Ce matin, le ciel était plombé et la pluie tombait à verse. Un temps de circonstance en printemps instable, et saison humide par excellence. Dans ce cas précis, deux attitudes possibles : se mettre au diapason de la météo, ou refuser de se laisser glisser sur la pente de la petite dépression quotidienne. J’ai choisi le la 440, et donc, la découverte des SUNROT s’accordait très bien avec ce parti-pris.
Toutefois, ce quintet américain (Rob Gonzalez & Christopher Eustaquio - guitares, Lex Alex Nihilum - chant, Alex Dobrowolski - batterie et Ross Bradley - basse) n’est pas vraiment une découverte en soi, puisqu’il existe depuis 2013, et a déjà publié un longue-durée (Sunnata en 2017), et un nombre conséquent de formats divers. On l’a notamment retrouvé aux côtés d’IDLES SPLIT et d’INERTIA, et ce parcours plus qu’honorable trouve aujourd’hui une acmé avec la publication de The Unfailing Rope, corde à nœud coulant qu’on se glisse sur le cou pour se briser la nuque.
Autant dire que le boucan proféré par ces cinq-là n’est pas des plus tendres. Il se situerait même dans une continuité dépressive d’un Sludge/Doom purement américain, entre une NOLA déracinée et un Portland ravagé par la peste. Avec ça, les dès son jetés, et vous avez certainement compris à qui vous avez affaire. Mais comprendre est une chose, et subir en est une autre. Et le verbe « subir » est vraiment de circonstance dans le cas de SUNROT.
Non que la musique du groupe soit médiocre ou anonyme. Mais elle est si sombre, si lourde et si tendue qu’on peut trouver l’expérience douloureuse, et dangereuse pour l’équilibre mental. Evidemment lourde comme un béton coulé sur un traitre, poisseuse comme une poignée de mains à la sortie des chiottes d’un bar lugubre, et pesante comme une gravité aggravée, cette musique nous tord les boyaux comme seuls les fidèles de l’église du Sludge extrémiste savent le faire. En gros, la quintessence du Doom/Sludge à l’américaine, un machin dénué de tout espoir, et refusant la lumière du jour comme un vampire dans son cercueil. A savoir lequel des deux nous pompe le plus notre fluide vital.
Si la surprise n’est pas un facteur à prendre en compte, l’efficacité morbide de l’entreprise est remarquable, au moins autant qu’une névrose répétée qui revient à chaque échec ou chaque interaction sociale. Les fans ne remarqueront peut-être pas immédiatement le caractère déprimant de l’entreprise, mais à force d’écoutes, et avec un peu d’efforts, ils se rendront compte que l’emphase NEUROSIS/EYEHATEGOD pousse le bouchon le plus loin possible, tout en gardant les yeux rivés sur le testament de BLACK SABBATH et ST VITUS.
Tradition vs modernisme, le duel n’a pas de sens ici, puisque les arguments avancés sont traditionnels. Une rythmique pachydermique et salement percussive, des riffs prétextes qui s’imbriquent en toute logique de gravité et de dissonance, et bien sûr, un chant heurté et raclé qui fait trembler les cordes vocales de peur. Tout le monde connaît les effets premiers du Sludge, et tout le monde connaît aussi ses effets secondaires. Une envie de rien, une mine déconfite, mine de rien, et un corps qui se relâche sous la pression d’obligations journalières insupportables. Mise en abime de la vacuité d’une existence déjà réglée par le destin, le Sludge est la bande-son d’une résignation mortifère, de celles qui se terminent dans un tube de somnifères ou l’isolation terminale d’une agoraphobie totale.
Inutile donc de gloser pendant des heures au risque de voir votre psychiatre se frotter les mains de son salaire augmenté. SUNROT se situe dans une moyenne tout à fait respectable, et même un peu plus haut lorsque la montre lasse tourner ses aiguilles sans limite d’inspiration. De fait, les deux gros morceaux de l’album, « Trepanation » et « Tower of Silence » encadrent une bordée de morceaux plus brefs, mais pas moins intenses. Mais c’est vraiment « Tower of Silence » qui bat le haut du pavé, avec son déroulé progressif à la NEUROSIS qui nous ramène droit vers les nineties, l’âge d’or du style.
Exploitant avec panache l’opposition entre silence et boucan, The Unfailing Rope est un calme avant la tempête, et une énumération de toutes les raisons qui peuvent pousser un individu à renoncer à l’envie de la vie. Et si le DSBM se veut le chantre de la mise à mort personnelle, le Sludge est lui aussi un vaccin contre l’espoir, comme en témoignent ces accélérations brutes et ces quelques concessions au Post-Metal le moins complaisant et le plus jauni par le temps.
Alors, lorsque la pluie macule vos vitres de gouttelettes brillantes, lorsque chaque pas semble plus pénible que le précédent, lorsque demain vous paraît encore plus insupportable qu’aujourd’hui, laissez-vous aller, et lâchez prise. Après tout, il n’y a aucun mal à abandonner une partie perdue d’avance, et ça, SUNROT le sait très bien.
Puisque c’est lui qui vous conseille de tromper le soleil avec les ténèbres.
Titres de l’album:
01. Descent
02. Trepanation (feat. Scot Moriarty)
03. Gutter (feat. Bryan Funck & Emily McWilliams)
04. The One You Feed, Pt. 2
05. The Cull
06. Patricide (feat. Blake Harrison)
07. Tower of Silence
08. Love
Je me demande comment fait Rogga Johansson, avec autant de groupes, il arrive toujours à sortir des trucs vraiment bons !! Quelle energie !!
13/06/2025, 00:29
En fait, ce qui me pose problème, ce n'est pas le fait d'aimer ou pas ce genre de vidéo (lyrics video), c'est les remarques dépréciatives (condescendantes) d'Akerfeldt à ce sujet. Bien sûr, c'est super d'avoir un bon clip, seu(...)
12/06/2025, 01:04
Author & Punisher est aussi annoncé à Montpellier le 23 octobre 2025 avec Wyatt E et Yarostan à la place de Bong-Râ.
11/06/2025, 12:53
Ça vaut vraiment le coup d'écouter ce qu'ils font, j'aime beaucoup et c'est vraiment bon !
09/06/2025, 21:35
Je comprends son raisonnement car je le partage en partie. Je déteste le mot "contenu" quand on parle de vidéo. Ca ne veut pas dire grand chose. Les lyrics video, je trouve que c'est une solution de facilité. On se contente de coller une(...)
07/06/2025, 09:04
J'suis probablement trop vieux, je trouve ça atroce, autant à écouter qu'à regarder.
07/06/2025, 08:32
Ben, mince alors, c'est un vieux con Akerfeldt, en fait... dommage... après, tant que la musique est bonne, que demande le peuple ? (Après, je suppose qu'il n'arrivera jamais au niveau de Chris Barnes, mais, bon...)
06/06/2025, 18:05
Mouais, un peu médiocre son commentaire sur les lyrics videos... perso, j'aime bien avoir la musique et le texte qui défile... c'est pas spécialement élaboré mais je voix pas en quoi c'est minable...
06/06/2025, 18:02
Cet album me procure le même effet que le précédent album sorti en 2020 : une pure tuerie !
04/06/2025, 21:00