Krisiun + Baest + Defacing God + Triagone

Krisiun, Baest, Defacing God, Triagone

Connexion Café, Toulouse (France)

du 10/11/2023 au 10/11/2023

Pour pouvoir enchaîner avec Fear Factory la veille, j'avais préféré aller à la date Toulousaine de la tournée de brutes qui venait égayer notre automne. Le concert était initialement programmé à l'Usine à Musique, salle que je ne connaissais pas encore située dans les faubourgs ouest de la ville rose. Mais en voulant vérifier les horaires, je constatai que le lieu a été mis en liquidation judiciaire (précisément un redressement converti par le Tribunal de Commerce, à ce que j'ai cru comprendre) quelques semaines avant, postérieurement à ma réservation ! Toute activité ayant cessé aussitôt, le concert de ce soir avait pu néanmoins être déplacé au Connexion live ce qui changeait pas mal de choses : la salle de repli est située en ville pour sa part, et comme elle a aussi une activité de club les concerts démarrent toujours tôt, particulièrement un vendredi. Ayons une pensée pour l'Usine à Musique dont la destinée est significative quant aux difficultés actuelles des salles privées, qui n'ont pas toujours été aidées pendant la pandémie et qui ont des prêts à rembourser surtout quand elles n'étaient pas très anciennes. Elle risque de ne pas être la seule. Nous avons d'ailleurs de la chance que l'orga' aie su se réorganiser, plusieurs autres soirées prévues à l'Usine ayant été purement et simplement annulées à la suite de la sentence de mort. Bref, au terme d'une journée de pluie automnale parfaite pour se remettre de la bonne petite claque de la veille, ne traînons pas.

Au cœur d'un quartier les plus animés des nuits toulousaines, le Connexion a une programmation de concert assez éclectique qui inclut régulièrement du Metal voire souvent de l'extrême bien velu. Du moins jusqu'à ce jour, car les nouveaux propriétaires ont annoncé leur intention de le faire évoluer pour mieux le rentabiliser, sans que l'on ne sache tellement en quoi cela consistera. En tout cas ce soir, ça risque de bien sentir le bouc… Ces affiches bien extrêmes prennent toujours une saveur décalée au milieu d'une déco qui reste plutôt bar dansant, avec sa boule à facettes dans un espace aménagé en largeur, qui laisse la table de mixage à trois mètres de la scène seulement. De toute façon, ce genre d'affiches si extrême ne draine qu'un public relativement restreint, de connaisseurs et passionnés qui sortent rarement de leur tanière parfois lointaine pourtant.


Même en me dépêchant, TRIAGONE avait déjà commencé quand j'arrivai. Et ce jeune groupe est tout à fait dans mes cordes : les cinq membres bien serrés sur la petite scène balançaient un Death technique-brutal dosé comme je l'aime. Le growl principal était assuré par une chanteuse d'origine brésilienne, relayée par moments par le guitariste soliste qui parlait nativement français. Le groupe est originaire de Belgique, mais semble comprendre en réalité des membres Français aussi, et certains seraient passés par Dehuman que j'avais vu il y a quelques années de cela. Alternant très bien rentre-dedans et passages plus sophistiqués, ils n'hésitaient pas à se colleter de longs solos techniques et des titres growlés en français. L'influence globale de la scène Québécoise me paraît incontestable, et excellement choisie. Si la growleuse se retira de temps en temps pour se désaltérer, elle n'était pas du tout intimidée car elle n'hésitait pas à communiquer elle aussi en anglais. L'ensemble est encore un peu vert mais cela donnait justement cette saveur de vie que j'aimeretrouver chez ceux des combos de ce créneau qui ont su éviter le piège de la démonstration brillante et lisse. Puissent-ils garder aussi cette bonne humeur à l'avenir. Le public réagissait bien pour une première partie. Au moment de se quitter sur une photo de groupe comprenant pour une fois le batteur grâce à l'un des membres de Baest venu rendre ce service, on pouvait dire que c'était convaincant au point que je suis allé prendre leur album un peu plus tard au stand.


Le merch' était très fourni, même Triagone avait une palanquée de t-shirts différents à proposer, comme les autres plus établis.

Le premier groupe Danois de la soirée était DEFACING GOD, qui était aussi le plus décalé sur l'affiche – il y en a toujours un qui l'est. Malgré les tenues scéniques noires et les visages peints en blanc avec des motifs relativement discrets, leur Metal n'était pas purement Black. Malheureusement, le micro sans fil de la growleuse ne marchait pas et il fallut qu'elle emprunte celui de son bassiste choriste, le temps qu'on finisse par trouver une solution. Passé un agacement compréhensible, elle put exprimer un growl crié aigu qui pouvait autant servir pour du Black que sur du Death Mélodique. Et à plein régime, leur musique combinait les deux, exactement un Black plutôt symphonique de tradition à la Cradle ou Carach Angren, qui était néanmoins bonifié par une rasade de Death mélodique dans le style de la Suède voisine, qui apportait un peu plus de densité voire des solos de guitare rappelant un At the Gates. Selon les annonces de la growleuse qui avait rapidement retrouvé ses marques et quelques détails comme ce même médaillon qu'ils portaient tous au cou, le thème tendait vers l'occultisme, ce que je n'attendais pas trop sur des morceaux plutôt propres. La facette Death m'a permis de m'accrocher un peu à l'affaire le temps d'un set, qu'on ne pouvait pas non plus taxer de mollesse ni de verser dans la caricature de son style. Même si les gens n'étaient certainement pas venus pour eux, la performance était convaincante pour leur avenir.


En fait, c'est surtout la présence de BAEST au casting qui m'avait motivée. Je suis réellement devenu fan il y a un an et demi seulement, et je ne pouvais laisser passer la première occasion de les voir. Sur une intro bien kitch décalé années 80's tirée de Toto (merci Shazam), le second combo Danois de la tournée prit possession du plateau en conquérants rigolards. Le son massif et parfait servait une formule irrésistible de gros Death Metal féroce, plutôt mid-tempo sur des riffs syncopés écrasants entrelardés dans des accélérations aussi légères qu'un allosaure en rut, accompagnée d'un grunt généreux. Malgré sa relative jeunesse et la coupure du covid, le groupe mérite son statut et s'est donné autant que sur une grande scène. La stabilité parfaite du line-up depuis l'origine a été sans doute un grand atout pour atteindre ce niveau et produire déjà une discographie fournie de haut niveau. La ressemblance avec Bloodbath est incontestable, mais il y a aussi une tradition proprement Danoise dans cet amour du très gros riff si l'on se souvient d'Illdisposed par exemple. Elle peut plaire à beaucoup d'amateurs du genre et la popularité du groupe s'en explique. Les membres ont gardé une fougue et une envie de jeunes, très appréciable, qui perpétue ce que ça devait être dans les temps originels de la scène.

Derrière des paroles volontiers provocatrices, Baest ne cherche qu'à faire passer un bon moment à ses spectateurs. Le beugleur Simon rappela un précédent passage à Toulouse et fit allusion à la victoire du TFC sur Liverpool la veille. Les titres s'enchaînant sans guère relâcher la pression délicieusement hystérique sur les bords, je n'ai pas tellement cherché à reconnaître exactement tel ou tel titre d'un répertoire de toute façon homogène. Je n'ai absolument pas senti pas vu passer le trois quarts d'heure. On avait pourtant remarqué que Simon a une certaine appétence pour les réseaux sociaux, filmant plusieurs fois au smartphone ses camarades et le public en pleine action, ou prenant des photos lui-même. C'est une manière de cultiver une proximité accrue avec les fans en 2023, il faut croire, et alimenter les flux de son groupe. Certains pourraient reprocher cela et une attitude de braves jouisseurs plutôt que de méchants possédés, mais leurs morceaux parlent pour eux. D'ailleurs j'en ai profité pour prendre aussi au stand leur premier mini qui me manquait encore. La réputation de Baest n'est pas volée et confirme la revanche éclatante du Death Danois, dans une version un peu moins putride que d'autres monstres comme Undergang, Taphos et compagnie.


J'ai déjà vu KRISIUN un bon nombre de fois et je sais que le basculement entre une performance monstrueuse ou un spectacle lénifiant tient très à peu de chose. Après avoir peaufiné eux-mêmes leurs balances comme à l'époque, les trois frères entamèrent la boucherie sur un fond de plages ambient et guitare sèche rappelant bien entendu les équivalents du très vieux Sepultura, prélude à un "Kings of Killing" toujours imparable, augurant du meilleur. Le répertoire très homogène – mais jamais redondant – des Brésiliens fut déroulé comme une authentique leçon de Death ultrabrutal, telle que l'attendait un public qui savait ce qu'il attendait. Oui, cette fois Krisiun penchait du bon côté et m'a emballé, grâce à un son suffisamment clean mais un peu sale sur les bords qui préservait le show de ce goût pommadé qui peut tout gâcher quand c'est trop lisse.

Fidèles à leur réputation et à la déclaration d'intention, la fratrie Camargo-Kolesne est une vraie machine de guerre à plein régime, la stabilité du personnel et l'expérience accumulée depuis trente ans se font implacablement sentir. Pour autant, la communication bourrue d'Alex s'en tient depuis toujours à des termes simples et universels sur l'hommage à l'engagement des fans qui font vivre la scène, la passion commune pour la musique et la nécessité de vivre le show à fond. Cela ne laisse pas de m'étonner toujours, par rapport à l'imagerie pourtant très sombre et volontiers démoniaque du combo… Comme sans lui rien ne serait pareil, le batteur Max eut son moment de gloire avec un solo encore un peu plus intense que ses parties habituelles, toujours appréciable. Entre les titres, l'intermède Ambient-guitare sèche continuait. Le clou aura été cette reprise en hommage à un grand disparu, longuement annoncée sans déclarer de qui il s'agissait… jusqu'à ce qu'éclatent les premières notes d''Ace of Spades" qui déclenchèrent instantanément l'hystérie dans une fosse dilatée comme une étoile qui explose et une belle ovation, le tempo D-Beat fort éloigné du pilonnage habituel de Krisiun pimentant le show de sensations inattendues, un choix simple mais imparable. Un vrai faux rappel en retour vers le brutasse nous a terminés. L'institution Krisiun n'est pas près de faiblir et ça fait du bien là où ça frappe.


Il était encore tôt pour ressortir dans Toulouse après la pluie et il y avait le temps d'aller se nourrir sans se presser. J'ignore si à l'avenir le Connexion Live continuera à accueillir des programmations aussi extrêmes, mais le fait que l'orga' ait pu s'y rabattre porte à un optimisme prudent. Il serait dommage que Toulouse perde l'une des deux dernières salles de concert encore en ville.


par RBD le 15/11/2023 à 19:00
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Commentaires (4) | Ajouter un commentaire


Jus de cadavre
membre enregistré
15/11/2023, 20:42:33

Eh ben c'est le marathon live en ce moment mec !   


Simony
membre enregistré
15/11/2023, 21:20:14

KRISIUN vu une fois, la baston totale, je suis resté admiratif par le bordel qu'ils mettent à 3 !


RBD
membre enregistré
16/11/2023, 10:15:29

Je reconnais qu'à mesure que l'agenda s'est rempli sur ces quelques jours, les derniers mois, je commençais à presque prendre peur tellement la Toussaint 2023 serait une période tendue… En plus, toutes ces dates s'ajoutaient à mesure sans se chevaucher comme par une volonté venue d'ailleurs. De simples escapades ponctuelles comme j'en fais souvent, on passait à un niveau logistique comparable à une semaine de festival ! Mais ce n'était pas la première fois que ça m'arrivait et en anticipant le plus possible, on peut s'organiser au mieux par rapport au travail et à la famille. L'agenda du fan de concert alterne toujours les périodes intenses et celles de calme plat : cet été j'avais eu un enchaînement de onze semaines sans aucun live, il faut en profiter pour s'organiser tandis que l'envie s'accumule. Et puis après on en ressort tellement regonflé.

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