Tous ceux ayant fricoté de près ou de loin avec la scène Glam américaine de la fin des années 80 sont virtuellement potes avec ce bon vieux Chip Z'nuff. Tout du moins liés par la musique, et une certaine vision du Rock n’Roll, héritée des années 60, lorsque les BEATLES expérimentaient à tout va à cause des drogues au point de populariser le psychédélisme au travers du prisme LSD de leur propre génie mélodique. Et dire que Chip Z'nuff a été influencé par les BEATLES est un truisme que le premier album de ENUFF Z’NUFF soulignait de ses mélodies de guingois et de son attitude pour le moins lysergique. Ce groupe unique était drôle sur papier, coloré dans les faits, mais bien plus malin artistiquement que bon nombre de ses confrères pailletés. En effet, au lieu de se caler sur la ligne du parti de L.A., les NUFF ont choisi une autre voie, plus complexe mais incroyablement plus enrichissante, celle du Glam psychédélique. Et depuis l’émergence du groupe, il n’a eu de cesse de propager la bonne parole défoncée d’un Hard Rock joué à la CHEAP TRICK sous acides BEATLES.
Alors, lorsque le nom de Chip Z'nuff revient sur les fax en solitaire, tout critique digne de ce nom prend son clavier pour coucher ses impressions. Il écoute bien sur l’album avant de prendre une décision, mais celle-ci est fantoche, puisque le choix est déjà fait : on aime tous Chip, et on adore sa musique. Dix-sept albums avec son propre groupe, ça suffit largement pour accorder sa confiance à l’aveugle, puisqu’on sait très bien ce qui nous attend. Un album haut en couleurs, haut en délires, gorgé de mélodies, et évidemment frappé du sceau de cette musique unique, vestige hippie improbable de l’ère Glam un peu trop fardée. Mais que dit Chip sur ce premier album solo qui le voit battre son propre pavillon ?
« Toutes les chansons ont été écrites telles que je vois le monde à travers mes lunettes roses. Cet album, c’est ma lettre à l’héroïne pour la nouvelle génération ».
Si la drogue rentre en jeu Chip a perdu d’avance, puisque celle de cette nouvelle génération est beaucoup plus dure que n’importe quel acide, la réalité virtuelle. Alors, pour lutter contre cette évasion de la réalité trop dangereuse pour être cautionnée, Chip a versé un peu de LSD dans nos esgourdes, pour nous proposer une échappatoire plus ludique : l’évasion par la musique la plus colorée qui soit, comme si le TEARS FOR FEARS de Sowing The Seeds of Love rencontrait le CHEAP TRICK de Dream Police chez un disquaire passant le « Rain » des BEATLES en boucle tout l’après-midi.
Des formules, il en faut, mais autant ne pas en abuser. Pour l’occasion et pour décrire ce disque avec plus d’honnêteté, disons que Chip a comme d’habitude endossé bien des costumes, celui de compositeur évidemment, d’auteur bien sûr, mais aussi de chanteur/bassiste, de guitariste et même de soliste à l’occasion, taquinant parfois le mellotron. Accompagné par pas moins de trois batteurs, dont son grand ami Steven Adler (plus Daxx Neilsen (CHEAP TRICK) et Daniel Hill (ENUFF Z'NUFF)), et soutenu par quelques leads signés Joel Hoekstra (WHITESNAKE, TRANS-SIBERIAN ORCHESTRA), Chip s’en est donc donné à lunettes joie, et a même récupéré un ancien titre co-écrit par son compère/chanteur Donnie Vie (« Heaven In A Bottle »), se permettant au passage de citer les MOTT THE HOOPLE dans le texte via leur classique « Honaloochie Boogie ». Du beau monde, de grands noms, mais est-ce pour autant que Perfectly Imperfect est un grand album, postulat définitif de la carrière d’un des musiciens les plus charmants et attachants de l’Illinois ?
Oui, mais attention. Perfectly Imperfect mérite son nom, et est effectivement parfaitement imparfait.
On y trouve tout ce qui a fait le charme de ce bassiste/chanteur goguenard, à l’air perpétuellement ailleurs, mais terriblement affuté lorsqu’il s’agit de travailler. On y trouve ces mélodies défoncées qui parsèment tous les albums de son groupe, mais on y note aussi un adoucissement général, et des guitares moins agressives qu’à l’accoutumée.
Ainsi, on pourrait presque envisager cet album comme un parfait disque de Pop-Rock traumatisé par les sixties, et old-school à sa façon, mais loin d’un simple Hard-Rock joué comme à l’époque. Après tout, Chip était là à l’époque, et n’a plus rien à prouver depuis longtemps, alors, il s’est simplement fait plaisir, et nous a troussé dix hymnes à cette décennie qu’il aurait aimé vivre musicalement, taquinant parfois le meilleur de la Pop psychédélique avec un morceau comme « I Still Hail You », qui excuse de sa pureté le côté pomp de l’intro « The Church ». Mais peut-on en vouloir à ce messie de rameuter ses brebis dans son église de la liberté, spécialement lorsqu’il leur offre une fête de la trempe de « Welcome To The Party » ?
Avouons-le, Chip nous donne avec ce premier album tout ce qu’on est en droit d’attendre de lui. De la légèreté de bulles de savon s’élevant dans un ciel azur, les silhouettes sculpturales de bombes atomiques blondes vues à travers d’immenses lunettes de soleil roses, la chaleur d’Ibiza planant au-dessus de la Californie, et une certaine vision du farniente qui ressemble beaucoup à une villégiature entre amis.
Le bassiste/chanteur ineffable le dit lui-même, il est juste un mec lambda (« Ordinary Man »), qui groove, roucoule, essaie de rassembler ses esprits, tout en couchant sur guitare des mélodies incroyables. Si le manque de puissance globale sera peut-être regretté par les die-hard, les autres se délecteront de ces chansons simples, Pop (« 3 Way » »), parfois plus sombres (« Heroin »), mais tout le monde sera d’accord sur un point : Chip Z'nuff est resté le même, honnête, et roublard derrière ses binocles.
Perfectly Imperfect, escapade en mode mineur, donne chaud au cœur. Il altère gentiment la perception sans effets secondaires, et nous fait planer sans craindre la chute. Mais l’addiction est réelle. Et délicieuse comme un bonbon acidulé un peu passé.
Titres de l’album :
01. The Church
02. Welcome To The Party
03. Doctor (I'm Going Down Can You Save Me?)
04. Ordinary Man
05. Heaven In A Bottle
06. Roll On
07. I Still Hail You
08. 3 Way
09. Heroin
10. Honaloochie Boogie
Napalm Death + Dropdead + Siberian Meat Grinder + Escuela Grind
Mold_Putrefaction 01/03/2023
@Humungus : Oui "Hamburger Lady" est en effet un incontournable, mais présent dans trop de listes pour que je le mentionne ici. @Orphan : Tout à fait d'accord pour Battle Of Mice, l'album est vraiment atypique et extraordinaire. Et merci pour le lien (...)
20/03/2023, 12:39
Taf remarquable au demeurant !(Ravi qu'on entende parler de Diamanda Galas aussi)
20/03/2023, 12:09
@Humungus : Oh que oui STALAGGH et son triptyque projekt c'est du très très lourd ! - je crois que Feldup en a parlé - je garde précieusement mes CD Dans un autre registre mais qui fait son effet, il y a aussi l'album
20/03/2023, 11:40
En conseillant cet article à un ami, il m'a renvoyé vers ça :THROBBING GRISTLE - hamburger lady (live Turin 2005.06.29) - YouTubeEffectivement... C'est du lourd aussi.
20/03/2023, 07:21
Ah je me réjouis de cette sortie. J'aime bien le morceau aussi : en revanche, j'ai les oreilles fatiguées ou le solo sonne complètement faux ?
19/03/2023, 10:40
Vus pour ma part aux Arènes de Nîmes, clair que ça fait bizarre d'être assis, mais au delà de ça, setlist pour ma part pas assez axée sur les chefs d'oeuvre du groupe. Après, oui, les poils se hérissent dès lors que les(...)
19/03/2023, 09:39
Bah elle est marrante cette pochette, en regard des précédentes du groupe. C'est dans l'esprit, même s'il manque Gene dessus lol. Bonne nouvelle que cette sortie que j'attendais pas. Le morceau un peu trop power européen, à voir sur l'ens(...)
19/03/2023, 09:33
C'est très loin d'être dégueulasse, très svart, merci pour la chro cher Stakhanov.
18/03/2023, 18:43
J'étais allez voir DCD à l’Élysée-Montmartre, debout et cela avait été comme une révélation divine. DCD m’a toujours transporté très haut. Puis une autre fois au grand rex, assis ;) J'ai lu avec beaucoup d(...)
18/03/2023, 10:20
Si là les dieux sont furieux, je n'ose pas imaginer quand ils sont fatigués...
17/03/2023, 17:30
Curieux de poser une oreille sur l'album mais en même temps, le morceau en extrait ne laisse pas présager du meilleur. Et puis cette pochette!
14/03/2023, 13:38
J'ai longuement hésité à m'y rendre quand j'ai vu que BARABBAS était à l'affiche de cette année...Pis, malheureusement, des aléas financiers ont fait que j'ai dû annuler ma venue.Tant pis... Je me rattra(...)
14/03/2023, 07:30
Je vous remercie de vos retours, et je suis vraiment content que ce dossier vous plaise, le sujet étant parfois très loin du Metal. Je ne me prétends ni auteur et encore moins journaliste, je suis juste quelqu'un comme vous, un passionné qui partage quelques trucs(...)
13/03/2023, 21:58