Après nous avoir proposé un EP qui comme Gainsbourg mettait l’eau à la bouche, le duo FAUXX et ses deux « x » revient à la charge avec un LP complet pour asseoir sa vision et son approche stylistique. Ainsi, Joachim Blanchet et Jean-Baptiste « Job » Tronel (TAGADA JONES) s’enfoncent encore un peu plus dans les profondeurs de l’Industriel, et confèrent à leur descente sans rappel des gestes analogiques pour mieux accentuer ce Crossover qu’ils affectionnent tant. Le but avoué des deux musiciens ayant toujours été de s’éloigner de leur passé et de proposer quelques chose de vraiment neuf, admettons que l’objectif a été atteint dès les trois premiers titres de leur carrière. Mais ces sept nouveaux morceaux prouvent que non seulement Joachim et Jean-Baptiste sont parvenus à se dégager de leurs influences primales, mais qu’ils ont aussi réussi à proposer une œuvre cohérente et à l’image sonore de notre époque troublée.
La particularité de FAUXX, au regard de la configuration classique des groupes Indus, est ce lien gardé avec les percussions humaines via une batterie martelée par Jean-Baptiste. A l’inverse donc des MINISTRY, FRONT 242, FRONTLINE ASSEMBLY, FAUXX garde donc une part de vrai, mais oppose les peaux des caisses aux machines les plus répétitives au message hypnotique. Si l’on sent clairement que les groupes énoncés ci-dessus ont beaucoup compté pour le duo, StatistiC EgO n’en ose pas moins des déviations plus sombres à la IN SLAUGHTER NATIVES, et une cohérence qui lui est propre. Thématiquement, StatistiC EgO s’intéresse à la contradiction de ses termes, et juxtapose donc des définitions comme « une discipline qui collecte et étudie les données », et « le fondement de la personnalité ». Le concept est tendu, mais d’importance, puisque à notre époque, les individus ont tendance à être considérés comme des simples numéros, des dossiers, et l’individualité comme simple partie d’un tout. Cette déshumanisation trouve ici un regard artistique qui lui convient à merveille, avec ces deux hommes, musiciens accomplis, optant pour un cheminement froid et mécanique, qui affirme leur talent, mais le fond dans le maniement des machines sans âme.
L’Indus de FAUXX n’est donc pas des plus légers, ni des plus gais. Il est martial, comme pour respecter la tradition allemande, relativement peu dansant, anti-mélodique au possible, et composé de strates de sons qui s’empilent les unes aux autres pour créer un sentiment d’étouffement. Les textes ne sont pas non plus porteurs d’espoir, et se concentrent sur le transhumanisme, les voix intérieures, l’acceptation de la part d’ombre que nous portons tous en nous, l’opposition entre le corps et l’esprit, et l’intemporalité. Des mots qui se confondent avec cette démarche musicale ténébreuse, constellée de sons étranges, robotiques, électroniques, que des percussions tribales viennent déranger de leur humanité.
Si l’industriel est sans doute le style musical le plus répétitif de l’underground, et qu’il se base sur des itérations insistantes et parfois irritantes, il devient plus organique entre les mains de Joachim et Jean-Baptiste. De fait, StatistiC EgO peut se concevoir comme la lutte entre l’esprit et la matière, entre l’individualité et le réseau global de l’information, entre l’âme humaine et la froideur d’un calcul mathématique. On sent du GODFLESH évidemment, les rois du genre, du KMFDM torturé, mais « Alt Light Rebirth » propose autre chose qu’un simple recyclage des meilleures recettes. La voix de Joachim, rauque et lointaine, hurle, conteste, mais le beat imprimé par Jean-Baptiste, très mécanique, semble noyer cet appel dans un maelstrom sonore trop compact pour laisser passer la lumière du jour. L’opposition entre l’espoir d’une humanité réveillée se fait donc plus mince que la résignation d’un monde informatisé, traitant les êtres comme des données à analyser pour établir un bilan factuel.
Avec des inserts plus ou moins longs, striés d’arrangements qui résonnent comme clignotent les lumières d’une dernière alarme avant l’apocalypse, StatistiC EgO est beaucoup plus qu’un simple album de Metal Indus, caution un peu trop vulgarisée pour décrire avec acuité le propos artistique des deux hommes. On parlera de Metal ici, eu égard à l’intensité de la puissance dégagée. On parlera de Metal puisque les deux musiciens viennent d’horizons assez proches de notre propre univers. Mais je me refuse à brader StatistiC EgO sur l’autel des étiquettes vulgarisatrices qui rassurent le lectorat. La musique de FAUXX est plus que ça, parfois proche d’un EBM de morts-vivants trainant leur carcasse sur la piste d’un dancefloor abandonné depuis une dernière guerre de trop (« Their Garbage in the Heart »)
« Duality » peut à la rigueur incarner ce qu’on est en droit d ‘attendre d’un groupe encore attaché au Metal, bien que la guitare se fasse plus que discrète. Avec son beat rapide et ses cassures, c’est le morceau qui se rapproche le plus d’un Thrash mécanique et joué par les robots de KRAFTWERK, bien que ses huit et riches minutes proposent autre chose qu’une agression continue et stérile. « Fury & Deception », l’autre chapitre le plus conséquent, accentue encore plus la cassure en s’en remettant à des gimmicks outranciers, et toujours ce beat martelé par un Jean-Baptiste, entre blanches sur la caisse claire et doubles croches à la grosse caisse.
Alors, de quoi en retourne-t-il ? Peut-on se résigner nous aussi à attendre la fin du monde en confiant le pouvoir aux machines ? Je crains que nous n’ayons pas le choix, et que les codes-barres ne soient déjà tatoués sur nos nuques pour mieux nous identifier en tant que produits. C’est en tout cas ce qui ressort de ce premier album sombre, assez désespéré, encore légèrement humain, mais déjà presque entièrement tourné vers un avenir peu rassurant. Jean-Baptiste et Joachim s’inscrivent donc en FAUXX contre les espoirs, en incarnant un désespoir froid. Mais on ne peut pas vraiment les en blâmer.
Titres de l’album:
01. Alt Light Rebirth
02. Their Garbage in the Heart
03. Duality
04. Anti Ex-Matter
05. Funeral Transhuman
06. Fury & Deception
07. Kill the Monster
Je comprends son raisonnement car je le partage en partie. Je déteste le mot "contenu" quand on parle de vidéo. Ca ne veut pas dire grand chose. Les lyrics video, je trouve que c'est une solution de facilité. On se contente de coller une(...)
07/06/2025, 09:04
J'suis probablement trop vieux, je trouve ça atroce, autant à écouter qu'à regarder.
07/06/2025, 08:32
Ben, mince alors, c'est un vieux con Akerfeldt, en fait... dommage... après, tant que la musique est bonne, que demande le peuple ? (Après, je suppose qu'il n'arrivera jamais au niveau de Chris Barnes, mais, bon...)
06/06/2025, 18:05
Mouais, un peu médiocre son commentaire sur les lyrics videos... perso, j'aime bien avoir la musique et le texte qui défile... c'est pas spécialement élaboré mais je voix pas en quoi c'est minable...
06/06/2025, 18:02
Cet album me procure le même effet que le précédent album sorti en 2020 : une pure tuerie !
04/06/2025, 21:00
Merci pour cette belle chronique.Voici notre site.https://burningdead-official.com/fr/categories/
04/06/2025, 14:18
Ah pis j'avais même pas vu (encore entendu) qu'il y avait une reprise de GOATLORD !!!Ceci confirmant donc cela.
04/06/2025, 07:35
Tout ce que j'aime !!! !!! !!!En même temps, venant d'un groupe dont le batteur porte un t-shirt TRISTITIA, ce ne peut-être que bonnard...
04/06/2025, 07:34
Je n’ai jamais entendu parler de ce split vous savez ou l’écouter ou ce le procurer
03/06/2025, 13:35
Effectivement difficile de rester insensible à ce type de festival, à taille humaine, avec une ambiance conviviale sans tomber dans la cour des miracles et surtout avec une bell prog’. Très content d’avoir découvert Gravekvlt et pris la mandale attendue de (...)
02/06/2025, 23:00
Excellent report ! J'y étais. C'était purement génial. Dans le même style, tout aussi excellent, le Courts Of Chaos fut aussi un fantastique moment.
01/06/2025, 19:36