Overseas

White Coven

20/10/2018

Autoproduction

Allez, juste un coup d’œil aux photos promo du groupe vous permettra d’en savoir plus. Sept musiciens, dont trois guitaristes, un look qui fleure bon les seventies, un vieux bus abandonné et rouillé, et le décor est planté. Et plutôt bien planté. Avec un minimum de recul, on pourrait croire les clichés pris du côté de Detroit ou d’Austin, et pourtant, ces nouveaux-venus n’ont pas appris la musique de l’autre côté de l’Atlantique, mais au sud de chez nous, à Saragosse, capitale de l’Aragon, mais je vous mets au défi de trouver de quelconques racines ibères dans leurs morceaux. Non, ces chansons-là donnent clairement le sentiment d’avoir été élaborées backstage, lors d’un festival genre Monterey ou l’île de Wight, il y a quelques dizaines d’années. De là, vous allez me dire que je vais encore vous rebattre les oreilles avec du vintage plus poli qu’honnête, et pourtant, ce premier album des espagnols de WHITE COVEN ne s’affilie pas vraiment à cette mode qui connaît ses limites depuis un bail, et qui se contente de nous refourguer des ersatz plus ou moins malins de sonorités d’autrefois…Sept musiciens donc, pour une sorte de big band en big bang, qui n’a rien oublié de l’explosion Rock originelle, celle qui avait transformé les années 70 en champ de sueur et de stupre. Et ici, on en résume toutes les théories, traficotant avec le Folk pour se réconcilier avec le Rock, sans honte ni gêne, mais avec un talent imparable qui fait parler les gènes. Country, Bayou, sudiste, tout y passe, avec un brio incroyable, et il n’est dès lors pas difficile de comprendre pourquoi le nom de WHITE COVEN s’affiche sur de nombreuses lèvres depuis 2014, et leur participation à des festivals, des concours, durant lesquels ils ont brillé et qui leur a permis de sauter sur le tremplin de la notoriété.

Vintage Rock non, mais quoi alors ? Tout simplement du Rock, et du Hard-Rock par extension, sans fioritures, mais avec beaucoup d’ambition. Enregistré sur trois ans séparant 2015 de 2018, cet Overseas est un véritable festival de savoir-vivre et savoir-jouer, qui replace enfin dans les débats le fond, au détriment de la forme. Né de l’union de Sara Lapiedra (chant), Josete Meléndez (claviers), Daniel Penon (batterie), David Buila, Juan Cervera, Mario Gutiérrez (guitares) et Carlos Viejo (basse), WHITE COVEN pourrait facilement s’apparenter à une traduction espagnole du vocable des LYNYRD SKYNYRD ou toute autre entité sudiste de légende (38 SPECIALS par exemple), mais avec un nom pareil et des références aux COVEN mystiques et au White Room de CREAM, les possibilité sont infinies, et traduites ici dans un idiome très personnel, qui ne crache pas sur un brin d’ouverture musicale. Ouverture se concrétisant pas une acceptation de tous les courants en vogue il y a quarante ans, entre Progressif, Soul, Country, et tout ce qui permet à l’âme de s’exprimer dans un contexte roots. On se retrouve donc face à un disque parfaitement décomplexé, intemporel, pouvant suggérer des accointances avec Lenny Kravitz, tout en prêtant allégeance à Ike & Tina Turner, en effectuant une jolie génuflexion face au fantôme des LED ZEPPELIN. Mais malgré toutes ces influences forcément revendiquées par tous les groupes se réclamant d’un Rock ancien, je ne peux m’empêcher de trouver aux espagnols une personnalité très forte, qui leur évite l’écueil de la paraphrase trop respectueuse…Au premier plan des héros du jour, évidemment, cette triplette de guitaristes qui s’en donnent à cœur joie, mais pas seulement en trustant le devant de scène les amplis à fond. Les tricoteurs ont l’intelligence de ne pas occuper tout le terrain, histoire de laisser de la place à la basse et surtout au chant de la délicieuse Sara (au timbre combiné de la grâce de Jewel et du grain d’Amy Winehouse), qui de son coulé Soul anime des instrumentaux travaillés, et pas seulement improvisés. La chanteuse prend parfois des airs de fille illégitime de Janis Joplin et Stevie Nicks, et transcende le Blues pour le magnifier Soul, comme en témoigne le lourd et suintant « Sedative », qu’une Annette Peacock en rupture d’avant-gardisme aurait pu composer en son temps. Le Blues, autre composante majeure de l’ensemble, qui en utilise les codes sans en imposer le verbe, et qui teinte ses morceaux d’un feeling incroyable, en crescendo d’émotion, sans jamais sombrer dans le piège de l’autosatisfaction en masturbation de musiciens incapables de s’arrêter quand il faut. En résulte des chansons, des vraies, au son qui prend aux tripes (tout a été capté en analogique visiblement, ceci expliquant cela), et aux volutes d’orgue Hammond qui vous pénètre les oreilles avec la délicatesse d’un rêve de nostalgie.

Et sans vous en rendre compte, les cinquante minutes de ce voyage dans le temps vont passer très vite, d’autant plus qu’un cinquième d’Overseas est occupé par une piste unique, longue de dix minutes. Mais avant d’en arriver à cet épilogue, vous devrez passer par des étapes successives, qui forment un voyage au long-cours du côté des Etats-Unis, des années 60 au milieu des années 70. On commence d’ailleurs par un démarrage tonitruant, Blues-Rock en avant, avec ce « Woman » et point de jonction entre Kravitz et les LYNYRD, pour une entame électrique mettant les bottlenecks sur les manches pour nous livrer une joute guitaristique et rythmique joussive comme le fond d’un baril de whiskey. « Brief Old Tale » enfonce le clou, et se souvient avec brio et malice du groove déhanché de l’AEROSMITH des premières années, pour une mise en selle musclée avant regroupement du troupeau dans les tranchées. En deux morceaux seulement, les originaires de Saragosse nous captivent, et nous entraînent sur la piste d’un Rock vraiment amoureux de ses racines, et par passion, et non effet de mode. Alors que parfois, les GRETA VAN FLEET semble user de gimmicks, alors que les suédois n’en peuvent plus de reproduire à l’identique les sonorités 80’s, les WHITE COVEN se contentent d’appliquer des recettes classiques avec un feeling très personnel, pour nous offrir une prestation de très grande classe, et qui plus est, d’une variété absolue. Ainsi, après deux décharges d’adrénaline en plein cœur, les espagnols tamisent la lumière et se lovent au creux du LED ZEPPELIN de III, pour un long moment d’émotion sous la lune. « Moonroom », archétype de fausse ballade en crescendo est résolument le premier point fort de l’album, avec sa basse en circonvolutions et ses sensations de coton. « Farewell » de son côté joue sur les images western, et tape sur une grosse caisse pour vous faire frapper dans vos mains, dansant Country pour mieux boire entre amis, ambiance du samedi soir pour relecture de standards. En quatre morceaux, Overseas offre déjà plus de diversité que n’importe quel autre album estampillé vintage, et passe en revue le catalogue de musique populaire US de façon tout à fait honnête et sincère, sans esbroufe, mais avec beaucoup de talent.

 

Et même en ayant emprunté du matériel à droite à gauche, en ayant bénéficié de largesses d’utilisation de studios, la personnalité intrinsèque des musiciens leur permet de réussir là où les BLACK CROWES ont presque toujours échoué. Puissance veloutée polie mais pas atténuée par un son vraiment chaud, soudains éclairs d’électricité pure pour réchauffer l’atmosphère (« Your Time Is Over »), adjonction de lourdeur SABBATH à la sensualité naturelle de Robert Plant et Jimmy Page (« Coven », qui ridiculise en cinq minutes la discographie complète des KINGDOM COME), et final orgiaque en Blues Soul intime, validant la compréhension d’une décade de musique américaine par la complexité de trois guitares jouant parfaitement leur rôle. Et dans leur peau de musiciens échappés en douce de seventies éclairées, les WHITE COVEN peuvent se permettre de jouer la carte de la nostalgie, tant celle-ci se transforme en carré d’as de bonheur entre leurs mains expertes. Un premier album en coup de maître, qui s’écoute comme un incunable du genre, et qui rend les petits matins brumeux beaucoup plus lumineux.


Titres de l'album :

                          1.Woman

                          2.Brief Old Tale

                          3.Moonroom

                          4.Farewell

                          5.The Razorback (instrumental)

                          6.Your Time is Over

                          7.Sedative

                          8.Coven

                          9.Overseas

Bandcamp officiel

Facebook officiel


par mortne2001 le 16/11/2018 à 16:27
95 %    919

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Midnight + Cyclone + High Command // Paris

Mold_Putrefaction 24/04/2024

Live Report

DIONYSIAQUE + JADE @La Chaouée

Simony 23/04/2024

Live Report

Enslaved + Svalbard + Wayfarer

RBD 20/03/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : BLOODY RITUAL

Jus de cadavre 17/03/2024

Vidéos

Crisix + Dead Winds

RBD 20/02/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
roulure

true norwegian roue libre

26/04/2024, 13:40

Simony

Yes, et demain samedi, c'est WITCHTHROAT SERPENT et ORBIS au Nirvana Pub-Club de Nancy.Si j'avais le temps de renseigner la partie gigs de ce site....

26/04/2024, 13:35

Simony

Yes, et demain samedi, c'est WITCHTHROAT SERPENT et ORBIS au Nirvana Pub-Club de Nancy.Si j'avais le temps de renseigner la partie gigs de ce site....

26/04/2024, 13:35

Humungus

Putain !Si j'avais été au jus de cette date, j'aurai fait le déplacement boudiou...Pis je vois que tu causes de BARABBAS à Nancy ?!Et c'est... ... ... Ce soir.Re-Putain !

25/04/2024, 13:28

Tut tut!

25/04/2024, 12:44

Gargan

ça me fait penser à moi ivre mort parodiant Maurice Bejart, sur fond de Stravinski. Plus glucose, tu meurs. Mauriiiiice !

25/04/2024, 10:28

DPD

Mes confuses malgré mon instinct qui tapait dans le juste, rien avoir avec le gaillard à qui je pensais.

24/04/2024, 14:26

RBD

Vu récemment avec Napalm Death, et ça faisait plaisir de voir que beaucoup de gens connaissent leur Histoire du Death Metal car il y avait de vrais fans. Surtout, la formule D-Beat basique et efficace du père Speckmann fonctionne bien en live 

23/04/2024, 09:55

LeMoustre

Excellent disque avec un gros point fort sur le riffing atomique. La pochette m'évoque clairement celle de Nothingface, version bio-mécanique

22/04/2024, 18:04

Arioch91

Ca fleure bon le vieux Kreator période Pleasure to Kill ! Prod' crade, aux antipodes des trucs surproduits de certains groupes et quand ça speede, ça rigole pas.

21/04/2024, 19:52

Poderosos/Magnificencia/Técnica Suprema

Los Maestros del BRUTAL DEATH GRIND

21/04/2024, 19:50

Pomah

+1 Gargan, influence Mgla je trouve par moment. 

21/04/2024, 09:20

Jus de cadavre

Là clairement le label est dans son droit à 100%. Warner a racheté l'ancien label de Kickback, ils en font ce qu'ils veulent du catalogue. Après, l'élégance, une telle multinationale elle s'en beurre la raie. Mais je peux comprendre qu(...)

20/04/2024, 23:36

Tourista

Mouiii, pas faux. Les gonzes ont signé.Mais ça me rappelle Peter Steele qui avait voulu défenestrer un type dans les bureaux de Roadrunner après avoir découvert que le label ressortait les albums de Ca(...)

20/04/2024, 20:06

Tourista

Devinez où il se Lemmy. (ne me raccompagnez pas, je sors tout seul)

20/04/2024, 19:58

Grosse pute

Attention, les mecs ne se font pas "enfler". C'est juste que Warner ne leur a pas demandé leur avis pour rééditer le bazar et les mecs parlent donc d'édition pirate, alors que Warner a bien les droits sur le disque. Après, Kickback, ce ne son(...)

20/04/2024, 06:26

Tourista

Désolé pour les coquilles monstrueuses.  Merci la saisie automatique.

19/04/2024, 20:51

Tourista

Non bien sûr je plaisantais, M'sieur Heaulme. Un artiste qui se fait enfler a mille fois raison d'en parler !   Et je sais malheureusement de quoi je parle.Respect pour Kickback. Content que tu les pu voir ce docu.

19/04/2024, 18:08

Humungus

@Tourista :- "On s'en cogne"Bah non...- Tu t'es achement bien rattrapé avec ce docu qui était totalement passé à côté de mes radars.Exceptionnel.C'est pas C8 qui passerait ça bordel...

19/04/2024, 15:54

grosse pute

Au lieu d'aller baiser des gamines et des ladyboys à Bangkok, Stephan aurait dû apprendre à lire les contrats qu'il signe.

19/04/2024, 15:20