J’aime entamer le dimanche matin avec une chronique « difficile ». Appelez ça du masochisme, ou une volonté de s’éveiller à la routine avec un sens aigu de la complexité, le résultat est le même, et quoi de plus idoine qu’une sortie I, Voidhanger, l’un de mes labels préférés, qui n’a jamais choisi la facilité. Non que la musique des BLOODWAY soit si absconse qu’elle en devient difficile à apprécier, mais elle est largement assez cryptique pour que les bons mots tardent à venir…Une musique incroyablement riche, à l’épicentre de plusieurs trajectoires, et répondant à un concept global d’exigence certaine. Certains d’entre vous ont déjà pu en faire l’expérience, au travers du premier EP du groupe, Sunstone Voyager and the Clandestine Horizon, ou de son premier LP, sorti en 2015, Mapping the Moment with the Logic of Dreams, et se rendre compte de fait que l’approche progressive d’une forme d’expression extrême mais mélodique était potentiellement l’une des plus riches de la frange « libre ». Présenté comme un concept, ce triptyque trouve donc aujourd’hui sa finalité, avec un second longue-durée, qui pousse les choses encore plus loin, et échappe à toute étiquette, dans une mouvance proche (artistiquement, mais pas thématiquement) des VIRUS, SHINING, VED BUENS ENDE, THORNE et pas mal d’autres affranchis des obligations contractuelles.
A Fragile Riddle Crypting Clues est donc l’épilogue d’une histoire graphique et musicale, dont l’écriture remonte aux origines du groupe en 2014, et qui partage avec d’autres artistes - dont ceux précités - un goût certain pour la provocation harmonique amplifiée d’une puissante brutalité à peine contenue. Je vous disais que l’analyse de cette œuvre était beaucoup plus ardue que son écoute, mais ce postulat se vérifie tout au long des trois quarts d’heure proposés ici, qui survolent un panel d’ambiances et d’atmosphères, tout en gardant une incroyable cohésion dans le rendu…Pari impossible ?
Pourtant relevé avec un brio et une morgue définitive, qui place les BLOODWAY bien au-dessus de la mêlée grouillante de testeurs de laboratoire mélangeant les éprouvettes pour finalement, donner naissance à un monstre hybride pas forcément viable…
A Fragile Riddle Crypting Clues est un melting-pot, un creuset de références qui explosent dans un feu d’artifices de genres mélangés et assimilés, offrant une jonction entre le Progressif expérimental des 70’s, le BM cru des années 90, et le Post Metal des années 2000, sans que l’on sente que ces pièces de référence ont été assemblées un peu au hasard. Ici, aussi inextricable soit le raisonnement, il reste d’une logique implacable, et guidé par une réflexion mâture, qui a pris son temps pour justifier de ses tenants et aboutissants, sans pour autant perdre son temps à chercher des réponses à des questions qui n’existent pas. En se basant sur le morceau lâché en éclaireur, « Midlight Scout », il est facile d’entrevoir les capacités du groupe de Bucarest, et pourtant, celui-ci n’en offre qu’une vue partielle, exhibant fièrement quelques riffs accrocheurs, et une rythmique presque stable qui ne présente qu’une facette d’un groupe aux reflets multiples. Des indices peuvent se trouver dans le travail graphique accompli par Costin Chioreanu, qui se ses traits nous aiguille sur le chemin d’un Metal pluriel et dense, sans pour autant communiquer d’autres informations. Le libre-arbitre reste la donnée la plus importante pour aborder le travail des BLOODWAY, puisque chacun ressentira cette musique et ces textes à sa façon, en se basant sur sa propre sensibilité.
Les plus facilement impressionnables se sentiront perdu en faisant le grand écart promis par la disparité de compositions comme « The Startling Grotesque », qui adapte la noirceur du BM à un contexte purement Heavy Metal, et « Prison Paradise », qui de son énorme basse grondante nous mène sur le territoire paisible d’une guitare en écho, à peine dérangée par un chant harmonieux, marchant sur les traces d’un PARADISE LOST perdu dans des sixties à redécouvrir, l’âme ouverte et le cœur prêt à admettre des sentiments échappant à son contrôle. Et c’est justement cette diversité qui enrichit ce second album faisant preuve d’une indéniable maîtrise dans la bousculade des ressentis, en n’hésitant pas à piocher dans des répertoires opposés de quoi nourrir des ambitions artistiques élevées. A tel point qu’on se demande à quel wagon rattacher les roumains, qui avancent en roue libre, en prenant soin de planifier quelques arrêts pas forcément prévisibles…Le trio (Costin Chioreanu – chant/guitare, Alex Ghita – batterie et Mihai Andrei – basse), affranchi de toute astreinte, est capable de passer au gré des enchaînements d’une chorale enfantine spectrale à une imbrication de plans progressifs et évolutifs, manipulant la violence pour la rendre encore moins domesticable (l’entame de « The Incident », et même sa suite, qui nous plonge en plein délire Post BM progressif et psychédélique, sans noyer ses mélodies dans des délires psychologiques trop personnels pour être partagés), ou de jouer de mécanismes bien huilés, partant sur les traces d’un CORONER jamais revenu de ses cauchemars instrumentaux les plus éprouvants (« Encounters To Pray For », les suisses et les canadiens de VOÏVOD sont sur un bateau, et écoutent les vieilles légendes narrées par un DEATHSPELL OMEGA sûr de son fait).
En gros, des surprises, des détours, mais toujours cette pertinence qui empêche les roumains d’enjamber le garde-fou pour nous entraîner en hors-piste. Et pourtant, Dieu sait s’ils essaient. Vraiment.
Ils essaient, principalement par l’entremise de leur chanteur/guitariste/graphiste. Si le jeu de Costin est fabuleusement riche et imprévisible, il s’attache à réconcilier des arpèges apaisés et des riffs décharnés, tout en utilisant sa palette vocale pour stimuler nos sens, les caressant parfois, pour mieux les mutiler l’instant suivant. Chanteur polymorphe, capable de pousser des cris stridents reléguant l’arrière-garde des vocalistes BM historique au rang de simples corneilles baillant aux humains, ou simplement d’adopter une posture médiane en son clair, c’est lui le point de focalisation indéniable qui attire toutes les attentions, alors même que sa section rythmique fait tout ce qu’elle peut pour assurer les arrangements nécessaires à la stabilisation de ses idées biscornues. En témoigne l’ambitieux final « A Fragile Riddle Crypting Clues », qui loin de se contenter d’un simple résumé, propose d’autres voies, d’autres possibilités, en jouant la nuance totale, et en tentant le coup de l’équilibriste pendu à un fil ténu…Atmosphère poisseuses, parties instrumentales en demi-teinte, avancée constamment retardée par des silences et des absences, et conclusion en drop qui nous laisse avec une injonction prononcée d’une voix grave, cet ultime chapitre se veut fermeture d’un précédent, et probable ouverture vers une suite, encore plus étrange peut-être…
Mais les surprises sont nombreuses sur ce second LP qui va encore plus loin que le premier, et qui nous présente un groupe « alternatif », qui s’assure que nous soyons dépendants de sa volonté. Parler de Post BM progressif, de Metal avant-gardiste ou d’Expérimental harmonique n’a que peu d’importance face à la richesse d’un disque qui assume ses travers en les transformant en qualités.
Mais tous les fans de musique libre sauront reconnaître l’unicité des BLOODWAY, qui arpentent un chemin bien étrange, dans une forêt dense, sans tenir compte des sentiers dessinés…Un chemin, qui vous mènera peut-être à un autre dimanche matin, sans vous rendre compte que la semaine a déjà disparu…
Titres de l'album:
Avec Massacra legacy, ça commence nettement à avoir plus de gueule ! Reste à voir la suite des annonces. Mais je crois que je vais plus préférer le Westill le mois suivant au même endroit cette année, déjà Elder et Wytch Hazel de confi(...)
13/05/2025, 07:48
Mea culpa....J'avais pas vu la news en première page - j'ai été directement te répondre.
12/05/2025, 14:33
S'il est du même acabit que le The Cthulhian Pulse: Call From The Dead City sorti en 2020, Mountains of Madness risque d'être un allday listening pour moi.J'ai hâte, bordel !
12/05/2025, 13:44
J'étais passé totalement à côté de cette petite pépite de Death Suédois!Vieux moutard que jamais!Puteraeon glisse de belles ambiances lovecraftiennes sur cet album et les arrangements apportent un plus à l'ensemble.
12/05/2025, 13:42
Necro est sympa, avec de bons passages groovy et d'autres où le groupe envoie du bois.Pas sûr de l'écouter durablement, d'autant plus que le prochain Puteraeon sort le 30 avril prochain.
12/05/2025, 13:40
Sentiment mitigé pour ma part Le chant de Johan Lindqvist n'atteint pas un pouïème de ce qu(...)
12/05/2025, 13:38
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29
Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...
06/05/2025, 17:11
Ils sont juste trop faux-cul pour assumer le statut de tribute band, voilà tout.
06/05/2025, 16:15