D’abord, je vous préviens.

Due to the horrific nature of this album, viewer discretion is advised.   

J’aurais pu ne rien dire et vous laisser plonger dans ce chaudron de lave, vous regardant brûler par tous les membres et m’en réjouir. Mais je vous aime trop pour ça. D’où cet avertissement. Car ce nouvel album du projet canadien LA TORTURE DES TENEBRES est de ceux qui marquent, les mémoires, mais les tympans aussi. Pour l’éternité. Voyez-vous, malgré mes nombreuses qualités, j’ai aussi quelques menus défauts. Et l’un d’entre eux est assez problématique en société. Car j’aime le Raw Black. Vraiment. J’y vois la quintessence d’un style qui s’est toujours voulu repoussant, affreux, cacophonique et absolument anti-commercial. Ce qui ne veut pas dire que je suis incapable d’écouter du Black progressif ou du Black mélodique, mais pour moi, la seule véritable incarnation du BM est son essence la plus pure. Et donc la plus evil.

Mais comment être evil dans un monde qui l’est déjà ?

Faites comme Jessica Kinney. Rachetez le vieux quatre pistes d’un groupe local acquis dans les années 90, jouez sur une guitare à bas prix, tapez sur des vieilles boîtes en bois, et hurlez de la pièce à côté. Enregistrez le tout sur ce vieux machin dont les piles sont exténuées, en prenant bien soin de saturer pour atteindre un volume déraisonnable, et refilez la cassette à vos potes. Mais…faites-le avec intelligence et pertinence.

Jessica n’est pas une terroriste sonore dont le seul but est d’effrayer les petits bourgeois chrétiens de droite (je doute qu’il en existe de gauche). La musicienne d’Ottawa agrémente ses compositions de samples, de passages Ambient, et tisse un fil rouge qui permet de suivre la narration de son aventure nihiliste. Mais pas tant que ça finalement, puisqu’un dessein artistique se détache en filigrane de cette bande usée et déjà corrompue. Depuis 2016, Jessica sort des albums régulièrement et n’a jamais remis en cause ses principes. Irriter, repousser, agacer, et pousser les limites du BM dans ses derniers retranchements. On pourrait dire que la formule a déjà été rongée jusqu’à la corde par PAYSAGE D’HIVER, mais elle est restée la même depuis les débuts de ce mode d’expression sans fioritures ni arrangements, encore moins de production. Et j’aime ça.

The Lost Colony Of Altar Vista est à l’image de tous les autres albums de LA TORTURE DES TENEBRES. Chaotique, cacophonique, strident, froid, et même la biographie succincte proposée sur le Bandcamp joue l’économie de mots et de sens. Life is a pointless, manipulative game. La vie est un jeu de manipulation sans intérêt. Alors évidemment, avec tel précepte, la musique ne peut que suivre et jouer le jeu d’une vérité crue et blafarde, comme cette pochette étrange et anonyme d’un bâtiment impressionnant (qu’on trouvait déjà sur les trois longue-durée précédents). The Lost Colony Of Altar Vista refuse les diktats de la musicalité, et s’enfonce dans la psyché noire de son auteure, qui hurle comme si elle était la victime d’un snuff movie de banlieue.

C’est éprouvant, mais cathartique quelque part. Cette guitare qui s’arrête régulièrement sur des boucles acides pour mieux annoncer une reprise abominable est hypnotique, et la rythmique, immuable, cogne tant qu’elle peut jusqu’à ce qu’épuisement s’ensuive, histoire de donner à l’œuvre un parfum de répétition constant. Et l’album EST une répétition constante. N’attendez aucune déviation, aucune porte de sortie, aucune bouffée d’oxygène. Car même si les interludes Ambient sont plus paisibles, ils n’en sont pas moins anxiogènes, car eux aussi anticipent des dératés inhumains, comme sur l’ignoble « The Reflection Of The Moon In Her Skyline Eyes ».

Et plus les pistes se succèdent, plus l’horreur est palpable. Alors qu’on serait en droit d’attendre d’un titre comme « Allison » qu’il inspire la quiétude et une certaine forme de mélancolie, nous sommes immédiatement assommés par un tourbillon de sons amalgamés, qui ne permettent pas de discerner quoi que ce soit.

Et non seulement la brutalité va crescendo, mais la longueur aussi. Nous atteignons les onze minutes sur « Spectres Over Altar Vista » qui n’est pourtant pas différent des autres morceaux. Alors…

Vous pouvez détester, et la majorité d’entre vous ne se sentiront pas concernés par cette sortie. Je le comprends humblement. Mais LA TORTURE DES TENEBRES, comme ses congénères Raw les plus passionnés incarne l’absolu d’un genre qui justement, ne supporte pas la demi-mesure.          

Titres de l’album :                                              

01. Give Me Thunder, Give Me Lightning, And I Will Give You Every Part Of Me

02. Distance, My Lungs Are Collapsing As Every Single Kilometre Between Us Weighs Down On My Chest

03. The Axis Of The Exaltation And The Fall Of Venus

04. The Reflection Of The Moon In Her Skyline Eyes

05. Allison

06. Spectres Over Altar Vista

07. Sharktooth Gorge

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