Dans les années 80, faire la différence entre un groupe de Thrash américain et un groupe de Thrash allemand était chose très facile. Les américains étaient fluides et techniques, les allemands étaient de gros bourrins. Alors, avec METALLICA, MEGADETH, EXODUS, ANTHRAX et SLAYER d’un côté, et SODOM, DESTRUCTION, KREATOR de l’autre, impossible de se tromper sur la marchandise. Et puis, les choses ont évolué, les germains ont découvert l’art subtil de la délicatesse, et les différences entre les deux pays se sont estompées. Aujourd’hui, il est impossible de savoir en l’écoutant de quelle nationalité est un groupe, puisque même les sud-américains se sont calés à l’heure de la précision. Alors, rappelons-nous pour le plaisir cette époque facile, époque que les MORTAL TERROR ont d’ailleurs bien connue. Ce nom ne vous dit rien ? Pourtant, ce groupe originaire de Hann a fait ses classes alors que KREATOR avait déjà sorti Pleasure to Kill, et au moment du tournant compréhensible et plus « catholique » de SODOM. La première démo du combo date en effet de 1987 (Humour Is a Matter of Taste), mais il aura fallu attendre 1994 pour que son premier album ne se trouve dans les bacs. The Evolving Self aura donc été le véritable point de départ professionnel de la carrière de MORTAL TERROR, qui pendant sept longues années aura enchaîné les démos (six en amont du premier LP, bravo l’obstination), avant de prendre son envol.
Enfin, l’envol lui aussi a mis un certain temps, puisque après Posthuman, le second album du gang, seuls deux EP’s auront rassasié les fans, avant que les allemands ne trouvent enfin leur vitesse de croisière en 2003. Et ce sont en tout six LPs qui constellent aujourd’hui leur parcours, et je dois vous avouer une chose très importante. Avant cette chronique, je n’avais jamais entendu parler d’eux, malgré mes connaissances approfondies sur le sujet. Difficile à croire d’autant que le quintet accuse les trente-cinq ans de marathon Thrash, mais autant corriger une faute lorsqu’on en a conscience. C’est ainsi que j’ai estimé que le nouvel effort de MORTAL TERROR méritait bien une chronique, d’autant plus que leur musique est aussi savoureuse qu’elle n’est modérée.
Thrash évidemment, mais pas seulement, et surtout pas à la choucroute/saucisses lourde des années 80. La musique du quintet, articulé autour de deux de ses membres originaux Stefan Kunth (chant) et Dirk Wieland (guitare/choeurs), et de trois accompagnateurs (Gerret "Rox" Geilich - basse, Jürgen Grauer - batterie et Matthias Keyser - guitare) est donc agressive, bien sûr, mais totalement compréhensible et abordable par les réfractaires d’une violence gratuite et paillarde. Pas question ici de payer son tribut aux deux monstres KREATOR et SODOM, ni de sombrer dans la parodie à la TANKARD, mais plutôt de garder la mainmise sur la technique nationale pour l’agrémenter d’un savoir-faire typiquement américain. Générique, le Thrash des MORTAL TERROR l’est assurément, mais terriblement bien construit et bien joué, et sans provoquer de réactions d’admiration béate, contient assez d’arguments massue pour convaincre les plus passionnés.
Ce qu’on note au prime abord, c’est cette prolixité des guitares qui en font des tonnes, et lâchent des riffs tous azimuts. Mais de véritables riffs, pas de simples prétextes à la débauche, des riffs à la EXODUS/AGONY, des riffs qui cognent et qui permettent à la rythmique de varier les plaisirs. Pas question ici de foncer tête baissée pour se cogner le mur de la linéarité, mais pas question non plus de rester embourbé dans un mid tempo pataud qui fera fuir les badauds. Les musiciens sont bons, intelligents, et tiennent à garder un équilibre stable entre la puissance et la mélodie, à la manière d’un TESTAMENT plus remonté qu’à l’ordinaire. Ce qui nous permet de savourer de longues compositions qui étalent de belles idées, et qui privilégient l’optique progressive si prisée à la fin des eighties. Pas question pour autant de verser dans l’égocentrisme du Techno-Thrash, mais bien de jouer un Thrash dégoulinant de Heavy, et reposant sur des bases solides et saines. C’est ce que démontre avec fermeté l’infernal « Black Church of Rock'n'Roll », qui de son intro harmonieuse nous mène à un carnage en règle, de ceux que le ANNIHILATOR des grands jours nous réservait dans sa prime jeunesse.
Beaucoup de syncopes donc, des saccades précises, des breaks bien amenés, et une expérience sur laquelle on capitalise. N’oublions pas que le duo Stefan Kunth/Dirk Wieland se connaît par cœur, et sait exactement ce qu’il veut. On s’en rend compte dès l’entame dantesque de « Bite of the Underdog » qui joue avec la frontière du Death en imposant des chœurs d’outre-tombe en arrière-plan. On pense à une version plus polie des NO RETURN, mais le métier des allemands parle pour eux et leur permet d‘éviter les comparaisons trop envahissantes.
Sans provoquer l’admiration des Dieux de la bestialité, Bite of the Underdog frappe fort et juste, et nous évite les fillers pénibles ou les citations trop directes. Le paradoxe est qu’en restant en ligne médiane et sans choisir son camp, le groupe parvient justement à trouver son identité et à séduire tout le monde, du fan de MOTORHEAD/TANK qui trépignera au rythme de « Die at Full Speed », jusqu’au maniaque de SLAYER ou RECIPIENTS OF DEATH qui louera les qualités du terrible « To the End ».
Chant ferme, guitares volubiles et implacables, ambiances parfois mystiques et sombres (« Hate for the Haters », une boucherie à la OVERKILL, mais en plus viril), ce sixième album du groupe se pose en acmé d’une très longue carrière, et ne cède pas un pouce de terrain jusqu’à son terme. Bien évidemment loin de moi l’idée de placer les MORTAL TERROR sur un piédestal, mais je ne peux m’empêcher de me demander pour quelle raison le groupe évolue encore dans l’ombre de l’underground avec de telles qualités. Le quintet parvient même à ramener à la surface la magie juvénile de Kill’Em All, en version plus germaine (« Hounds of the Night »), et de fait à dénoncer indirectement l’injustice de son anonymat. J’irai même jusqu’à pardonner l’atrocité de cette pochette immonde, qui concurrence presque celle de WOLF. C’est dire.
Titres de l’album:
01. Bite of the Underdog
02. Die at Full Speed
03. To the End
04. Black Church of Rock'n'Roll
05. Hate for the Haters
06. Black Pilled
07. Hounds of the Night
08. Warheads
Excellent report ! J'y étais. C'était purement génial. Dans le même style, tout aussi excellent, le Courts Of Chaos fut aussi un fantastique moment.
01/06/2025, 19:36
Incroyable un groupe qui s'attaque à faire une reprise de Dead Congrégation !!! Je me languis d'écouter ça . Faut pas se louper la ahah.
31/05/2025, 21:53
Ah ah ce message d'au revoir est magnifique"Je dois y aller maintenant… chercher un boulot et jouer à Roblox avec mon fils…"
31/05/2025, 09:12
@Gargan exact, oubli impardonnable...Mais que veux-tu, je suis une vieille baderne qui pense que DEEP PURPLE est de la musique de jeunes et que tout est pourri depuis la mort de Roy Orbison. Mais totalement d'accord pour "Whiter Shade of Pale", quel feeling....
30/05/2025, 09:39
Bah tu as oublié la reprise finale de dragon ball par Lisa, question de génération hehe. Je ne connaissais pas tant que ça Paul Gilbert (un peu Mr Big et Racer X, mais pas plus), super bonhomme et musicien incroyable. Enorme panard sur la reprise de Procol Harum.
29/05/2025, 22:28
J'avoue avoir délibérément censuré cette information de premier choix... ... ...
26/05/2025, 07:32
@LeMoustre : alors grand-père, t'as réussi à sorti des soins palliatifs?
24/05/2025, 07:15
Une plaque bien méritée ! Mes deux premiers albums de death metal, Blessed are the Sick de Morbid Angel et Tomb of the Mutilated de Cannibal Corpse, deux albums que j'adore toujours autant, après plus de 30 ans passés dans ma discothèque, y ont &eacut(...)
23/05/2025, 19:55
Je chiais encore dans des couches à la grande époque du Morrisound, et pourtant si je fais un top 10 de mes albums de chevet tous styles confondus, la moitié (au moins) aura été enregistré dans ce studio. Le genre de lieu qui a marqué notre sc&egra(...)
22/05/2025, 17:52