J’aime ce moment où la réalité devient si sale, si répugnante, si insupportable, qu’on se croit coincé dans le pire cauchemar sans fin qui soit. Un peu comme se retrouver dans un vieux ciné porno underground, les sièges maculés de sperme, de sang, avec les rares fauteuils occupés par de vieux libidineux en train de se faire éponger par des travelos usés et fardés. Des backrooms aux rares junkies les aiguilles encore plantées dans le bras, le regard vide, des putes ridées à la peau flétrie et aux seins tombant, la chatte rongée par les mycoses et les infections qui attendent patiemment les jambes encore écartées de se faire fourrer par des semi-clodos qui ont pour une fois préféré se vider les couilles que leur petite bouteille de rouge. Cette odeur immonde, mélange de pisse, de sécrétions, de dégueulis, de sueur, de bouffe avariée, qui vous ronge les naseaux comme les fumées toxiques des usines de retraitement environnantes. Enfin bref, une exploration sensorielle des bas-fonds les plus repoussants de la société, en compagnie d’une faune interlope dont les maigres espoirs se résument à un fix entre deux coups violents portés à l’estomac, et à une piécette glissée dans la raie en guise de paiement pour faveur accordée. J’ai connu des situations similaires, peut-être pas aussi poussées dans l’horreur, mais depuis, je me suis rangé, et j’ai accepté une vie plus sage, mais sans doute moins effrayante dans les montées d’adrénaline. Et depuis, je cherche mon grisant dans le vice artistique de formations s’inspirant de mes fantasmes nocturnes, ces groupes qui réfutent toute théorie d’évolution et qui ne voient la beauté que dans la laideur la plus sourde. Ces groupes qui se cognent comme de leur premier gel-douche des styles, et qui se vautrent dans le stupre glacé du Crossover le moins admissible possible. A ce petit jeu de l’illustration sonore de l’abomination, le Sludge est en train de se tailler non une pipe, mais une place à part dans la grande discographie de l’abject, à force de tremper son inspiration dans le marigot du Death, du Black, et de tout ce que l’extrême peut compter de boue. Généralement, les combos les plus dégoulinant nous viennent des Etats-Unis, mais une fois n’est pas coutume, ces SDF de l’art sont originaires de Bruges, Belgique, mais n’ont rien à envier aux natifs de Louisville, ou de Boston.
TERRE, un baptême classique et anonyme, pour un trio qui ne l’est pas vraiment. La terre, conçue comme dernier refuge, cette terre que les asticots arpentent pour y découvrir des cadavres plus frais de leur mort que de leur vivant, et qui leur rongent les chairs en guise d’apéritif post-mortem. TERRE, cinq lettres qui ne vous disent pas grand-chose musicalement, mais qui ne vont pas tarder à symboliser l’effroi le plus absolu une fois que vous y aurez associé leur musique. Enfin musique, c’est un bien grand mot, à condition de considérer comme tel les cris agonisant d’une pauvre femme de quarante ans, obligée de se prostituer pour avoir de quoi bouffer, et qui taxe à dix euros la passe pour trouver des clients acceptant de la toucher, à condition de pouvoir la tabasser. Ce premier EP est pire qu’un album, c’est un manifeste de méchanceté, de lucidité, cette lucidité de rue qui vous oblige à regarder l’accident mortel qui vient d’ensanglanter le trottoir d’en face, qui vous fait interpréter les courants d’air des tuyaux d’aération du métro comme le souffle putride d’une mort annoncée. C’est une symphonie de crudité, qui impose le Sludge comme seule échappatoire au Death le plus plombé, celui-là même que les IMMOLATION et INCANTATION ont un jour inventé pour mettre en portée l’agonie terminale d’une expiation tardive. Un Sludge aux forts relents de Death lent et sourd, un Sludge qui autorise les lignes de chant purement Black pour vicier encore plus l’air et le rendre irrespirable. Un Sludge qui ne se vautre pas dans la lenteur pour excuser son manque de créativité, et qui n’a cure de l’authenticité. Un Sludge qui pourrait être aussi pourri qu’une relecture des jets de bile d’UNSANE par Chris Reifert, toujours aussi obsédé par la merde et la coprophagie qui en découle. Un Sludge qui empeste, qui laisse les doigts poisseux même après trois doses de savon liquide, un Sludge qui laisse l’âme souillée d’un viol auditif qu’aucune catharsis ne viendra soigner. Les deux pieds dans la boue fumante de l’atrocité humaine, et qui continue de s’y enfoncer, comme un futur suicidé s’éloigne du bord pour s’empêtrer dans les marécages inextricables et meubles. Beurk. Oui, c’est assez infâme dans les faits, et bizarrement jouissif dans le rendu, avec des guitares qui s’obstinent à piocher les accords les plus graves pour tisser un linceul disharmonique, une batterie au son mat et sans traitement, et un chant partagé entre les incantations de fin de nuit et les hurlements grotesques d’un boogeyman planqué dans l’ombre.
Un mélange donc, des deux références précitées, mais intégrant aussi des éléments Doom/Death, à la ENCOFFINATION, des trucs comme MYTHIC, SPECTRAL VOICE, AUTOPSY évidemment, mais aussi les NAILS quand ça accélère, SWALLOWED, une louche de Hardcore sale et abrasif, des touches de TERRA TENEBROSA en version encore plus déformée, et puis finalement une longue litanie de douleur, qui claque une basse à la FETISH 69/UNSANE sur la caisse-claire qui ne désespère même pas de ne pas ressentir ses coups portés dans le lointain. Car en termes de production, Terre est un modèle du genre, un peu comme si les standards des années 80 en matière de Death floridien ou pas étaient portés à leur paroxysme de nostalgie aujourd’hui, en sniffant les volutes de chair pourrie avec trente ans de retard sur la mise en bière. Tout est fait pour être laid et dégoûtant, mais pourtant, ça semble réaliste, pas exagéré, et surtout, pas mis en pratique par des effets de manche facile, genre pellicule cramée et surex pour faire croire à un vrai/faux snuff des familles. Ici, la mort est réelle, tangible, et le son produit par ces trois dégénérés belges (Robin Van Oyen - guitare/chant, Jelle Galle - basse et Ambroos Cooper - batterie) et de ceux qui donnent des frissons aux alentours de trois heures du matin, quand tout est censé être calme. Et comme en plus, la longueur ne semble pas concerner le trio, nous avons droit à des tranches d’agonie bien tassées, jamais plus de trois ou quatre minutes, histoire de digresser sur un riff bien faisandé, qu’une énorme basse grondante souligne de ses coups de fouet. Ça vous laisse le cul bien saignant et bien marqué, le regard hagard, et la peur au bide, et finalement, du Sludge, on ne retient que l’intro groovy et tribale de « Rotten Anguish », et ce faux tempo pataud et glauque à la fois, puisque l’entreprise globale est résumée à merveille par le traumatique « Filth Below », qui en quatre minutes et trente-trois secondes synthétise toutes les mauvaises intentions du groupe.
« Agonized » recycle des idées nauséabondes qu’on trouvait déjà sur Severed Survival, relues et corrigées façon extrême onction pour victime de tueur en série un peu joueur. « Ruins » abandonne toute narration classique pour se pencher vers l’enfer. Sur terre. Et finalement, revenez au début de ma chronique, pour essayer de construire un monde crédible et adapté à ce premier EP qui va faire grand bruit chez les plus névrotiques des barrés. Mais je me souviens qu’un soir, en déambulant dans les rues borgnes pour rentrer chez moi, j’ai vu un pauvre clodo se tordre de douleur dans son propre vomi. Il hurlait de terreur, comme s’il sentait qu’il allait crever, et personne ne l’aidait le pauvre, tout le monde le regardait avec mépris, comme si pendant quelques instants, l’humanité se débarrassait d’un de ses microbes infectieux. Je n’ai rien fait non plus pour l’aider. Et je ne pense pas que les TERRE auraient bougé le petit doigt pour lui, mais ils auraient sans doute composé une chanson en son horreur.
Titres de l'album :
1.Frozen Waste
2.Miserable Life
3.Filth Below
4.Rotten Anguish
5.Hate Cult
6.Agonized
7.Ruins
Superbe ce papier avec un chroniqueur qui, ça se sent, a vécu l'époque Roadrunner et sa superbe compilation (a la non moins superbe pochette) Stars on Thrash.Achat obligatoire.P.S : Euh moi une ex m'appelle pour prendre de mes nouvelles et me proposer (...)
19/03/2024, 12:13
Très cool de découvrir ce groupe ! La présentation est plus fluide mais il faudrait laisser la place à un extrait à mon avis et ça permettrait de mieux rythmer la vidéo.
19/03/2024, 08:17
Perplexe également.Dehydrated et Out of the Body (Out, pas Ovt sans déconner ! C'est quoi leur manie de remplacer les U par des V ?) sans Martin Van Drunen, j'ai même pas assez de curiosité pour écouter ce que ça peut donner.
19/03/2024, 07:52
J'avais aimé le premier Vltimas. Il fait partie de cette tonne d'albums que l'on oublie mais qu'on ressort de temps à autre pour se les repasser et se dire "ah ouais, c'est pas mal" avant de les remettre en place.J'ai écout&eacut(...)
19/03/2024, 07:43
Tant mieux pour ceux qui aiment moi ils me font chier avec cette fétichisation du metal old school.
18/03/2024, 17:37
J'aime bien le principe de réenregistrer des classiques pour voir ce que ca donne avec un son actuel. Le problème est double ici : réenregistrer des morceaux récents n'a que peu d'intérêt, et surtout en me basant sur le titre mis en é(...)
18/03/2024, 13:13
Oui, et non. Dans le sens que s'ils veulent vendre leur compile qui sent très fort le réchauffé, il vaut mieux qu'ils écoutent un minimum la base de fans qui seraient potentiellement intéressés par l'objet (et ils ne sont pas Maiden qui peu(...)
18/03/2024, 08:05
J ai adoré ce film qui m'a fait connaître ce groupe. Depuis je me repasse leurs tubes.
17/03/2024, 14:07
J’ai pris la version cd version digipack plutôt que le vinyle car il y avait 3 titres bonus .trop tôt pour donner un avis mais je ne m’ennuie pas, sans être transcendant mais on peut pas exigeant avec ce groupe et une telle carrière. Cela dit il fai(...)
16/03/2024, 11:55
Bon...Pour l'instant, je ne l'ai écouté qu'une seule fois...Mais dans l'ensemble, j'ai été quelque peu déçu.La faute à un côté Power bien trop présent tout au long de l'album.
13/03/2024, 07:24
groupe de petites gauchiasses qui crisent si on n'emploie pas le bon pronom. FOUR
13/03/2024, 06:17
Commande faite direct au label.Hâte d'écouter les nouvelles versions de The Song of Red Sonja ou The Thing in the Crypt.Meilleure nouvelle de la semaine,Merci pour la chronique en plus hyper favorable
11/03/2024, 15:32
Terrible.Déjà que le EP envoyait sévère dans la veine Wotan, early Blind Guardian ou Manowar, voici l'album !Achat obligatoire
11/03/2024, 14:55
toujours pas de Phobia à l'affiche.... j'y ai cru pour les 25 ans et tout ...
11/03/2024, 07:39