Oronodromozro

Prophets Of Yahweh

19/02/2019

Autoproduction

Du Metal indien, voilà qui permet pour une fois de s’éloigner des épicentres un peu trop classiques du Metal extrême, même si des preuves patentes de l’éveil de certaines régions commencent à s’accumuler. Mais du côté de Cochin-Kerala, personne ne s’étonne de l’émergence des PROPHETS OF YAHWEH, qui en agitent les murs depuis 2012, et qui ont donc largement eu le temps d’imposer leur nom sur la scène locale et nationale. Et pas seulement en tant que curiosité, mais plutôt par leur talent, qui leur permet aujourd’hui d’exploser de rage sur la scène internationale qui va bien être obligée de prendre en compte leurs capacités créatives éclatantes sur ces huit morceaux éclectiques. Car plusieurs fois étant coutume, il est très difficile de baliser le terrain couvert par ces quatre indiens, trop Death pour être vraiment Metal, mais trop puissants pour n’adhérer qu’aux théories progressives dont ils se réclament pourtant. Fondé par le guitariste/chanteur/compositeur Jithin Peter il y a sept ans, le projet PROPHETS OF YAHWEH se propose d’incarner un éveil spirituel, une élévation par la violence, omniprésente sur les trente-huit minutes de cet album qui ne ménage pas ses efforts pour nous persuader de son bien-fondé. De là à penser que vous pourrez léviter après écoute de l’œuvre en question, il y a un pas que la méditation transcendantale ne me permet pas de franchir au regard de la violence de la musique en question. Mais il est toujours possible d’ouvrir sa perception et d’atteindre un stade supérieur de compréhension en acceptant la cruauté et les injustices du monde, sans en occulter la beauté parfois cachée dans les méandres de l’égoïsme et de la vénalité. Etymologiquement, ce groupe peut faire référence à deux concepts radicalement opposés. Le plus évident étant bien sûr les prophètes de Jésus, et ces témoignages sortis de nulle part qui ont contribué à l’élaboration de la doctrine religieuse telle qu’on la connaît depuis le cinquième siècle. Le moins évident et plus anecdotique se réfère à Ramon Watkins, plus connu aux Etats-Unis sous le nom de The Prophet Yahweh, qui assurait à qui voulait bien l’entendre qu’il avait la possibilité de communiquer avec les extra-terrestres en utilisant des passages de la Bible. De l’un ou de l’autre de ces deux références, inutile de savoir laquelle est la plus pertinente, puisque l’axe religieux les unit. Mais musicalement parlant autant vous dire que ces prophètes-là ne se gênent pas pour hurler leur message au son d’une musique étrange et mystique, qui en appelle tout autant au Death le plus brutal qu’au plus évolutif.

Quatuor (Jithin Peter - guitare/chant, Robin Xavier - guitare, Chris Martin - basse et Gokul VG - batterie), PROPHETS OF YAHWEH ne se réclame que d’un seul culte, celui de la musique, qu’ils considèrent comme la seule religion viable. Et en huit morceaux, ils prouvent leurs dires, argumentant de la véhémence globale à l’aide d’une complexité de ton qui en appelle au Death le plus progressif et intrigant. Difficile toutefois de les classer dans une frange particulière de l’extrême, puisqu’ils en utilisent tous les codes, passant sans vergogne de la force de frappe philosophique des GOJIRA à l’étrangeté d’un GORGUTS encore plus inextricable qu’à l’ordinaire, sans renier quelques dogmes enseignés par STRAPPING YOUNG LAD ou même DODECAHEDRON, sans toutefois se perdre sur les chemins blasphématoires du BM. Difficile donc d’expliquer avec précision l’optique choisie par les indiens, qui sont capables sur trois minutes et des poussières de caser plus d’idées que bien des combos en un album entier (« The Mighty March »). Brutaux, impénétrables, les quatre musiciens n’en oublient pas pour autant d’être musicaux, et surtout, suffisamment versatiles pour ne pas nous ennuyer au bout de quelques instants. Et si l’ouverture dantesque de « Oronodromozro » place les débats sur le terrain de l’éclectisme avec son intro harmonieuse, nous sommes vite fixés sur les intentions violentes du quatuor qui tisse un canevas de riffs gravissimes. Le crescendo proposé par cette entame rapproche donc Oronodromozro d’une vision très personnelle du Metal extrême le plus élaboré, évidemment très proche d’un Néo-Death contemporain et conscient de ses capacités techniques, mais largement assez intelligent pour imposer des structures logiques. Pas de débordement chaotique à craindre donc, même si l’intensité globale prend parfois des airs de second big-bang, mais de la musicalité, et une habileté instrumentale permettant toutes les audaces. Dissonances bienvenues, voix abyssale, motifs de guitare qui tournoient, pour mieux laisser place à des arrangements éthérés, et un voyage aux confins des croyances et des convictions qui pénètre la conscience comme un mantra unique. Et en privilégiant des formats courts, les indiens ont fait le bon choix, eux qui justement n’ont pas besoin de dix minutes pour offrir des plans conséquents et pertinents.

Quelques blasts assurent le surplus d’énergie dont certains morceaux ont besoin, et nous atteignons parfois des pics de densité assez effrayants, à l’instar de ceux érigés par le terrifiant « Critical » qui sonne comme un avertissement athée aux grondements inquiétants. Et avec quelques inserts orientaux en filigrane discret, le concept global offre un dépaysement dans la brutalité que les plus ouverts sauront apprécier, d’autant qu’on se demande souvent si l’on foule une terre Heavy sacrée ou un sol aride Death et blasphématoire. Mais entre une toile de riffs aux mailles serrées et un accompagnement de chant qui fait plus office de troisième ligne rythmique qu’autre chose, pas vraiment le temps de se poser de questions inutiles, d’autant plus qu’aucune réponse ne nous sera prodiguée. Il suffit de faire confiance à nos guides spirituels pour nous aiguiller sur le chemin de la rédemption artistique, dont ils connaissent les principes, se partageant sans cesse entre ascétisme harmonique et déchaînement rythmique. Les pauses sont donc bienvenues, et tout sauf gratuites, évoquant alors plus directement une forme humble de progressif des années 90 qui accepterait le temps qui passe et la cruauté instrumentale qui en découle, un peu comme si le Djent de PERIPHERY s’accommodait du Death des GORGUTS sans perdre son identité propre (« No More »). Performances individuelles notables et conséquentes, inclinaisons Néo-Thrash rappelant même parfois la nouvelle école scandinave du genre (« WW3 », plus efficace qu’un duo entre AT THE GATES et SOILWORK), pour un final processionnel qui pousse les paroxysmes à leur niveau le plus élevé, dans une acmé de clôture qui en dit long sur les compétences de ces musiciens. La production très ample permet de décoller vers les cieux les plus striés d’éclairs, et « Lucid Dream » d’utiliser les cris les plus excessifs comme instrument à part entière, pour souligner l’écrasement d’un Heavy porté à ébullition Death.

Progressif bien sûr, eut égard à la somme d’idées et de digressions proposées, Death à cause de cette intensité omniprésente et jamais démentie, Heavy pour ces guitares qui ne renoncent jamais à une forme de traditionalisme traduite dans un vocable moins engoncé, Oronodromozro est une expérience personnelle que l’on partage avec d’autres pour atteindre un degré supérieur de conscience musicale. Difficile de savoir si les PROPHETS OF YAHWEH le seront en leur pays ou ailleurs, mais leurs discours vaut bien tous les évangiles et versets de l’histoire, puisque finalement, la musique reste la seule religion honnête et sincère que l’on puisse vénérer.      

  

Titres de l'album :

                        1.Oronodromozro

                        2.Critical

                        3.Exodus

                        4.No More

                        5.The Mighty March

                        6.Cure

                        7.WW3

                        8.Lucid Dream

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par mortne2001 le 28/04/2019 à 18:27
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