Rejoice In The Suffering

Todd La Torre

05/02/2021

Rat Pak Records

En huit ans et trois albums, Todd La Torrre a su faire oublier qu’un jour, le chanteur de QUEENRYCHE s’appelait encore Geoff Tate. Il a dû affronter une situation difficile et une séparation pour le moins chaotique, mais il a réussi à s’imposer comme le vocaliste 2.0 de ce groupe unique, alors que Tate s’enfonçait progressivement dans le grotesque et le remâché le moins pardonnable. Il n’y a pourtant rien de plus difficile dans la musique que de se glisser dans les cordes vocales d’un hurleur de légende, et ce ne sont ni Blaze Bailey ni Tim Owens qui vont me contredire. Mais sa voix passe crème sur les trois derniers albums studio du groupe (Queensrÿche, Condition Hüman et The Verdict), à tel point que l’homme a pris confiance, suffisamment pour oser se lancer sous son propre nom. Certes, les risques sont mesurés au jugé de son talent inimitable d’homme capable de chanter tout mais pas n’importe quoi, mais un album solo est toujours un sacré défi à relever, et là encore, ce ne sont ni Bruce Dickinson, ni Rob Halford qui vont me contredire. Les fans ont rarement envie de voir leurs héros dans un autre costume que celui que leur groupe officiel leur a taillé, et c’est sans doute pour cette raison que Todd ne s’est pas trop éloigné de son style usuel. Et soutenu par la grosse structure US Rat Pak Records, Todd nous présente donc le fruit de ses réflexions en solitaire, avec une poignée de titres que le QUEENSRYCHE moderne aurait pu chanter en durcissant légèrement le ton.

En s’appuyant sur les solides épaules de musiciens rodés à l’exercice, Todd a fait le bon choix, et nous retrouvons le fantastique chanteur entouré de Craig Blackwell, virtuose floridien, et Zeuss (HATEBREED, CROWBAR, OVERKILL, HEATHEN) à la production, au mixage et au mastering. En résulte un album fort en gueule, fort en son, mais capable de nuances intéressantes mettant admirablement bien en valeur les capacités infinies de ce chanteur au timbre unique, mais très proche de celui de Tate.

Fans du QUEENSRYCHE le plus récent, jetez-vous évidemment sur cet album qui aurait pu être gravé par votre groupe préféré. Fans de Todd, ne manquez surtout pas sa performance hors norme, pleine de délicatesse parfois, mais surtout vouée aux gémonies d’un Metal tirant sur le Power le plus puissant. Entre un CRIMSON GLORY méchamment énervé et un NEVERMORE classique, Rejoice In The Suffering joue avec les frontières séparant le Metal moderne de son pendant le plus traditionnel des années 80, et un morceau comme « Crossroads to Insanity » aurait très bien pu figurer sur le chef d’œuvre Operation Mindcrime, tout comme sur le séminal Transcendance des GLORY. A quatre mains, Todd et Craig ont accompli un travail de titan pour que ce premier album fasse honneur à la discographie de La Torre, et si le premier s’est chargé du chant, de la batterie et de la production, le second a assumé la guitare, la basse, les claviers et l’autre partie de la production. Plus que d’album solo, il convient donc de parler d’album en duo, et la complicité entre les deux hommes est palpable. Tout au plus pourrons nous regretter le côté parfois un peu générique du son, qui uniformisé par Zeuss ne permet pas toujours au LP de se distinguer de la masse des sorties actuelles, spécialement lorsque la tension monte d’un cran.

Aux côtés des deux hommes, nous retrouvons un ou deux invités de marque, Jordan Ziff  venu poser un solo sur « Rejoice in the Suffering » et Al Nunn enchanté de s’occuper des claviers sur « One by One », mais il est évident que ce Rejoice In The Suffering est l’œuvre de deux hommes se connaissant et se complétant à merveille. Et dès l‘entame  « Dogmata », tout est dit et avec beaucoup d’emphase, le Heavy sera roi, et méchamment adroit. Sur un tempo échevelé à la PRIEST, le duo se rapproche des épisodes les plus flamboyants du Heavy Metal américain des années 80/90, citant RIOT, NEVERMORE, pour se caler sur une ligne de conduite virile, mais mélodique, à la lisière d’un Thrash à la SANCTUARY boosté de FIGHT. Le chant de Todd, versatile comme d’habitude n’a rien perdu de sa superbe, et s’exprime dans un autre contexte que celui plus figé de QUEENSRYCHE, ce qui permet à Todd de se laisser aller à des harangues très agressives et de prouver qu’il aurait largement sa place dans un combo pur Thrash.

Jouer viril c’est bien, insister sur la puissance aussi, enchaîner avec un morceau aussi fort que « Pretenders » également, mais ce qui fait la richesse d’un album, c’est aussi la variété, et le duo l’a bien compris. Après quelques salves viriles, Todd emprunte des chemins de traverse pour moduler ses infections, et ose le groove, le déhanché et les syncopes à l’occasion du terriblement catchy « Hellbound and Down », avant de revenir sur la berge d’un Metal mordant et torride via « Critical Cynic ». Conscient des enjeux, mais acceptant aussi le côté « parenthèse » de cet album, Todd joue donc entre la gravité et l’humilité pour ne pas décevoir ses fans, et s’éloigne quand il faut de ses racines habituelles. Mais nous le retrouvons à son meilleur niveau dramatique sur le dernier titre « Apology », qui lui non plus n’aurait pas dépareillé sur un album récent du RYCHE.   

Tout y passe, tout ce qui fait l’univers du chanteur, les déroulés lyriques mais pudiques sur le superbe « Vexed », les accélérations puissantes et l’humeur massacrante sur l’overspeedé « Vanguards of the Dawn Wall », à même de faire passer OVERKILL et DESTRUCTION pour de vulgaires boniches Hard Rock (et qui renvoie facilement le dernier HEATHEN dans les cordes), et nous ressortons de l’écoute de ce premier album solo avec un arrière-gout de confirmation absolue dans les tympans. Non seulement, Todd est un formidable chanteur, comme on en rencontre un sur mille, mais en plus, l‘homme a du goût et sait se débrouiller seul. C’est ce qu’il faut retenir d’un album concis et solide de bout en bout, qui renvoie la concurrence dans les cordes, et qui joue avec les codes sans tomber dans les clichés de la complaisance.        

    

A noter que l’album est disponible en plusieurs versions et que l’une d’entre elles propose trois morceaux bonus. Ces titres sont peut-être d’une qualité moindre, mais méritent quand même l’attention, même s’ils n’ont pas la superbe des dix morceaux officiels.

Todd est donc un homme heureux et comblé, avec QUEENSRYCHE ou sans et Rejoice In The Suffering est tout sauf une douleur pour l’auditeur. Plutôt une superbe démonstration de Metal traditionnel traduit dans un langage plus contemporain. 

 

                                                

Titres de l’album:

01. Dogmata

02. Pretenders

03. Hellbound and Down

04. Darkened Majesty

05. Crossroads to Insanity

06. Critical Cynic

07. Rejoice in the Suffering

08. Vexed

09. Vanguards of the Dawn Wall

10. Apology


Site officiel

Facebook officiel


par mortne2001 le 15/02/2021 à 17:25
88 %    419

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Front 242 + Gérard Jugno 106

RBD 28/03/2023

Live Report

25ème Convention Rock'n'Metal

Simony 13/03/2023

Live Report

Wormrot + Pound + Dying Earth

RBD 12/03/2023

Live Report

Gojira à Bercy

RBD 03/03/2023

Live Report

Disturbing Music : Ascenseur pour l'échafaud

mortne2001 27/02/2023

La cave

Voyage au centre de la scène : 6 chroniques !

Jus de cadavre 19/02/2023

Vidéos
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Gargan

Très très gros boulot sur l'album, mélange étonnant et unique entre sonorités typiques prog 70 et passages à tendance black. Un peu plus de mal sur l'interview en revanche, j'ai du respect pour les personnes victimes de dysphori(...)

28/03/2023, 22:32

Pomah

Chouette Interview, ca donne change un peu de sujets et ce n'est pas pour me déplaire.Niveau musique je suis allé jeter une oreille, ce n'est pas mauvais, mais cela ne m'inspire pas trop. Je passe mon tour...

28/03/2023, 13:22

Simony

Bon rétablissement à lui.

27/03/2023, 12:37

Arno

Idem, musique sympa mais sa voix est juste pas possible.Dommage 

26/03/2023, 03:22

Album parfait

Une tuerie sans faute 

25/03/2023, 21:30

mamakin

oui la gauche islamiste de Mélenchon c'est mieux

25/03/2023, 20:50

kadl

super bassine

25/03/2023, 20:48

Gurkkhas

Le batteur Nico fait aussi parti de la reformation. Merci à Metalnews!

25/03/2023, 12:29

Humungus

Achat !!!

25/03/2023, 10:13

bof

bof

24/03/2023, 20:47

Saul D

Apparemment le père Christian Logue n'est pas au chant, c'est un "petit jeune", après (en écoutant "Stars Crossed Lovers"), ce n'est pas le style des 2 premiers albums/mini album ("After the fall from Grace")...why not.... peut-&ec(...)

24/03/2023, 17:44

Saul D

Le chanteur avait aussi un label...

24/03/2023, 17:37

RBD

Bou diou je l'avais à l'époque, avec le suivant. Ils étaient chez Nuclear Blast, ça aidait à se faire connaître.

23/03/2023, 16:06

Steelvore666

@NecroKosmos : je suis d'accord avec toi. Autant cette nouvelle est assez inattendue, autant je ne garde pas un souvenir impérissable des albums de ce combo. Mais on peut toujours être surpris !  Et puis c'est breton, donc ils méritent largement une seconde chan(...)

23/03/2023, 08:09

NecroKosmos

Ce serait bien qu'ils cherchent aussi un batteur, non ?! Ca me rappelle de vieux souvenirs, ce groupe. Je les ai connus avec la démo 'Alice in horrorland' qui était assez moyenne. Bon, leurs albums ne cassaient pas trois pattes à un canard (mort). Et ce show &a(...)

23/03/2023, 07:37

NecroKosmos

Bof. Ca tourne un peu en rond quand même là, non ?!

23/03/2023, 07:33

NecroKosmos

Achat direct !! Un groupe hélas trop peu connu qui a sorti une quantité incroyables d'albums géniaux. J'espère que j'aurais l'occasion de les revoir une dernière fois sur scène. 

23/03/2023, 06:28

coqflo

mauvais album pour ma part trop de chansons ole ole pour fear factory dommage

22/03/2023, 12:41

Steelvore666

Good !!!!!

22/03/2023, 08:02

Fion4000

21/03/2023, 08:05