La Vie la Pute

Bad Tripes

23/01/2023

Autoproduction

La Vie la Pute

C’est sans doute un peu péremptoire, et les anglais ont une formule plus soutenue pour ça : life’s a bitch, and then you die. Mais ça a le mérite d’être clair, et finalement, très vrai. Dans Se7en, David Fincher citait Ernest Hemingway via Morgan Freeman, et nous assénait la vérité suivante :

Le monde est un endroit merveilleux, qui vaut la peine qu’on se batte pour lui. Je suis d’accord avec la deuxième partie.  

Gageons que notre chère Hikiko Mori ne pourrait que valider ce postulat littéraire, en forme de pensée sur une existence de plus en plus difficile à vivre. Mais heureusement pour nous, les BAD TRIPES n’ont pas changé leur crochet d’épaule : leur musique est toujours aussi explosive, juvénile, subtilement provocante, mais terriblement humaine dans le fond. Je pourrais même aller plus loin, et ce, dès le début de cette chronique : La Vie la Pute est sans conteste le meilleur album de la bande, une suite que nous attendions depuis plus de cinq ans et les éclaboussures de sang des Contes de la Tripe.

Le groupe a distillé les teasers via sa campagne Ulule, nous gratifiant avec beaucoup de fourberie sans Scapin d’un clip plagiste entre juilletistes et aoûtiens. « La Madrague des Macchabées » présentait un collectif amusé et amusant, mais en fouillant un peu dans le texte en question, on découvrait une noirceur en filigrane qui est l’apanage de la plume de cette chère Hikiko, philosophe/dessinatrice au charbon des temps modernes, qui pose toujours un regard plein d’acuité sur l’actualité.

Je guetterai la fin du monde

Allongée nue dans un transat

Jusqu'à c'que ma peau dorée fonde

Sur mon squelette d'ocre et d'albâtre  

  

Pas vraiment réjouissant, ni annonciateur d’un gigantesque plat d’oursins servi sous cloche d’argent. Mais les BAD TRIPES ont toujours incarné cette sacro-sainte opposition lumière/ténèbres, et leur Punk/Horror/Shock/Cartoon Rock s’est affiné avec le temps, pour devenir un Metal plus franc, parfois robotique, toujours frénétique, et générateur de sensations épidermiques. Et après une, deux, trois - nous irons au bois - écoutes, La Vie la Pute se révèle sans fard ni perruque, et passe aisément du statut d’amateur éclairé à celui de mateur acclamé. Le groupe a encore franchi une étape, et une sacrée, de celles qui vous collent le maillot à pois sur la peau, et qui vous font radiner au son de l’appeau.

Si les précédents albums laissaient parfois place à une légèreté un peu facile, ce quatrième album est d’une perfection hallucinante. Les pistes proposées par les musiciens sont multiples, les couleurs nombreuses, et les humeurs ténébreuses. Outre le single déjà connu, BAD TRIPES profite d’une production exemplaire pour se concentrer sur sa passion cinématographique, et évoquer Franju, mais du point de vue de sa créature. Ce qui nous donne un joli jeu de rôles pour le joli jeu de jambes vocal d’Hikiko, qui table sur l’horreur pour mieux se dévoiler dans toute sa fragilité, qui finalement, est sa plus grande force.

Véritable petit frère des RITA MITSOUKO façon bordel de Mme Louise, BAD TRIPES ose les tonalités Indus des allemands qui paradent en uniforme parmi les belles de nuit, le Slam/Rap noir comme la suie d’une cheminée mal ramonée, et le title-track de nous prendre tous à rebours de son phrasé à la Arm des irremplaçables PSYKICK LYRIKAH, délire organisé en mode post-confinement, la tristesse en bas qui plissent et les regrets en bigoudis fantaisie. Mais la vision de cette existence terrifiante est encore une fois teintée d’amour, cette relation amour/haine que le groupe prône depuis sa création et qui découle souvent sur une poésie crue, mais terriblement attachante :

Tandis que je pleurais dans les bras chauds de ma maman

L'évidence m'a frappée : la vie est une pute

 

Si le côté branquignol de cour des miracles a pu nous séduire sur les œuvres précédentes, il laisse la place ici à un professionnalisme qui laisse des traces. En onze morceaux, BAD TRIPES joue le hat-trick, et évite les fillers avec une facilité déconcertante. L’énergie est une fois de plus incroyable, comme si prendre sa revanche sur le destin était devenu le carburant d’un Techno-Punk Metal affolé et affolant (« Schlass et Paillettes » qui rappelle MY RUIN, MAID OF ACES, Mylène Khaski et Arielle Dombasle en mode sortie de douche trop froide). Parlant des arrangements, qui constituent ce tapis de luxe posé sur un parquet en noyer, entre claviers ludiques et cassures lubriques, et « Afro Girl », « Brûle-moi si tu Peux » de se déguiser en courts-métrages pour les oreilles, avec boîte à musique, riffs tranchés dans l’acier, et ambiance grandiloquente de foire à la paille entre deux manèges à faire hurler de peur.

BAD TRIPES nous dépeint donc un monde exsangue, triste à mourir, et manquant de panache dans son agonie. « Apocalypse Now », plus proche d’un NTM enragé que d’un Francis Ford Coppola dégriffé nous parle ainsi de cette réalité blafarde que nous avons tous vécue derrière nos persiennes, et trouve une fois encore les bons mots pour décrire une situation inédite.

Moi qui rêvais d'incendies, d'un déluge lors d'une éclipse

Comme elle triste, l'apocalypse !

 

Mais heureusement pour nous, les sudistes nous proposent une alternative valable, entre cabaret d’Armageddon et cabinet des curiosités tragi-comique. Celui de boulevard n’a pas sa place ici, et l’amant a depuis longtemps quitté son placard pour faire son coming-out musical. « Supermasochiste » et ses clins d’œil à DIABLO SWING ORCHESTRA et STOLEN BABIES, « La Cadavéreuse », comptine branque et flippante qui t’empêche de dormir entre papa et maman qui se font la gueule, et « Valya », soixante-dix-huit tours bondissant nous accompagnent vers la sortie, pour admirer le triste spectacle d’une humanité en pleine Jean-Michel Aphatie.

BAD TRIPES regarde la vie à l’envers, entre ses jambes, et rend hommage aux Merry Pranksters, Gaspard Noé, Poly Styrene, tout en restant farouchement indépendant. Alors oui :      

La Vie la Pute

Mais une pute fardée, fatiguée, qui de temps à autres se souvient qu’elle sait très bien faire les bouffardes pour presque rien.

 

   

Titres de l’album :

01. La Madrague des Macchabées

02. Les Yeux Sans Visage

03. La Vie la Pute

04. Schlass et Paillettes

05. Afro Girl

06. Brûle-moi si tu Peux

07. Apocalypse Now

08. Jusqu'à la Lie

09. Supermasochiste

10. La Cadavéreuse

11. Valya


Site officiel

Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 18/01/2023 à 18:02
88 %    760

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Ratos de Porão + All Borders Kill

RBD 22/07/2024

Live Report

HELLFEST 2024 / Clisson

Jus de cadavre 15/07/2024

Live Report

Escuela Grind + BMB

RBD 08/07/2024

Live Report

The Mandrake Project Live 2024

Simony 05/07/2024

Live Report

Hatebreed + Crowbar

RBD 18/06/2024

Live Report

Nostromo + Nwar

RBD 03/06/2024

Live Report

Dvne + My Diligence

RBD 29/05/2024

Live Report

Anthems Of Steel VI

Simony 24/05/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Buck Dancer

J'y pensais un peu a leur présence. On parle d'un groupe connu et reconnu a l'international et pour une cérémonie qui mettait en valeur la culture française, c'est qu'il ne soit pas présent qui aurait été malvenu.(...)

27/07/2024, 05:45

Saddam Mustaine

Magnifique ! Magistral ! Des monstres ! 

27/07/2024, 05:12

Totoro

Voilà, Chair de poule pour moi ! Et énormément de fierté ressentie pour le groupe, pour le Metal français, et la scène Metal dans son ensemble. J'ai adoré ! Et la scénographie était top ! Puis c'était du Gojira pur ju(...)

27/07/2024, 01:13

RBD

Pas tout regardé, pas tout aimé mais... ce truc-là était historique.

26/07/2024, 23:12

Jus de cadavre

C'était fou, point barre.

26/07/2024, 23:01

Wildben

Il y aura toujours des pisse-froid pour critiquer mais putain, quelle carrière !

26/07/2024, 20:01

Saul D

Et Lars jouera dans un film d'art et essai de Glen Danzig? Just joking...

26/07/2024, 14:21

Capsf1team

A retrouver en live au Puy du Fou

26/07/2024, 10:24

Humungus

La drogue c'est mal, m'voyez... ... ...

23/07/2024, 07:58

Humungus

J'ai rien contre Agell, mais passer après Wagner, c'est une putain de gageure...A voir (ou plutôt à entendre) ce que cela vaut avec Reagers... ... ...

23/07/2024, 07:43

RBD

L'intermède du projet parallèle Corrupter annonçait assez bien cette suite pour le principal. C'est une forme de retour aux sources du Death le plus obscur, mais par un chemin un peu différent que les premières publications du groupe Cévenol au (...)

22/07/2024, 19:23

totoro

ce serait sympa un nouvel album de Tiamat !Tiens d'ailleurs, quelqu'un aurait-il un retour à faire de leur concert au Hellfest ?Merci d'avance !

21/07/2024, 13:53

Gargan

La signature chez Prophecy laissait supposer un changement de style, on n’est plus en effet sûr du black up tempo. Pas sûr qu’ils aient dû garder le même nom.

20/07/2024, 14:45

Ivan Grozny

Ah mince alors :(

20/07/2024, 11:20

petite catin

En même temps, fallait pas espérer qu'ils reprennent 666 millions d'esclaves et de déchets de Peste Noire.

19/07/2024, 15:49

grinder92

la vidéo du bidule : https://www.youtube.com/watch?v=t0K2EVnkhC0

19/07/2024, 08:12

Jus de cadavre

On me dit dans l'oreillette que la femme de Rob (qui est française) est fan d'Indochine et qu'elle ne serait pas étrangère à cette décision de reprise... L'amour rend aveugle, mais sourd aussi apparemment.

18/07/2024, 14:59

Humungus

Monument.

18/07/2024, 13:39

Humungus

"Kirk et Rob reprennent "L'Aventurier" d'Indochine"... ... ...Le groupe qui aime à se tirer une balle dans le pied quoi !Après l'ignominie de la reprise de Johnny il y a quelques années...A la prochaine date franç(...)

18/07/2024, 09:35

Alain MASSARD

juste excellent!!!!

17/07/2024, 16:30