse autant que lumineuse et humble. A vous maintenant de décider si oui ou non, la rentrée effacera les souvenirs d’un été pas comme les autres.           

   

Titres de l’album :

                        1.Meadows

                        2.Lantern Curse

                        3.Kindred Spirits

                        4.Maritime Delusion

                        5.Eternal Sunbeam

                        6.Connemara Moonset

                        7.Night Mirror

                        8.Cloud Map

                        9.Welcome To The Harbor Light

                        10.As Palms Give Way To Pines

                        11.Old Soul

Site officiel

Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 10/08/2019 à 14:46
88 %    957
Derniers articles

Defeated Sanity + HM 2

RBD 09/07/2025

Live Report

Walls of Jericho + Get Real

RBD 02/07/2025

Live Report

Voyage au centre de la scène : PARADISE LOST

Jus de cadavre 15/06/2025

Vidéos

Aluk Todolo + Spirit Possession

RBD 10/06/2025

Live Report

SWR Barroselas Metalfest 2025

Mold_Putrefaction 08/06/2025

Live Report

Anthems Of-Steel VII

Simony 30/05/2025

Live Report

Clinic LI-SA X et Paul GILBERT

mortne2001 29/05/2025

Live Report

The Sisters of Mercy + Divine Shade

RBD 21/05/2025

Live Report

Great Falls + Kollapse

RBD 04/05/2025

Live Report

Chaulnes MÉTAL-FEST 2025

Simony 27/04/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
LeMoustre

Le troll DPD (quel beau nom !) en tête de gondole dans la fosse. Comment c'est possible ça genre de gus ?

11/07/2025, 13:36

LeMoustre

Mdr y'en a qui ont un niveau de goûts musicaux digne de la fosse des Mariannes. JPP de lol quand je lis ça Tout est dit.

11/07/2025, 13:34

LeMoustre

@Humungus : mdr. On s'est compris.@Buckdancer : oui j'imagine que tu as raison 

11/07/2025, 13:32

MorbidOM

Un troll sur metalnews.fr c'est comme un exibitioniste dans le désert, il peut arriver à capter l'attention de quelqu'un de temps en temps mais tu sens que niveau stratégie c'est pas optimal. 

11/07/2025, 13:28

LeMoustre

Le Hellfest n'est plus qu'un fest mainstreem comme tant d'autres et n'a plus rien à voir avec ses origines.Le nombre de blaireaux au M2 y est devenu affolant au point qu'il n'y a que ça.Pour ma part, je préfère aller dans les(...)

11/07/2025, 12:42

Humungus

Je pense que là, tout est dit... ... ...

11/07/2025, 10:01

DPD

Deafheaven > Black Sabbath d'ailleurs, aucune hésitation. quelle chanson de Black Sabbath atteint le niveau d'intensité de Dream House ?

10/07/2025, 21:43

DPD

T'aimes ça hein le cuir et le metal salace, je préfère Patrick Sébastien, je le trouve moins pédé. Le petit bonhomme en mousse on s'en rappelle, ça c'est une chanson qu'on oublie pas, comme ce que te chantais ta maman..

10/07/2025, 21:36

DPD

Désoler si j'en ai rien à foutre du dernier groupe Brésiliens de war metal.

10/07/2025, 21:29

Alain Akbar

@DPD : putain, cette merde de Chat Pile, de la noise bâtarde gay friendly qui pompe Godflesh et Korn. Et dans un autre post, tu parles de Deafheaven. Mais mec, arrête de donner des leçons et va donc faire une Bun Hay Mean.

10/07/2025, 21:20

DPD

Et ce qui s'est fait de marquant question death c'était le dernier Dead Congregation et le surprenant Reign Supreme de Dying Fetus. Et qu'on me parle pas de Blood Incantation tout est impeccable, il y a beaucoup de travail derrière, mais aucune symbiose entre les part(...)

10/07/2025, 15:17

DPD

L'underground est pas une qualité en lui-même, le dernier concert que j'ai vu t'avais les groupes qui enchaînent les plans thrash-death-black sans aucune cohérence, du sous Deathspell Omega (désolé mais dans le black dissonant tu seras toujou(...)

10/07/2025, 15:09

Ivan Grozny

Oui très bon groupe, je recommande également !

10/07/2025, 14:36

Ivan Grozny

C'est à peu près le constat que nous sommes plusieurs à faire me semble-t-il, mais je mettrais tout de même Converge, The Dillinger Escape Plan ou Botch ailleurs que dans le metalcore. Mais pourquoi pas. ;-)@Jus de cadavre "Je crois qu'il faut acce(...)

10/07/2025, 14:34

DPD

Sinon j'aime beaucoup Chat Pile comme groupe récent.

10/07/2025, 14:27

DPD

@GPTQBCOVJe suis  horrifié par l'idée de finir comme ça, voir Darkthrone se réduire aux lives jouant la fameuses trilogie pour payer les affaires courantes notamment des frais de santé, la social-démocratie m'en sauvera j'imagin(...)

10/07/2025, 14:16

DPD

Non mais même le metalcore t'avais la grande époque de Converge, Dillinger Escape Plan, Botch et compagnie...certains parleraient de hardcore chaotique mais bon. T'avais pas que de la musique lisse à refrain, ce n'est pas le diable que certains veulent peindre.&(...)

10/07/2025, 13:47

Humungus

Si le Metalcore était à la mode il y a 20 ans, disons alors que (malheureusement) cela perdure car 1/4 des groupes jouant dans de gros et moyens fests ont un qualificatif se terminant par "core".

10/07/2025, 13:22

RBD

Cela m'espante toujours de voir des festivals complets (ou presque) un an à l'avance sans avoir annoncé aucune tête d'affiche.Le public est devenu très friand des gros festivals. Je pense évidemment à toute cette frange de festivalier(...)

10/07/2025, 12:23

DPD

Certains commentaires sont à côté de leur pompes, la grande mode du metalcore c'était il y a quoi ? 20 ans ? la bizarrerie c'est que pas mal de ces gens sont passés au black-metal pour une raison que j'ignore ce qui donne toute cette scene en -post(...)

10/07/2025, 12:04