Slide Back into Misery

Morning Bell

15/05/2020

Obsolete Machine Records

Au vu de l’époque troublée que nous traversons, le choix d’un « Dystopian Rock » semble assez judicieux. En effet, alors que le spectre de la démocratie courbe l’échine sous les gaz, les coups de matraque, que la carte mondiale se redessine autour des extrêmes, et que le monde connaît une pandémie déclenchant la paranoïa mais aussi l’irresponsabilité, le projet MORNING BELL se retrouve terriblement bien ancré dans son époque et surtout, d’une pertinence effrayante. Ce projet, c’est celui d’Ole Grarup, danois au chapeau vissé sur la tête et à la guitare fermement maintenue, sorte d’hybride entre Michael Stipe et un redneck nordique sous-alimenté et bombardé de concepts religieux. Mais ne nous fions pas aux apparences qui sont souvent trompeuses, et intéressons-nous à ce que l’homme a à dire musicalement et philosophiquement. Son Rock dystopien est justement assez étrange pour qu’on y consacre vingt minutes, la durée de ce premier EP, qui fait suite à un double single paru l’année dernière. Ole Grarup via son médium MORNING BELL s’intéresse à la façon dont les choses matérielles sont produites et échangées dans la société, mais aussi aux moyens modernes de communication qui semblent repousser notre société dans les cordes du fascisme. Ole se questionne aussi sur la conscience qu’ont les gens des responsabilités entraînées par les privilèges, et si l’ensemble sent bon le questionnement philosophie moderne, la musique elle emprunte des chemins de traverse pour se poser en jonction des époques. Il est d’ailleurs très difficile de labelliser cette musique sans tomber dans le piège de l’étiquette généraliste du Rock nordique, toujours très à cheval sur des principes de métissage. L’homme avoue une passion pour le Rock progressif, la Pop alternative des années 70 mais aussi le Metal de décennie suivante, ce qui a le don de produire un résultat assez unique et des chansons atypiques.

Il ne prend d’ailleurs même pas la peine de nommer ses influences, tant celles-ci doivent être multiples. On sent pourtant des accointances pointer le bout de leur nez, avec pas mal de Steven Wilson pour cette façon de vulgariser le Rock progressif sans le brader, un brin de Rock d’Athens, avec ces guitares carillonnantes typiques de la Power Pop ou du Rock adulte des college radios de REM, des clins d’œil aux voisins suédois et norvégiens, du SHINING, un peu de RADIOHEAD, et en somme, un spectre large qui interdit toute étiquette trop fermement collée. Mais l’effet produit est méchamment séduisant, et ce, dès « Wide Awake », qui après une intro pomp en clavier dévale les escaliers d’un tempo purement Crust, ce qui a le don de produire un contraste fascinant entre la légèreté mélodique et la puissance rythmique. Tout ceci est assez abscons, ressemble à du Rock des seventies joué par un groupe de Hardcore des années 80, et le chant très léger ne fait rien pour atténuer le décalage. On est pris par surprise par cette chanson qui ne ressemble pas à grand-chose de connu, empruntant les inflexions grandiloquentes de l’orgue Hammond 70’s pour peser dans une balance Rock presque Punk, sans perdre de vue des mélodies plus ancrées dans notre époque. Habile compositeur, mais créatif roublard, Ole Grarup tient à échapper à tout carcan, et ose toutes les pistes, sans perdre de vue l’essentiel : que chaque morceau soit viable et qu’il possède une identité forte. La production, incroyablement dense mais claire ajoute à la mystique ambiante, et on se retrouve perdu dans les couloirs du temps, ne sachant plus vraiment quelle date lire sur le calendrier.

Avec des couplets inventifs et des refrains solides, le danois nous prend au piège de sa propre folie, mais tente quand même de calmer le jeu sans trop faire de concessions. C’est ainsi que le mid tempo plus raide et Rock de « She Loathes You » n’évoque pas les BEATLES, mais plutôt les PIXIES, les NERVES, PORCUPINE TREE, et pas mal d’autres esprits affranchis ayant depuis longtemps compris que le Rock et la Pop sont fait pour valser ensemble. Les riffs du bonhomme sont très accrocheurs, et les nappes d’orgue en arrière-plan décalent le temps, produisant un effet de profondeur assez remarquable. On aime beaucoup ces chœurs qui discrètement, tissent leur toile, mais ce qu’on apprécie par-dessus tout, c’est cette variété dans les thèmes, ces accalmies, ces cassures, et cette rupture dans la continuité, qui évoque tout autant la scène alternative des années 90 que le Rock plus Indie de la décennie suivante. Les WHITE STRIPES pourraient être évoqués, dans une version plus intellectuelle mais pas roborative, mais on pense plus à une digression simplifiée de Steven Wilson, d’autant que le timbre de voix s’en approche beaucoup. « Slide Back Into Misery », tube Pop transformé en machine Rock implacable continue de convaincre, alors que « Reaper » ralentit un peu la machine pour se lover au creux d’une Pop puissante et indépendante, mais toujours reliée au Rock. Mixé et masterisé par Jeppe Anderson et emballé dans un artwork de Morten Grønnegaard (RISING), Slide Back into Misery est donc une belle curiosité, qui se termine même en allemand via la clôture « Das War Die Welt », offrant un point de jonction entre KRAFTWERK, TELEX, et Neal MORSE, pour une nouvelle démonstration d’ouverture d’esprit.

Un EP vraiment frais et novateur, pour une description euphorique d’un futur inquiétant, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes. Une belle entrée en matière pour MORNING BELL, qui loin d’être irritant comme un réveil matinal trop brutal, nous éveille en douceur et nous fait prendre conscience de l’absurdité de notre époque.       

                                        

Titres de l’album :

                          01. Wide Awake

                          02. She Loathes You

                          03. Slide Back Into Misery

                          04. Reaper

                          05. Das War Die Welt

Site officiel

Facebook officiel


par mortne2001 le 24/10/2020 à 18:06
80 %    537

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Enslaved + Svalbard + Wayfarer

RBD 20/03/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : BLOODY RITUAL

Jus de cadavre 17/03/2024

Vidéos

Crisix + Dead Winds

RBD 20/02/2024

Live Report

Abbath + Toxic Holocaust + Hellripper

RBD 21/01/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
LeMoustre

Excellent disque avec un gros point fort sur le riffing atomique. La pochette m'évoque clairement celle de Nothingface, version bio-mécanique

22/04/2024, 18:04

Arioch91

Ca fleure bon le vieux Kreator période Pleasure to Kill ! Prod' crade, aux antipodes des trucs surproduits de certains groupes et quand ça speede, ça rigole pas.

21/04/2024, 19:52

Poderosos/Magnificencia/Técnica Suprema

Los Maestros del BRUTAL DEATH GRIND

21/04/2024, 19:50

Pomah

+1 Gargan, influence Mgla je trouve par moment. 

21/04/2024, 09:20

Jus de cadavre

Là clairement le label est dans son droit à 100%. Warner a racheté l'ancien label de Kickback, ils en font ce qu'ils veulent du catalogue. Après, l'élégance, une telle multinationale elle s'en beurre la raie. Mais je peux comprendre qu(...)

20/04/2024, 23:36

Tourista

Mouiii, pas faux. Les gonzes ont signé.Mais ça me rappelle Peter Steele qui avait voulu défenestrer un type dans les bureaux de Roadrunner après avoir découvert que le label ressortait les albums de Ca(...)

20/04/2024, 20:06

Tourista

Devinez où il se Lemmy. (ne me raccompagnez pas, je sors tout seul)

20/04/2024, 19:58

Grosse pute

Attention, les mecs ne se font pas "enfler". C'est juste que Warner ne leur a pas demandé leur avis pour rééditer le bazar et les mecs parlent donc d'édition pirate, alors que Warner a bien les droits sur le disque. Après, Kickback, ce ne son(...)

20/04/2024, 06:26

Tourista

Désolé pour les coquilles monstrueuses.  Merci la saisie automatique.

19/04/2024, 20:51

Tourista

Non bien sûr je plaisantais, M'sieur Heaulme. Un artiste qui se fait enfler a mille fois raison d'en parler !   Et je sais malheureusement de quoi je parle.Respect pour Kickback. Content que tu les pu voir ce docu.

19/04/2024, 18:08

Humungus

@Tourista :- "On s'en cogne"Bah non...- Tu t'es achement bien rattrapé avec ce docu qui était totalement passé à côté de mes radars.Exceptionnel.C'est pas C8 qui passerait ça bordel...

19/04/2024, 15:54

grosse pute

Au lieu d'aller baiser des gamines et des ladyboys à Bangkok, Stephan aurait dû apprendre à lire les contrats qu'il signe.

19/04/2024, 15:20

Humungus

Ouhlala miam miam !!! !!!! !!!

19/04/2024, 10:35

Tourista

Désolé, c'est bien SODOM et non....   Putain de correcteur !  

19/04/2024, 07:52

Tourista

On s'en cogne.   Non j'en profite juste pour dire à ceux qui ne l'auraient pas encor(...)

19/04/2024, 07:52

Arioch91

J'aime bien ! Ajouté à ma shopping list.

18/04/2024, 19:48

Saul D

" Marianne" c'est pour miss Schiappa? ok je sors :-)

18/04/2024, 17:12

Gargan

Y'a du riff polonais.

17/04/2024, 08:12

grinder92

Pas de groupes irlandais alors ! 

16/04/2024, 11:24

Gargan

Faudrait descendre un peu et faire la prochaine édition au stade rochelais   

16/04/2024, 08:30