Sans vraiment le vouloir, ou alors dans les couches les plus basses de mon subconscient, il arrive qu’une matinée de chroniques se transforme en voyage dans les arcanes de l’expérimentation, sans lien apparent avec un style quelconque. Après avoir subi les assauts terribles du Free-Jazz extrême des TITAN TO TACHYONS il y a quelques minutes, me voici à supporter les exactions bruitistes des expérimentaux YALDABAOTH, qui eux non plus ne font pas semblant de ne pas être comme tout le monde. Le registre est évidemment différent, mais les intentions sont les mêmes. Ne pas jouer l’extrême comme les autres, y apporter sa touche de folie, brouiller les pistes entre les sous-genres pour inventer une approche plus fertile et Ô combien plus enthousiasmante. Cela dit, je n’ai pas grand-chose à dire sur ce groupe venu d’Alaska, le quarante-neuvième état des Etats-Unis, puisque leur seule page officielle sur Bandcamp ne dévoile rien de leur existence, pas plus que leur entrée sur The Metal Archives. Tout au plus apprenons-nous qu’ils viennent d’Anchorage, et qu’ils existent depuis peu, puisque leur premier témoignage discographique est paru il y a trois ans sous la forme d’un split avec les SKOPT. Mais alors, que jouent vraiment ces américains froids comme une nuit d’hiver, et rigoureux comme un architecte de renommée mondiale ? Un mélange entre Black opaque et Death maniaque, une musique qui nous oblige à repenser les frontières entre les styles, et surtout, un mélange diablement intéressant qui redonne foi en l’avant-garde, si vous me pardonnez une fois de plus l’utilisation de ce terme fourre-tout. Car That Which Whets The Saccharine Palate n’est pas vraiment une œuvre d’avant-garde per se, puisqu’elle est trop logique et cohérente pour ça. Cet album est plus à prendre comme une expérience en apnée, une plongée dans les abysses de la brutalité, qui exploite les fondements du Black Metal (voix criarde, blasts, riffs concentriques), pour les confronter à un univers plus riche et complexe qui s’autorise des incursions dans le Death, Le Thrash, et toute autre extension nihiliste.
Pour autant, les YALDABAOTH croient en leur démarche, et ne sont donc pas nihilistes. Ils rejettent juste les théories gnostiques, les Dieux quelconques, se veulent cyniques mais plutôt réalistes, ce qui ne les a pas empêchés de prendre pour nom de baptême celui d’un démiurge ancien, pseudo-dieu créateur qui vit dans le feu et le chaos. Le feu et le chaos sont justement les deux vecteurs d’approche choisis pour aborder ce premier LP qui fait l’effet d’une bombe très mature dans le paysage extrême américain. Composé de six longs chapitres, dont deux dépassent allègrement les neuf minutes, That Which Whets The Saccharine Palate ne supporte pas les contraintes d’un métrage trop classique, mais agence ses idées pour ne pas paraître illogique et totalement gratuit. La violence est ici patente, parfois latente, et il est inutile de vous attendre à un LP de Black lambda, puisque le parti-pris est justement de déformer la réalité pour lui faire épouser le concept. On sent évidemment dans la musique des traces de WOLVES IN THE THRONE ROOM, DODECAHEDRON, SHINING, mais aussi VIRUS, et beaucoup de liberté dans le choix de l’instrumentation, qui utilise le trio de base (guitare/basse/batterie), pour lui permettre de s’exprimer avec plus de liberté. On pourrait presque résumer toute l’affaire au long et sinueux « Megas Archon 365 » qui de ses presque dix minutes synthétise toute l’affaire avec un flair certain. Entame en riff purement Black, tout vibrato en avant, mélodie qui tournoie comme un vautour affamé, chant râpeux et à la limite de la cassure, pour une ambiance formelle qui dévie au fur et à mesure que les minutes passent. Et là est le nœud du problème, et le cœur du talent des américains, d’être capable d’imposer un thème pour le triturer, le biaiser, sans perdre de vue le plus important : la logique. Dès lors, l’effort se définit par sa liberté de ton, et sa capacité à se démarquer des querelles de genre pour proposer une sorte de Death/Black progressif et riche, violent mais construit, véhément mais abordable. Loin des exactions stériles et pseudo-expérimentales de nombre de leurs collègues, les YALDABAOTH restent appréhensibles, cohérents, musicaux, même si la dualité vocale grave/suraiguë rappelle les albums Death les plus violents du circuit.
Comment aborder ce monolithe dès lors sans s’y perdre ? En oubliant de catégoriser les morceaux, et en les prenant en tant que tel. Sans tomber dans la prétention arty des bâtisseurs les plus egocentriques, les musiciens osent les percussions sans limites ni contraintes, les motifs classiques habilement détourés de leur apparats les plus prévisibles, et l’agression constante qui ne fatigue pas les oreilles, mais les intrigue. Et si « Fecund Godhead Deconstruction » commence comme un morceau de VIRUS avec ses arpèges acides et sa frappe retenue, le titre ne tarde pas à sombrer dans les affres de la vilénie instrumentale, sans se départir de cette volonté anti-harmonique. On comprend assez bien que les musiciens anonymes du projet disposent d’un bagage technique conséquent, et d’un potentiel créatif non négligeable. Evidemment, les comparaisons ne sont pas sans importance, mais chacun rapprochera le concept de son groupe fétiche sans paraître incongru. Et si souvent, les longues compositions sont prétexte à une accumulation de plans gratuite, tel n’est pas le cas ici, comme le démontre le mystique et fantasque « Gomorrahan Grave of the Sodomite ». Intro à la NEUROSIS/OPETH, brumes qui enveloppent l’auditeur dans une lande désolée, progression en crescendo habile, pour une nouvelle digression de plus de neuf minutes qui ne contient pas une note de trop.
Autre énorme qualité de That Which Whets The Saccharine Palate, sa diversité. Les morceaux se suivent et ne se ressemblent pas, empruntent à l’Ambient sa moiteur horrifique (« To Neither Rot nor Decay »), pour proposer une évolution vers un final de plus en plus sombre et discordant (« That Which Whets the Saccharine Palate »), laid, répulsif, mais étrangement hypnotique. La guitare s’éloigne alors des riffs les plus courants du BM, pour tisser des nappes de sons étouffés, aux échos épars, avant de revenir à la franchise norvégienne confrontée à l’inventivité américaine sur l’épilogue « Mock Divine Fury ». Pour un premier album, le bilan est fantastique, et YALDABAOTH va se faire un nom sur la scène mondiale, de ceux qu’on évoque lorsqu’on aborde le cas des originaux et des excentriques. Mais ne croyez- pas que cette démarche soit délibérée, puisque le groupe est tel qu’il est sans chercher à être autre chose pour la hype. Un disque étrange et bestial, sec et riche, qui vous éloignera des convenances et du classicisme extrême.
Titres de l’album:
01. Fecund Godhead Deconstruction
02. Megas Archon 365
03. Gomorrahan Grave of the Sodomite
04. To Neither Rot nor Decay
05. That Which Whets the Saccharine Palate
06. Mock Divine Fury
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J'suis probablement trop vieux, je trouve ça atroce, autant à écouter qu'à regarder.
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Ben, mince alors, c'est un vieux con Akerfeldt, en fait... dommage... après, tant que la musique est bonne, que demande le peuple ? (Après, je suppose qu'il n'arrivera jamais au niveau de Chris Barnes, mais, bon...)
06/06/2025, 18:05